Quand le destin s'emmêle / Tome 1 Hot Summer

CHAPITRE 3 / AURORE / 15 Juillet

DIMANCHE 15 JUILLET, 16H00

Après avoir patienté presque une heure entière pour que l'interminable langue noirâtre du tapis roulant daigne enfin régurgiter la totalité de nos bagages, Messiah et moi empruntons le chemin à la fois tant attendu et tant redouté de la sortie.

Tout en poussant le chariot où j'ai entassé nos valises tant bien que mal, je ressers légèrement la pression de ma main sur celle de mon petit rêveur de fils qui s'égare dans la contemplation d'écrans géants fixés sur le mur à notre gauche qui diffusent une vue aérienne de cette immense ville qui nous accueille aujourd'hui.

J'observe, attendrie, ses grands yeux bruns s'exorbiter pour tenter d'absorber la quantité d'images faramineuse qui les assaille et me force à ralentir le pas pour lui laisser le temps de toutes les assimiler.

Mais très vite, son attention est détournée par une petite troupe de voyageurs étrangers, visiblement très pressés, qui passent si près de nous qu'ils manquent de renverser mon pauvre Messiah. Il se colle aussitôt à moi, déboussolé. Sa réaction m'interpelle et m'attriste profondément. Lui qui est d'ordinaire si curieux de tout, aventureux et espiègle, le voilà tout à coup étrangement silencieux et farouche. Je tente de me rassurer en me disant que c'est une attitude normale qui fait sans doute partie d'un processus psychologique quelconque destiné à prendre ses marques dans ce lieu qui lui est complètement étranger.

— Woah, maman, ils sont fous ici! s'exclame-t-il soudain en relevant sa petite bouille ahurie vers moi. T'as vu ça, ils ont failli m'écraser !

Soulagée de réentendre le son de sa voix, je lui souris tendrement.

— C'est rien mon cœur, ils étaient juste pressés, ils ne t'ont pas vu... crois-moi, y'a des chances qu'on tombe sur beaucoup plus fou que ça ici !

— C'est vrai ? me demande Messiah avec une lueur d'espoir dans le brun de ses yeux. Ils sont où les fous ?

— Je te montrerai quand j'en verrai un. En attendant, viens par là !

Je l'attrape par la taille et le porte jusqu'au chariot dans lequel je l'assois le plus confortablement possible.

— Voilà ! Comme ça, plus aucun risque de se faire piétiner par une foule d'inconnus !

Sans compter que ce sera beaucoup plus pratique pour moi de pousser ce fichu chariot avec mes deux mains !

En outre, bien qu'il ne se soit pas encore plaint, je sens bien que mon petit homme est au bord de l'épuisement. Faire un si grand voyage pour se retrouver au sein d'une aussi grande ville quand on est aussi petit, il y a de quoi être éreinté ! Ici, il n'est que seize heures, mais dans nos têtes, il n'est pas loin de vingt-deux heures!

Quoi qu'il en soit, trop heureux de s'épargner la traversée laborieuse de l'aéroport, Messiah ne proteste pas et en profite même pour admirer l'environnement plus en détail. Il faut dire qu'il y a de quoi faire, avec le nombre incalculable de portes qui vomissent régulièrement un flot discontinu de passagers qui s'expriment en divers dialectes tous plus improbables les uns que les autres, les restaurants et autres boutiques qui tournent à plein régime, les employés de l'aéroport qui courent dans tous les sens et les militaires armés jusqu'aux dents qui déambulent d'un air nonchalant...

Ce sont toutefois ces derniers qui semblent d'avantage intriguer la petite fripouille qui me sert de fils. Le connaissant, j'aurais plutôt parié sur la boulangerie qui se profile à notre droite, mais bon, pourquoi pas !

Alors que nous arrivons à leur hauteur, ce dernier ne trouve rien de plus intelligent à faire que de les désigner en sautillant d'un air excité avant de s'écrier d'une voix forte :