Prépa 3 et salon de thé

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               Je suis actuellement en train de me préparer pour aller "travailler", enfilant des bas résilles que je déteste absolument plus que tout au monde. Il me reste une bonne heure avant de partir, mais j'ai préféré prendre de la marge, m'assurant que je n'aurais pas de réprimandes de Monsieur Stanislas Novska. Un bruit à la porte me sort de mes pensées.

- Sel, c'est Minha, je peux entrer? 

- C'est ouvert, viens.

Elle entre avec sa grâce habituelle.

- Tu es venue pour quelque chose de spécial ou juste pour mon agréable compagnie? 

Je ne rêve pas, je sais déjà de quoi elle va me parler.

- Ecoute Sel, dit-elle en laçant mon corset, je sais que c'était assez saugrenu, mais...

- Mais quoi? Répondis-je en me levant précipitamment. Tu pense que ma réaction était exagérée peut être?

- Je pense que lui répondre "non", aurais suffit, tu sais... La gifle et le "Mais il est cinglé, lui! Et puis quoi encore?! Tu veux pas me faire un gosse tant qu'on y est?!" qui a résonné dans tout le manoir étaient peut être pas vraiment nécessaire...  

Quand je réfléchis, c'est vrai que j'y suis allée un peu fort... Mais bon c'était sous le coup du choc, de la surprise. J'ai réagis excessivement parce que ce taré m'a demandé en mariage, c'est pas n'importe quoi quand même! D'ailleurs juste après lui avoir balancé ça dans la tronche, j'ai tourné les talons et me suis réfugiée dans ma chambre. Ça l'a vexé je crois, parce que je ne l'ai plus revu après ça (je suis pas vraiment sortie pour vérifié s'il passait dans le couloir hein).

- Minha, je suis pas prête pour tout ça... On se connait pas depuis si longtemps que ça, je veux dire, normalement les gens normaux se marient après deux ou trois ans de vie commune, au moins.

- Euh... En un sens, vous habitez ensemble, tu sais.

Je la regarde en plissant les yeux.

- Minha, s'il te plait...

Elle lève les mains en signe d'innocence.

- Ok, j'arrête. Explique moi plutôt ce qu'il s'est passé dans ta petite tête et comme tu te sens maintenant. 

- Je suis vraiment obligée de répondre tout de suite?

Elle me lance son regard spécial, celui qu'on appelle "confie toi à moi, je suis ta deuxième maman". Je soupire.

- Minha... Il m'a quand même demandé en mariage! 

- En fiançailles en réalité...

- Les fiançailles ça conduit à quoi, dis moi...

- Effectivement...

- Je n'ai que 17 ans, je ne suis pas prête. Je suis encore au lycée, je veux faire des études, voyager, faire plein de choses avant de me marier, et d'avoir, éventuellement, des enfants. Ce qu'il me demande là, c'est de rester prisonnière ici, où dans une autre grande maison, à faire tout ce qu'on attend d'une épouse de mafieux. Et pour moi, il en est hors de question. Je l'aime, mais je refuse de me marier alors que je sais que sa vie est en danger à chaque seconde et que son travail est aussi sale. 

- Ecoute Selena...

- Non c'est toi qui va m'écouter. Mes parents se sont mariés à à peine 18 ans, parce que ma mère est tombée enceinte de mes frères très tôt. Elle ne l'a pas vraiment fait par choix, même si elle aimait mon père. Elle s'est vite retrouvée prisonnière de son rôle de jeune épouse/mère, n'ayant pas le choix d'arrêter ses études pour élever Tom et Jackson. Quelques années plus tard je suis arrivée, cette fois parce qu'ils désiraient un troisième enfant. Lorsque l'on a été assez âgés, ma mère a repris ses études et peut maintenant exercer le métier qu'elle a toujours souhaité faire, c'est à dire institutrice. Elle nous a tous fait promettre de faire attention, pour ne pas se retrouver coincé comme elle l'a été, de profiter de notre jeunesse et de ne pas sauter d'étapes, parce que chaque moments de la vie méritent d'être vécus. 

J'ai remarqué que pendant mon récit Minha caressait son ventre de manière possessive, et je sais dire d'avance qu'elle sera une très bonne mère malgré son jeune âge. 

- Donc si je comprends bien, ce n'est pas vraiment le mariage en soit qui te dérange, mais plutôt ce qu'il implique, n'est-ce pas? 

Je réfléchis deux minutes.

- C'est ça.

- Donc ça ne te plairait pas de défiler dans une belle robe blanche jusqu'à l'homme que tu aimes, de crier à qui veut l'entendre qu'il t'appartient, de passer chaque jour en sa compagnie, de porter le fruit de votre amour, le tout dans un tourbillon de bonheur?

J'ai l'impression qu'elle me raconte son histoire. Je sais qu'elle essaie de me faire changer d'avis et que c'est typiquement ce que toutes les filles désirent, mais je ne suis pas une fille comme les autres.

- Tu essaies de me vendre ton conte de fée, Minha. Mais même si je trouve cela très beau et que cela vous réussit très bien à Sasha et toi, ce n'est pas ce que je veux. Certes pour une fille qui veut trouver le grand amour et fonder une famille pour avoir une petite vie rangée et parfaite, ce serait convaincant. Minha, je pense maintenant que tu me connais très bien. Je ne suis pas quelqu'un qu'on peut enfermer pour le restant de ses jours comme ça. J'aime la liberté, faire ce que je veux sans que l'on ai à me dicter ce que je dois faire. Je sais que me marier signifie partager ma liberté avec un homme qui n'acceptera sans doute pas tout ce que je voudrais faire. Je refuse tout ça, du moins pour l'instant. Pour moi aimer ne se résout pas à ça, et je pense pouvoir prouver à Aleck que je l'aime sans avoir à lui dire oui pour quelque chose que je ne désire pas. S'il m'aime réellement, il comprendra. 

Minha sourit doucement.

- Tu fais preuve d'une grande maturité pour ton âge, je suis impressionnée. Même avec quelques années de plus, je ne suis pas aussi sage.

Nous éclatons de rire toutes les deux et elle me sert dans ses bras.

- Je suis heureuse que tu aies pu te libérer un peu de ce qui t'encombrait le cœur, car il va falloir que tu t'accroches pour ce soir, ça risque d'être long...

Je souffle de mécontentement.

- Je sais... 

- Au fait, as-tu des nouvelles de ta famille et de tes amis régulièrement? J'ai oublié de te demander tout ce temps.

Je souris à cette attention.

- Oui, j'envoie un message à mes parents tous les jours lorsque je ne peux pas les appeler, et j'ai quelques messages de Johanne qui me tient au courant de ce qui se passe au lycée.

- Je suis heureuse que tu réussisses à garder la face dans "les deux mondes".

- Je suis plus forte qu'on ne le pense.

- Je n'en ai jamais douté.

Ça frappe à la porte. Sasha passe sa tête par la porte.

- Selena, je suis venu te dire que tu es attendue en bas d'ici dix minutes. Et je suis aussi ici pour récupérer ma femme que je cherche depuis un certain temps maintenant.

On éclate de nouveau de rire et Minha me fait un bisou sur la joue en me souhaitant bonne chance et bon courage pour cette soirée qui s'annonce chargée. Elle repart avec son mari et je rassemble mes affaires pour quitter moi aussi ma chambre. Et comme d'hab, en sortant, je tombe nez à nez avec Aleck. Prévisible...

- Il faut qu'on parle.

Oulah, phrase de fille dans un moment de crise existentielle. Ça à l'air sérieux... 

Yeux Gris Et Roulette RusseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant