Je veux rêver avec toi

Chapitre 8

Après une matinée à finalement se reposer dans ses draps pourtant bien chauds et presque étouffants, à force, Lauria se prépara à profiter de l'après-midi avec Bill, du dernier après-midi avant d'être séparés par des milliers de kilomètres sans même avoir une date pour ne plus penser à cette distance dévorante. Si elle avait la moindre idée du jour où elle pourrait revivre un tel moment de partage, elle serait pareille à une prisonnière comptant chaque journée, les gravant sur un mur en attendant une libération totale.

En y réfléchissant à deux fois, elle constata tristement qu'elle n'en était pas si éloignée. Dès lors qu'elle remettrait un pied dans l'avion, elle ne serait la même Lauria que durant cette semaine de vacances et face à sa famille, elle devrait remettre les couches de couvertures sur son corps et ses attitudes afin de ne laisser personne pénétrer dans sa vie la plus intime et découvrir son véritable elle.

Et pourtant, elle ne voulait pas retourner dans cette comédie et enfiler une multitude de costumes pour se conformer aux pensées trop cartésiennes de ses proches. Cette semaine fut si bonne et libératrice sans se couvrir continuellement derrière ses mensonges qu'elle se demanda si elle parviendrait à supporter désormais de les enfiler dès le matin, au réveil. Elle craignit de ne plus accepter la moindre dissimulation, comme si un voile de mensonge pouvait la démanger et l'obliger à tout retirer avec hargne pour ne plus subir cette torture. Et il lui suffit d'un coup d'œil à son téléphone pour s'en convaincre un peu plus.

Elle retrouva la photo de Bill prise quelques jours plus tôt, en pleine nuit, sous cette douce lumière laiteuse qui purifia presque ses traits déjà parfaits à ses yeux. Elle l'admira telle une œuvre d'art, fascinée par son profil si pâle se détachant de l'obscurité environnante. Elle suivit cette ligne avec ses monts et ses vallées qu'elle apprécia presque du bout de l'index sur son écran tactile. Ce visage si clair, apaisé... Serein. Elle voulut le garder auprès d'elle tel un doudou, un grigri capable d'éloigner ses troubles et ses questionnements car devant ses yeux fermés sur cette photo, elle crut voir au travers un soutien sans faille, un alter ego capable de se mettre à sa place et de prendre son relais lorsqu'elle n'arriverait plus à tenir debout. Elle ne sut pas se l'expliquer, ce fut simplement une évidence, un sentiment qui grandit en elle et inonda son cœur d'une énergie qui décupla ses forces. Elle se sentit capable de l'impossible devant ce visage majestueux à ses yeux.

Son repas ne fut constitué que d'un sandwich qu'elle avala en vitesse dans sa chambre après avoir osé braver ce temps lourd et pesant sur la ville. Les orages n'allaient pas tarder à gronder et laisser leurs larmes ruisseler dans les rues, elle avait presque de la chance de partir le lendemain car Los Angeles sans son soleil de plomb, cela ne ressemblait plus aux vacances paradisiaques vendues dans toutes les agences.

Plus vite qu'elle ne le pensa, Bill arriva et lui signala sa présence grâce à un petit e-mail qu'elle reçut comme un soulagement. Seule dans cette pièce plutôt étroite, elle tournait en rond tel un boisson dans son bocal à la recherche d'une issue de secours. Mais par ce petit message de rien du tout, une brèche vint de s'ouvrir et ce fut avec vigueur et enthousiasme qu'elle dévala l'escalier afin de le rejoindre et de le prendre dans ses bras sans la moindre appréhension.

Immédiatement, elle sentit cette bulle de rêverie se recréer autour d'eux, ses bras protecteurs autour d'elle en constituèrent les parois. Elle plongea dedans avec une envie et une impatience telles qu'elle se demanda une seconde si tout cela était bien réel. Mais en relevant les yeux dans ceux noisette de Bill, elle n'eut plus une seule question, seulement un tas de réponses qu'elle avait cherché pendant des années dans des équations d'amour à plusieurs inconnus. Avec lui, il n'y avait aucun inconnu, tout était clair, évident, logique. Ils s'assemblaient dans une addition au résultat qu'ils espéraient tous les deux voir se réaliser.