CHAPITRE 16 / SONIA / Période du 20 au 24 Août

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LUNDI 20 AOÛT, 10H00

Si le "lundi" était un être-humain, tout le monde l'aurait détesté. Ce jour de la semaine représente un dur rappel hebdomadaire du proverbe "toutes les bonnes choses ont une fin".

Des travailleurs ensommeillés se succèdent sur le chemin menant vers leurs entreprises, rêvassant de la chaleur de leur lit, pestant contre ce système qui nous impose cinq jours de travail contre deux jours de repos. Pour ma part, ma journée a commencé depuis deux bonnes heures.

Essoufflée, je remonte du sous-sol de mon institut. Encore une matinée passée en compagnie de mes singes. Les voir ruminer à longueur de journée dans leurs grandes cages me brise le cœur, mais je me dois de me faire une raison: c'est pour le bien des enfants malades en Afrique. Bien entendu, les zootechniciens et moi-même nous efforçons de leur offrir un environnement aussi proche de leur habitat naturel, et de conserver les liens de parenté et de hiérarchie indispensables à l'épanouissement des primates.

Ces créatures que j'apprends à connaître et à apprécier m'ont donnée du fil à retordre. Extrêmement rusés, ils prennent un malin plaisir à me torturer avant de me donner ce que je viens chercher - à savoir leur bras - afin d'y effectuer des prélèvements sanguins. Ils sont fourbes, certes, mais en même temps, tellement attachants ! Surtout Serge, mon mâle préféré. Il est tellement intelligent qu'il arrive à déjouer tous les stratagèmes que j'ai mis en place afin de lui soutirer du sang à son insu.

Il est presque dix heures lorsque je remonte enfin dans le bureau que je partage avec Jason. Celui-ci m'accueille tout sourire, comme à son habitude, et se dépêche de me débarrasser des nombreux tubes contenant les échantillons que je viens de prélever pour me permettre d'enfiler ma blouse blanche.

— Oulala t'as une mine affreuse ! Serge a refait des siennes ? me taquine-t-il.

— Eh oui ! répondé-je d'un ton las. Il m'a encore pincée les fesses ! Ça commence à bien faire ! Si ça continue, je vais me plaindre pour harcèlement sexuel !

Je m'approche du box occupé par mon collègue, et c'est à ce moment-là que je me rends compte que nous ne somme pas seuls dans le bureau. Une tête travaillant sur l'ordinateur se relève, dévoilant les deux iris les plus perçants qu'il m'ait été donné de croiser en l'espace de toute une vie.

Colin ! Mais que fait-il ici ! Dès qu'il m'aperçoit, l'expression de son visage change au quart de tour, passant d'une mine sérieuse et appliquée à une allure moqueuse et taquine. Ses yeux s'illuminent avant de parcourir mon corps recouvert de ma blouse de laboratoire.

— Colin ! Qu'est-ce que tu fiches ici ? demandé-je sèchement.

— Qui est Serge ?

— Tu n'as pas répondu à ma question.

— Toi non plus.

Nous nous défions du regard comme deux guerriers qui s'étudient minutieusement avant de débuter leur combat. C'est plus fort que moi. Lorsque je le vois, j'active le mode auto-défense et me braque instantanément. Jason s'éclaircit la gorge, le malaise se lisant clairement sur son visage.

- Euh, Monsieur Spencer ici présent est le développeur qui a été missionné par Monsieur Carter pour nous fournir la nouvelle mise à jour du logiciel d'analyses statistiques, m'explique Jason. Comme notre bioinformaticien est en vacances à l'heure actuelle, Monsieur Spencer s'est gentiment proposé pour m'expliquer le fonctionnement du programme.

"Monsieur Spencer" et "si gentiment" employés dans la même phrase ? Qui l'eût cru !

— Je vois, dis-je d'un ton qui se veut détaché. Je laisse donc "Monsieur Spencer" se concentrer. A plus tard, Jason.

Quand le destin s'emmêle / Tome 1 Hot SummerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant