Page 7.

1.1K 99 7
                                    

Dos à moi, je pouvais malgré tout deviner que ses cheveux blonds longeaient délicatement sa nuque. Sa carrure était imposante contre mon dos. L’homme qui  se tenait derrière moi était bien plus grand et j’aurais aimé découvrir son visage et comprendre pourquoi il me fuyait à chaque fois que je rêvais de lui. Nous étions dans cet endroit entièrement blanc.

—Dis-moi qui es-tu ? Je t'en prie… l'implorai-je sans me retourner.

J’avais beau lui dire que je ne lui voulais pas de mal, il restait silencieux. J’avais l’impression de l’avoir rencontré  auparavant et de tenir a lui. Et le faite d’être plongé dans un rêve ne m’aidait pas à réfléchir raisonnablement. Je marchais devant moi avant de le contourner  en ne quittant pas sa silhouette du regard. J’ignorais pourquoi mais même sans voir son visage, je devinais qu’il était triste, voir dévasté. Une fois en face de lui, il ne bougea pas. Je pris une inspiration en tentant de relâcher la pression de mes épaules et calmer ma nervosité avant de saisir sa main.

—Parle-moi. Je ne suis pas ton ennemi.

J’étais bien à ses côtés pourtant. Je ne fus même pas choqué de me sentir en sécurité avec lui. Quelque chose me disait qu’il prenait soin de moi. Il tenait à moi et semblait se reprocher sans cesse quelque chose que j’ignorais. Je pris tout de même sur moi avant d’insister pour qu’il me regarde. Puis, je reculai légèrement car je ne m’attendais pas à le voir pleurer, du sang autour de ses lèvres et sur le haut de sa tunique. Il m’était impossible de voir ses yeux où même son visage a cause de ses mèches devant. Et quand je tentais de les mettre en arrière, sa vision s’effaça pour le ramener à la réalité.

***

Depuis quelques jours, je me retrouvais avec Mikleo, le capitaine de la garde royale. Notre relation avait bien évolué et aujourd’hui, je le considérais comme un ami. Chaque fois, il m'apprennait des choses, on parlait de façon naturelle même s'il y avait une barrière de respect entre nous.

Mais aujourd’hui, nous devions retrouver le messager qui nous attendait. J'espérais qu'il nous apporte de bonnes nouvelles  concernant Killik et les soldats à ses côtés. Une fois de plus, on se retrouvait à voyager sur Milla. C’était une jument toute blanche. Sa queue et sa crinière me rappelaient Mikleo. Cela semblait bizarre mais je n'avais plus l'impression d’être un souffre-douleur à présent. Cela venait certainement de Mikleo qui prenait soin de moi et avec qui, je passais plus de temps que Killik. Prendre de la distance avec ce dernier n’était pas une mauvaise chose, finalement.

— Vous pensez que ce seront de bonnes nouvelles ? Demandai-je.
— Je ne sais pas, commença-t-il. Mais  pendant une guerre, rares sont les bonnes nouvelles. Je crains que nous connaîtrons des pertes importantes.

J’avais toujours ce mauvais pressentiment. Mais je ne savais pas d’où me venait une telle impression, peut-être était-ce mon imagination ?

— J’espère qu'il va bien…

Je l’avais chuchoté suffisamment bas pour qu’il ne m’entende pas.

— Tu as dit quelque chose, Kairi ?
— N-Non, rien du tout !

J’étais paniqué et Mikleo comprenait bien que je n’étais pas dans mon état normal.

— Que se passe-t-il ?
— Je ne sais pas comment vous en parler mais croyez-vous que…

Je pouvais faire confiance à Mikleo, il ne me voulait aucun mal. J’en étais certain.

— Que je suis fou ? J’ai l’impression que cette guerre n’a pas éclaté par hasard…
— Cette guerre oppose Killik à Gildarts.
Gildarts ?
— Le roi de Praguaa, le royaume des eaux.
Une guerre entre royaume, hein…

— Gildarts est le demi-frère de Killik. Ils ont le même père mais pas la même mère. L'ancien roi d’Iris était libertin et malgré la mère de Killik, il ne lui était pas fidèle. D’une de ces unions et né Gildarts. N’étant pas le fils de sa femme, il n’a pas hérité d’Iris.

Je pris la révélation comme un choc. Killik avait donc un frère ? Bon, ils n’avaient pas la même mère mais ils restaient liés par le sang. Je comprenais enfin d’où me venait une telle impression. Cette guerre ressemblait plus à un règlement de compte qu’autre chose. Gildarts en voulait personnellement à Killik. Cependant, au fond de moi, je  savais que ce n’était pas la principale raison de ce conflit. Désemparé, je m'accrochais à la tunique de mon ami.

— Vous devez la gagner cette guerre !
Qu’importe ces raisons, Killik ne devait pas faillir.
— J’ai confiance en notre roi, Kairi.
Au fond de moi, je souhaitais de tout cœur le revoir.
— Notre Majesté reviendra.

Il était souriant et confiant. Comme l'avait dit Killik, Mikleo n’était pas qu’un simple capitaine, il était son bras droit et son ami. Sans qu'il me le dise, je pouvais voir cette belle amitié entre ces deux hommes. J’étais convaincu que ces deux-là se connaissaient depuis longtemps.
Pour rejoindre le messager, il fallait passer par une falaise. Malgré ma peur du vertige, je savais que le capitaine ne me laisserait pas tomber. Une fois l'obstacle passé, nous étions sur un terrain plat, et c’était beaucoup plus rassurant.

Devant nous, se tenait une forêt où la végétation était rose. J’étais ébloui par ce spectacle si unique qui me rappelait que trop bien la beauté de cet univers.

C’était divin ! Qui aurait cru qu’un endroit pareil existait ! Mikleo me fixa sans comprendre d’où me sortait une telle énergie. Le capitaine semblait complètement perdu. Sa tête était juste à mourir de rire. Même des êtres comme eux pouvaient prendre en genre d'expressions.

— J'aimerais beaucoup venir ici avec Killik, lui avouai-je.

Mikleo me sourit tendrement. En attendant l'arrivée du messager sous ces magnifiques arbres, le capitaine m'aida à descendre de la blanche jument. Puis, nous marchions sur un petit chemin en pierres. Je sautillais et courrais comme un gosse. Je me sentais libre comme l’air et je n’avais plus le besoin de fuir cet endroit car je savais que j’étais en sécurité.

Et par-dessus tout, je tenais à ce royaume.

— Je suis certain que notre roi serait ravi de pouvoir revenir ici à tes côtés.

Un rendez-vous avec le plus tyrannique des hommes ne pouvait pas me faire de mal ?

— S'il venait à ne pas revenir, je te prendrais sous mon aile. Si le roi t'a traité ainsi, je me dois d'en faire de même. Ce que le roi veut, je le fais.

Je pouvais voir un léger sourire sur son visage. Mikleo était le plus loyal de ces hommes. La sérénité sur son visage ne le rendait que plus beau.

— Killik peut être dur, mais c'est quelqu’un de bien. Malheureusement, il vit chaque jour avec ce regret.
— Ce regret ?
— Il s'en veut de ne pas avoir pu te protéger quand tu en avais besoin.

Derrière son comportement, se cachait un personnage qui souffrait. Il vivait avec un fardeau constant sur les épaules. Et pour le comprendre, je devais me souvenir de lui. Je l'avais jugé vraiment trop vite sans chercher à comprendre qui il était.

— Je m'excuserai auprès de lui a ce moment-là. Il a ses torts bien sûr mais j'aurais sûrement dû prendre le temps de le connaître avant de le juger. Je suis vraiment désolé.

Mikleo caressa mes cheveux. 

— Kairi, quoiqu'il se passe, ne reste jamais seul avec le roi de Praguaa.
— Pourquoi ?
— S'il apprennait que tu es à ses côtés, il n’hésitera pas à se montrer sans pitié, même avec toi.

Déjà que Killik était effrayant, mais je ne pus que le croire. Il devait être dangereux.

— C’est une histoire de famille alors ?
— Si on veut, mais ce n'est pas parce que Killik revient que Praguaa sera vaincu.

Oui, et ce conflit tournait autour de moi. Même Mikleo ne me disait rien de plus. Tous gardaient le silence pour ne pas m’influencer dans ma relation avec Killik.

Une dernière fois, je caressais mes lèvres en me remémorant le goût de notre baiser.

KAIRI (Vol.1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant