Elle se prit la tête dans les mains, dépassée par le vocabulaire utilisé dans les courriers administratifs. Sans un dictionnaire à côté d'elle, difficile de comprendre ces tournures étranges et ces mots parfois jamais lus ou entendus. Elle rassembla ses forces afin d'en finir le plus tôt possible. Le temps était précieux, elle ne souhaitait pas perdre une minute de plus. Chaque jour gagné la rapprochait du mariage et même si cela semblait encore surréaliste pour une partie d'elle-même, une autre bouillait d'impatience à l'idée d'enfin pouvoir être unie à quelqu'un. Alors elle prit sur elle et suivit les instructions qu'elle trouva sur internet afin d'obtenir son visa "fiancée", comme les gens l'appelaient vulgairement.
Et ce ne fut que plusieurs jours plus tard qu'elle obtint une date de rendez-vous avec le consulat des États-Unis en France, un rendez-vous qu'elle allait devoir honorer par Skype, impossible de se permettre un aller-retour en avion pour un tête-à-tête d'une heure à peine. Pour cela, elle dut par avance envoyer plusieurs justificatifs sur sa vie avec Bill. Elle fit donc des copies des papiers de son ancien appartement délaissé pour s'installer en Amérique. Elle rassembla tout ce qui put lui servir de preuves, les moindres factures à son nom en Californie aux copies des billets d'avion pour quitter la France en janvier. Et jusqu'au rendez-vous virtuel, elle angoissa de savoir si tout cela allait paraître suffisant pour lui autoriser de se marier à Los Angeles.
Lorsqu'elle alluma son ordinateur pour honorer le rendez-vous, elle fit attention au cadre. Pas de bazar en fond, pas de superflu autour d'elle, pas de Pumba susceptible de venir la déranger en pleine argumentation. Juste les papiers importants à côté d'elle, invisibles pour la caméra jusqu'à ce qu'elle les relève, et une vue floue sur le salon derrière elle, propre, bien rangé. Déjà, cela la rassura de ne pas avoir mille affaires traînant partout, elle se sentit moins embarrassée et son esprit put se concentrer sur ce qui l'attendait et qu'elle voyait comme une épreuve. Si elle loupait cet entretien, pas de visa et donc pas de vie ici. Ce qui se jouait était capital.
La connexion se fit à l'heure prévue. Il n'était même pas neuf du matin ici mais à Paris, il était presque dix-huit heures, elle était sans doute le dernier rendez-vous de l'homme qui apparut sur son écran alors qu'elle débutait sa journée avec une dose de stress.
Elle le salua poliment et attendit qu'il engage la conversation sur des points précis. Il parla des documents qu'il avait reçus et qu'il avait attentivement étudiés, même les factures insignifiantes à son nom dans des commerces de Los Angeles. Elle eut du mal à répondre sans que sa voix ne tremble d'appréhension, même ses mains posées sur ses genoux tressaillirent dès qu'un silence trop long s'imposa dans la discussion. Petit à petit, la confiance la gagna en voyant l'homme plutôt favorable dans ces phrases. Elle commença à imaginer la réponse positive arriver d'un coup, comme un cadeau, et égayer brutalement sa journée et celle de Bill mais au lieu de cela, une ombre traversa le visage de son correspondant.
« Ça fait combien de temps que vous êtes en couple avec monsieur Kaulitz ? »
Un éclair la cloua sur place, elle en resta bouchée bée. Elle fixa l'écran, le cerveau cuit par cette question qu'elle n'avait pas vue venir. Et d'un coup sa réflexion s'emballa. Si elle avait le malheur de dire la vérité, il lui rirait probablement au nez. Sept mois, qu'est-ce que cela pouvait signifier à quiconque ? Si elle et Bill ne se focalisaient que sur leurs sentiments, le monde autour d'eux ne jugeait que par les faits. Sept mois, avec à peine un mois de vie commune, cela ferait d'eux un couple peu fiable, bancal, et son visa lui passerait sous le nez en prétextant que la relation n'était pas assez concrète pour obtenir un tel privilège.
Elle respira grandement, les doigts serrés sur ses genoux coupés à l'écran. Il lui fallait mentir pour obtenir ce qu'elle désirait. Et mentir, elle savait faire. Pendant des années, avant de connaître Bill, elle n'avait fait que cela avec son entourage, se parant d'un costume de jeune femme sensée et droite pour dissimuler l'adolescente rêveuse en-dessous. Cela faisait sept mois qu'elle n'avait plus endosser ce rôle mais elle ne s'en inquiéta pas. La comédie, c'est comme le vélo. Il suffit de remettre un pied dessus pour retrouver toute la mécanique.
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Je veux rêver avec toi
FanfictionRêver, c'est beau. Rêver à deux, c'est magique. Mais l'assumer au grand jour, cela peut se révéler plus compliqué qu'il n'y paraît, et il faut parfois faire des sacrifices pour y parvenir. Tous les contes de fées ont leurs péripéties.