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Point de vue Justine.

Je rentre dans mon appartement et ce que je vois sur la table basse, me redonne immédiatement le sourire, une boite de cannelés, 2 places de cinéma et un message d'Alex :

« Joyeux anniversaire à la bourre »

Avec tous ces évènements, je ne m'étais même pas rendu compte qu'Alex ne m'avait rien offert pour mon anniversaire. Rien d'extravagant, un cadeau d'une extrême simplicité, mais qui me touche profondément, car je sais que ça vient du plus profond de son cœur.

Il est 4h30 du matin et je n'arrive pas à fermer les yeux. J'enfourne un cannelé, puis un second dans ma bouche, comme pour combler un manque. Quelle étrange sensation, j'ai l'impression d'avoir parcouru un marathon émotionnel. Valentin et son coup de téléphone, Valentin accourant pour me délivrer des griffes de Théo, Valentin et se baiser sensuel, Valentin étrange et vulnérable dans cette boite de nuit.

Où que j'aille, quoi je fasse, tout me mène systématiquement à lui, Valentin est partout, il hante mon esprit, voilà pourquoi je n'arrive pas à trouver le sommeil. Il faudrait que je puise au fin fond de moi, à la recherche d'une force surnaturelle qui me permettrait enfin de l'oublier. Mais est ce que, c'est ce que je veux vraiment :

L'O U B L I E R ?

Malgré les révélations de son meilleur ami sur ses passes temps favoris à savoir, le sexe à outrance et la consommation de substances illicites. Je ne peux pas croire que ce ne soit qu'un pervers dangereux et sans âme. Je ne connais que la partie émergée de l'iceberg, la partie sombre qui l'habite, mais je suis convaincue qu'il y a chez lui des bons côtés qui mérites forcément qu'on s'y attarde.

Et puis je ne peux pas lui jeter la pierre, comment ne pas être ravager psychologiquement quand on n'a plus de famille sur qui compter, quand les seules personnes que l'ont aimai ont radicalement disparues de la surface de la terre.

Après avoir épiloguer longuement sur le sujet "Valentin" et terminé la boite de 12 cannelés, je réussie finalement à m'endormir en continuant de songer à lui bien entendu, et lorsque je me réveille ce matin, je suis découverte, ma couette est en boule au pied de mon lit. Je suis encore secoué par le rêve que j'ai fais, d'habitude je ne me souviens pas de mes rêves, mais là, comment l'oublier, c'était presque réel...J'en suis toute troublée, ce qui déclenche un frisson, le long de mon échine.

Le réveil affiche déjà 15h00, c'est aujourd'hui que je rends visite à ma mère. On ne s'est pas vu depuis plusieurs mois, il faut que je lui fasse bonne impression. Je saute de mon lit, direction la salle de bain, après une bonne douche bien chaude, je me sens parfaitement réveillée, je me plante devant mon dressing, je choisis une robe noir courte et une veste cintrée rose poudrée, ainsi qu'une paire de talons aiguilles et un sac à main Gucci.

Ma mère est toujours tirée à quatre épingles, c'est mon modèle. Je l'admire, cette femme est belle, charismatique et intelligente, j'ai toujours été envieuse de sa beauté, ses cheveux dorés toujours impeccablement brushés, son teint de porcelaine et ses grands yeux bleus, exactement les mêmes que ceux d'Alex.

Lorsque j'étais petite fille, il m'arrivait souvent de me demander pourquoi j'étais si différente, ma mère me disait que c'était parce que j'étais une enfant unique et cette réponse me convenait. Aujourd'hui je sais d'où me viens, cette flagrante différence.

J'aime cette femme qui m'a aidé à grandir et qui a fait de moi la femme que je suis aujourd'hui, accomplie et déterminée. Qui malgré la distance a toujours eu les mots pour me réconforter, a toujours eu la présence d'esprit d'être là dans les bons comme dans les mauvais moments, une mère rassurante et aimante.

Avec le temps, je ne lui en veut plus de nous avoir abandonné, je n'aime pas trop ce terme, mais le sentiment d'abandon, c'est ce que nous avons longtemps ressenti mon frère et moi, c'était tellement injuste de devoir faire le choix entre un père et une mère ... Une mère qui décidait de partir s'installer à l'étranger du jour au lendemain comme ci elle fuyait quelque chose. Nous laissant pour ainsi dire, seuls et démunies. Papa n'étais jamais là et nous étions livrés à nous même la plupart du temps. Aujourd'hui, je suis convaincue qu'il y avait derrière ce geste, une raison légitime, que je suis bien déterminée à connaitre.

Je suis prête...

Une demi-heure plus tard, J'arrive dans le hall de l'hôtel, la réceptionniste m'indique que ma mère loge dans là chambre 612 au 6ème étage. Je monte dans l'ascenseur et appui sur le bouton, quand je pense qu'elle a fait le déplacement spécialement pour moi, abandonnant pour quelques jours sa galerie d'art.

Elle qui n'a jamais remis un pied en France. Elle qui a toujours été catégorique, elle ne souhaitait pas prendre le risque de croiser mon père, la dernière fois qu'elle l'a vue, c'était au tribunal, lorsque le divorce à été prononcer. Elle m'avait d'ores et déjà prévenue qu'elle n'assisterai pas au mariage, j'ai toujours respecté ses choix et n'ai jamais osé lui poser la question sur le pourquoi du comment, je suppose qu'elle en veut beaucoup à mon père pour une raison que j'ignore totalement.

Je frappe à la porte, maman vient m'ouvrir, elle est là devant moi affichant un sourire radieux. Elle porte un tailleur chic mordoré et a relevé ses longs cheveux blonds en un chignon strict et structuré. Je la contemple quelques secondes avant qu'elle ne m'enveloppe chaleureusement avec ses bras, je pose ma tête contre son épaule. Nous restons figées comme ça quelques instants sans parler.

- Ma chérie, tu es magnifique. Me dit-elle, en m'observant avec bienveillance.

- Merci maman, je te retourne le compliment.

- Oh, mon dieu, j'ai eu si peur, quand ton frère m'a appelé pour me dire ce qu'il t'était arrivé. Me dit elle, en levant les mains au ciel.

- Je vais bien, maman. Je tente de la rassurer.

Nous prenons place sur le canapé, autour d'une tasse de thé et des cookies de chez Ben's cookies, mes préférés.

- J'ai besoin de savoir, ma chérie, comment tu vas, as-tu vue le professeur Miller récemment ? Est ce que tu suis correctement ton traitement ?

Je peux lire l'inquiétude dans ses yeux, à par elle & Alex, qui se souci de mon état de santé ? Le professeur veut me voir suite à mes derniers examens, j'ai rendez vous vendredi, les résultats ne sont pas bons paraît il, personne n'est encore au courant. Je décide de ne pas lui en parler. J'ai bien trop peur pour avouer que cette fois, ce n'est pas bon pour moi. L'étau se resserre.

- Ca va maman, pas de changement, cesse donc de t'inquiéter, je suis plus robuste que je n'y parais.

Je vois des larmes remplir ses yeux, elle ne s'inquiète pas pour ma cicatrice et le coup que je me suis pris sur la tête, non elle s'inquiète pour ma maladie qui progresse chaque jour un peu plus.

Elle me prend une nouvelle fois dans ses bras et me sert de toutes ses forces. Je me sens invincible dans les bras de ma mère, j'aimerai que ce moment dure des heures entières. Mais elle repartira une nouvelle fois et je ne sais, quand je la reverrais.

- Alex m'a dit que tu avais des choses à me dire. Je t'écoute ma chérie.

Je me fige un instant, fonce le front, de quoi a voulu parler mon frère ? Je décide de ne pas évoquer l'adoption avec elle, je ne veux pas lui faire de peine. Je la sens déjà très vulnérable, inutile d'en rajouter.

- Le mariage est annulé. Théo a ... a été infidèle, il m'a trompé maman.

- Oh ma petite fille, je suis navrée. Dit-elle, en m'enlaçant à nouveau.

- Je vais bien, je t'assure.

Ma mère se redresse, elle semble subitement agacée :

- Écoute Justine, tu prends tout trop bien, tu as le droit de craquer, tu sais, ce n'est pas une faiblesse.

- Maman, si je te dis que je vais bien, crois moi, c'est la vérité. Je me contre fichais pas mal de ce mariage, quant à Théo, je ne sais même pas, si je l'ai aimé un jour.

J'étends mes jambes sur le canapé, me recroqueville et pose ma tête sur les genoux de ma mère, elle me caresse les cheveux :

- Maman, as tu déjà été amoureuse, je veux dire, tu sais le grand amour avec un grand A, celui qui vous transporte, qui vous fait du bien, mais qui vous fait si mal ?

Elle semble surprise, elle stoppe ses caresses quelques secondes puis enchaine :

- Oui j'ai connu ça, une seule fois dans ma vie.

- Ce n'était pas papa, n'est ce pas ?

- Non ce n'était pas ton père, ni John, que j'aime profondément.

- Pourquoi ça n'a pas marché ?

- Il est décédé.

Au son de la voix de ma mère, j'ai la désagréable impression que ma question à raviver des souvenirs lointains et douloureux.

- Tu veux bien me raconter, s'il te plait maman.

- Il était peintre et d'une beauté surnaturelle, il possédait sa propre galerie d'art sur Bordeaux, j'y suis passée un après-midi, je suis restée scotchée devant son talent à la fois opportuniste et audacieux, nous avons parlé de ses œuvres sans voir l'heure tourner. Je suis retournée à la galerie tous les jours pendant tout l'été, pour le voir, il t'arrivait souvent de m'accompagner, tu adorais cet endroit, tu étais petite et tu ne dois pas t'en souvenir. Tu jouais souvent avec un de ses fils. Car malheureusement il était marié et avait deux enfants et moi j'étais marié à ton père, je vous avais toi et ton frère, mais plus rien ne comptait à par lui. Il était devenu en peu de temps ma dose de cocaïne, il me rendait complètement addicte, il était mon obsession. Notre idylle n'a durée que quelques mois, ton père l'a découvert, Pierre est décédé et je suis partie m'installer à Londres, fin de l'histoire.

Je sors des photos de mon sac à main que j'ai pris soin de sortir de la mallette avant de venir ici, je les dépose sur la table basse. Maman semble avoir vue un fantôme, elle se cambre et se lève d'un seul coup, portant ses mains à ses lèvres :

- Où as tu trouvé ça ?

Je n'imaginais pas que la vue de ses photos provoquerait chez elle, une telle réaction, je lis dans ses yeux une peur panique.

- C'est pas drôle, réponds à ma question, où as tu trouvé ça ?

- Dans le bureau de papa, je suis tombé dessus par hasard, j'ai pensé que tu aimerais peut être les conserver. C'est lui, c'est Pierre, n'est ce pas ?

Maman fond en larmes, elle n'a pas besoin de répondre, je comprends que c'est lui le grand amour de sa vie. Je la sers dans mes bras, nous échangeons les rôles, c'est moi qui la rassure et qui le temps d'un instant, tente d'absorber toute sa peine et sa douleur, toujours aussi vive, malgré les années qui ont passées.

- Je suis désolée, maman, je ne voulais pas...

- Ne sois pas désolée, chérie, c'est vieux tout ça. Mais dit moi, serais tu amoureuse ?

Je prends une profonde inspiration, avant de lui répondre en toute franchise :

- C'est compliqué.

Voyant mon regard s'embuer, elle n'insiste pas.

Le reste de la journée passe relativement vite, il est déjà temps de se dire adieux, c'est le cœur serré que j'embrasse ma mère une dernière fois, avant très longtemps.

Le retour chez moi se déroule dans le silence le plus complet, je suis encore trop secouée pour mettre en route le poste, comme je le fais habituellement, il faut que j'encaisse à mon rythme. Je suis sous le choc, de savoir qu'elle à aimer un homme passionnément et qu'elle en a souffert terriblement, probablement encore aujourd'hui, son fantôme est encore bien présent. J'ai le cœur en miettes et l'étrange conviction que ça n'ira pas mieux demain. La voir m'a permis de mettre des mots sur certaines de mes interrogations.

Après ce week-end désastreux, la vie semble reprendre son cours. Je profite de cette première semaine d'arrêt maladie, pour faire la grasse matinée, je me lève tous les jours à 10h00, j'enchaine mes matinées à végéter sur mon canapé, en regardant les clips à la télé sous ma couverture polaire. L'après midi il m'arrive d'aller faire un tour à la boutique de papa où Estelle à été remplacé par une femme d'âge mûre, Françoise, je crois. Puis je termine mes soirées en squattant l'appart d'Alex, on s'est refait les deux premières saisons de The Leftovers...une claque à chaque épisode.

Ce vendredi matin, je n'ai pas trop la pêche, j'ai rendez vous à 16h00 avec le professeur Miller, c'est lui qui me suit depuis ma naissance. D'ordinaires, on se voit environ tous les 6 mois, c'est devenue la routine, toujours les mêmes examens, les mêmes analyses de sang, le même traitement à suivre. Mais là, il veut me voir rapidement, il ne s'est pas éternisé sur le sujet, il m'a juste dit qu'il voulait me voir au sujet des résultats des examens que j'ai fait semaine dernière, il a quand même utiliser les mots PAS et BON dans la même phrase. Depuis je n'arrête pas de me poser les sempiternelles mêmes questions :

Pas bon, pas bon... ou pas bon, je suis foutue, je vais mourir ?

Heureusement c'est le week-end, Chloé fait un repas chez elle et elle a insisté pour que je sois là, elle m'a juste dit, les autres seront là aussi, je présume qu'elle doit vouloir surement parler de Maxime, Quentin, Anthony et peut être même Valentin ...


Cette invitation tombe à pic, de quoi me faire oublier mon envie de suicide. J'ai un peu honte de moi, Anthony m'a laissé plusieurs SMS auxquels je n'ai pas donné suite, je ne veux pas qu'il s'imagine quoi que ce soit. Je l'aime bien, c'est un garçon vraiment adorable, mais je ne veux pas sortir avec lui.

Il est quinze heures cinquante cinq, j'arrive dans le bureau du professeur, il me salue et me fait signe de venir m'asseoir. J'ai les mains moites et mes jambes flageolent.

- Détends toi Justine. Me dit-il, en frottant sa grosse barbe blanche.

J'essaye de suivre son conseil et me force à sourire, pas forcement évident, je ne sais toujours pas la gravité de ce qu'il à a m'annoncer.

- Bon alors mon petit, comme je te l'ai dit au téléphone, au vue de tes résultats d'analyses je vais être dans l'obligation de te prescrire un nouveau traitement, avec un dosage un peu plus fort cette fois, et je dois te prévenir qu'il y aura plus d'effets indésirables aussi, mais comme tu le sais, chaque patient réagit différemment et il se peut que tu ne remarques aucuns changements.

- Je ... ne vais pas mourir ? Balbutie-je.

- Mais non Justine, tout du moins, pas ce mois ci. Dit-il, en me faisant un clin d'œil. Puis il rajoute plus sérieusement, ta prise de sang révèle que tu bois beaucoup trop d'alcool et comme tu le sais, c'est incompatible avec ton traitement, je te fais confiance pour la suite, tu es une grande fille, tu sais ce que ça signifie.

Monsieur Miller que je commence à cerner, tente un peu d'humour noir, je ne suis pas vraiment d'humeur blagueuse et je ne suis rassurée qu'à moitié, de combien d'année je dispose exactement ? Ca commence comme ça, on augmente le traitement, puis viendra un jour où plus aucuns traitements ne me permettront de me maintenir en vie, et puis ensuite, on m'inscrira sur une liste interminable, en attente d'une greffe de poumons qui ne viendra jamais et alors ma vie sera entre les mains d'un futur cadavre... tout ça est tellement prévisible.

Je tiens bon, je ressors de l'hôpital avec mon ordonnance et m'arrête à la premiere pharmacie du coin récupérer mon nouveau traitement, et comme je ne m'avoue jamais vaincue, je décide d'aller faire un tour dans les rues piétonnes à la recherche d'une tenue pour ce soir.

Après avoir déambulé dans trois boutiques, j'ai dégoté une robe, très courte, très provocante, très transparente et très sexy, la totale, j'ai décidé d'en mettre plein la vue à Valentin, il est resté de marbre, l'autre soir dans cette boite, on va voir combien de temps monsieur, résiste cette fois.

Mon téléphone portable vibre dans mon sac, je m'en empare, c'est Chloé :

- Ça va ma belle ?

- Coucou, je t'appelle car Anthony est en rade de voiture et il m'a demandé de passer le prendre, sauf je n'aurais pas le temps, je te file l'adresse, 14 rue des Lilas, quand t'es devant la pâtisserie Brun, tu tournes au feu à gauche, tu te gares sur la petite place et tu klaxonnes, allez à ce soir et merci !

Je pousse un grognement de frustration que Chloé n'a pas le temps d'entendre, car elle vient de me raccrocher au nez.

C'est du foutage de gueule, si elle croit que je n'ai pas compris son petit manège...

Il est 20h20, je suis garée sur la petite place et à la bourre de vingt bonnes minutes, on avait dit 20h00 chez Chloé, je klaxonne comme elle me l'a indiqué. Anthony sort d'un bâtiment et se dirige vers moi un bouquet de fleurs à la main.

- Salut, on dirait que c'est moi ton chauffeur pour la soirée. Je dis à Anthony en m'approchant de lui pour lui faire la bise. Tes fleurs sont magnifiques, elles vont plaire à Chloé.

Anthony se racle la gorge, il à l'air étrangement gêné.

- Tiens, en fait, elles sont pour toi.


Gênance puissance 10, est ce qu'on peut faire retour rapide ?

- Oh, merci. Tu n'as qu'à les poser derrière.

Seule, face à luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant