Chapitre 20

98 5 6
                                    

Elle rentra de sa nuit de travail avec son énergie à plat mais sa volonté d'appeler sa sœur avant de s'effondrer dans son lit douillet n'attendant qu'elle lui permit de tenir encore un peu. Son portable contre l'oreille, elle arrangea son bouquet ornant sa petite table basse, le sourire aussi sincère que si elle le découvrait pour la première fois. Les tonalités qui l'agacèrent s'estompèrent enfin, elle en poussa un soupir de plaisir tant ce bruit lui vrillait les tympans.

« Ouais ?

- Fanny ? C'est moi. Ça va ?

- Ouais et toi ?

- Ouais.

- Tu bosses pas ?

- Je viens de finir. Je peux te parler, je ne te dérange pas ?

- Ben fais vite quand même parce que moi je vais partir bosser. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu... Tu as eu un appel de maman hier ? Lui demanda-t-elle un peu embêtée.

- Pourquoi ?

- Elle est passée chez moi et... Ça ne s'est pas bien passé...

- Oui, je sais, l'interrompit sa sœur d'une voix qui lui parut agacée. Elle m'a appelé pour me le dire.

- Ah ? Et elle t'a dit quoi ?

- Que je devais essayer de te faire changer d'avis.

- Quoi ? Mais...

- Je t'arrête de suite, je ne vais rien faire.

- Ah, soupira-t-elle soulagée.

- Ça ne sert à rien de toute façon.

- Comment ça ?

- Je sais que tu ne vas en faire qu'à ta tête et que quoi qu'on dise, tu vas te borner. T'as un caractère de merde parfois... »

Elle en eut les cordes vocales nouées. Le culot de sa sœur l'épata, surtout en connaissant son propre caractère bien pire que le sien.

« J'ai dit à maman de ne pas insister avec toi. Tu fais ta crise d'ado en retard alors on ne va pas se fatiguer. Tu vas tout refuser comme si tu avais quinze ans. Tu joues les provocantes, tu veux pousser un peu papa et maman... Alors tu sais quoi ? On va te laisser finir ta petite provocation puis dès que tu redeviendras adulte, tu nous feras signe, OK ? Allez, fais ton délire, gamine, moi je vais bosser. Ciao ! »

Un son sourd remplaça la voix si méprisante de Fanny. Elle resta statique sur son canapé, la bouche entrouverte de stupeur, les yeux perdus dans les taches colorées des pétales.

Une provocation ?

Elle ressassa ces mots si destructeurs qui se répercutèrent jusque dans sa poitrine et l'éclatèrent en silence. Elle ne perçut rien d'autre que cette sensation de partir en morceaux et de chuter à l'intérieur d'elle-même.

Ses parents et maintenant sa sœur. Personne ne comprenait son histoire à part sa grand-mère, cela lui sembla bien peu tout à coup. Cela lui coupa la respiration, elle s'asphyxia toute seule sur son canapé, figée dans le temps et l'espace.

Elle se souvint de sa rencontre avec Bill, de ce moment à la terrasse du café où elle découvrit la raison de son impression si positive qu'elle avait eue dès son lever. Elle n'aurait pas imaginé un seul instant que ce bonheur extrême aurait un revers si violent, au point de la laisser idiote chez elle. Visiblement, le karma existait bel et bien. Tout n'était qu'une question d'équilibre et son prix à payer pour vivre avec son rêveur, c'était de perdre presque toute sa famille.

Je veux rêver avec toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant