CHAPITRE 15 / AURORE / 20 Août

548 64 113
                                    

LUNDI 20 AOÛT, 11H30

Le cycle se répète, la semaine reprend. Les jours se suivent et se ressemblent. J'ai toujours détesté ce genre de choses. Les rythmes de vie qu'on nous impose, répétitifs et ennuyeux à mourir ... j'avoue avoir du mal avec ce concept de conformisme obligatoire que nous sommes tous formatés à suivre dès le plus jeune âge. Après tout, chaque être humain n'est-il pas censé être unique ? Chacun devrait être libre de suivre son propre rythme, sans avoir à subir la pression sociale et les jugements de son entourage ! C'est en partie pour cette raison que j'ai toujours voulu écrire. La passion m'est revenue suite à ma dépression, mais d'aussi loin que je me souvienne, ce rêve a toujours été présent en moi. Je ne m'estimais simplement pas capable de le réaliser jusqu'à ce que cela devienne une nécessité plus encore qu'une envie. Écrire me permet de m'évader du quotidien, de dépasser les règles et limites établies, de m'isoler d'un monde qui ne me plait pas. J'écris ma propre histoire et mes propres règles. Même si ce n'est que dans mon imaginaire. Et malheureusement, je ne peux vivre de mon écriture. Peut-être un jour. J'adorerais. Mais aujourd'hui, c'est loin d'être possible. Alors, je dois me plier aux mêmes obligations que mes collègues citadins et aller travailler.

Depuis le matin, j'essaye de ne pas penser à Matt. Et surtout à ce que son frère m'a dit la veille. Rien de tout ça ne me semble logique. Je pense que Daryl a simplement voulu se montrer gentil pour me remercier de l'avoir aidé. Sa façon à lui de répondre à mes angoisses. Il a bien dû remarquer ma nature complexée et ma tendance à me rabaisser en permanence. Même la personne la moins perspicace du monde pourrait facilement percevoir ce trait de caractère chez moi ! Alors, je ne sais pas, peut-être a-t-il simplement eu pitié. C'est la seule explication possible. Sinon pourquoi Matt n'aurait-il cessé de tenter d'inclure Géraldine dans nos conversations le soir du concert ? Pourquoi l'aurait-il harcelée pour qu'elle lui accorde un rendez-vous en tête à tête, et pourquoi aurait-il essayé de se précipiter de cette façon à sa poursuite après son départ ? Sans parler de ce surnom ... "Princesse". Comment ne s'est-elle pas rendue compte plus tôt qu'elle lui plaisait, c'est juste tellement évident !

Je secoue la tête de dépit en garant ma vieille voiture à la première place disponible, près du prestigieux bâtiment de la Carter Corp. Géraldine. Je me demande où elle a passé la nuit. Et si elle était retournée chez son imbécile de mec ! Ou d'ex... je ne sais plus comment je dois le qualifier... peu importe. Je suis de plus en plus inquiète. Et je me sens mal que cette situation soit entièrement ma faute. Il faut que je ravale ma fierté. Je la rappellerai après mon service. Tant pis si elle m'explose au visage. Je ne mériterais pas mieux. Oui, c'est décidé. Je n'en peux plus de cette situation, il faut que je lui demande pardon.

Mon service se déroule sans accroc, pas de beau motard ultra sexy à l'horizon. Et c'est tant mieux. Il n'en a pas conscience. Mais je me sens si humiliée de m'être fait des films le concernant... et je suis si en colère contre lui de ne pas m'avoir empêchée de devenir la réalisatrice de notre idylle imaginaire ! C'est vrai, quel besoin avait-il de se montrer aussi gentil, aussi drôle et avenant ?

Je rumine mon amertume quand Bob me fait signe qu'il est l'heure pour moi de raccrocher le tablier jusqu'à ce soir. Je m'exécute sans broncher et laisse, comme chaque jour, mon patron terminer seul le service méridien. Je défais mon chignon en sortant du food truck avant de relever la tête sur la route... et tombe nez à nez avec celui qui hante mes pensées ! Encore que nez à nez ne soit pas l'expression la plus appropriée étant donnée la taille impressionnante du motard comparée à mes petits un mètre soixante...

Je reste quelques instants figée et l'observe sans pouvoir réagir. Ses prunelles mordorées m'analysent en retour. À le voir comme ça on dirait qu'il marche sur des œufs. Se doute-t-il de la bombe à retardement qu'il a devant lui en ce moment même ?

Quand le destin s'emmêle / Tome 1 Hot SummerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant