34.2. Mettre cartes sur table

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DAREN

— Vous prendrez lesquels ?

Je passe en revue les curriculum vitae qu'il m'a présentés après au moins deux heures de discussion sur le fonctionnement des choses, les impôts, les horaires, les exportations, les tests de pH et j'en passe. L'écouter parler n'a pas été aussi terrible que je l'appréhendais, au contraire. C'était peut-être long, mais putain ce que c'était intéressant de le laisser m'expliquer comment il a transformé son petit magasin de tissu à Londres en empire commercial qui fabrique maintenant lui-même ses propres produits.

Et j'ai aussi découvert que monsieur Rogue est un petit paysan dans l'âme qui aime bien le jardinage.

Dans ton cul, Elisabeth.

— Je prendrai... ces cinq-là.

Je repousse sur le côté les profils qui ne me plaisent pas alors qu'il prend les cinq dossiers retenus en les survolant rapidement. Je détache les boutons de mes manchettes et remonte mes manches sur mes avant-bras en soufflant.

Si vous pensiez que parler d'affaires tout un avant-midi ce n'est pas difficile, tournez votre langue au moins soixante fois dans votre bouche avant de parler.

Ses sourcils fournis se froncent et il prend une gorgée de sa bouteille d'eau. Un peu inquiet, je retiens mon souffle jusqu'à ce qu'il reprenne la parole. J'ai merdé ? J'ai merdé hein ?

— Ils sont pour la plupart dans la quarantaine, presque dans la cinquantaine. Tu es sûr de ton choix ?

— Je cherche l'expérience, pas nécessairement les bras.

Un sourire surpris, mais satisfait étire ses lèvres fines.

— Bon, tu vois ? Tu as le sens des affaires sans le savoir.

Je hausse les épaules, ma bouche s'ourlant à son tour.

— Merci, j'imagine.

Je m'étire ensuite dans ma chaise et frotte ma nuque pour en déloger la tension. Et même s'il me tutoie pour la première fois depuis le début de notre réunion, je ne m'en formalise pas. Plus on se fait des amis ici, mieux c'est, n'est-ce pas ?
Charles appelle sa secrétaire sur le téléphone fixe près de lui alors qu'elle s'empresse de prendre les candidatures et d'éventuellement les appeler un à un pour un entretien d'embauche. En attendant, je sirote le café qu'il m'a fait parvenir il y a une dizaine de minutes.

Elisabeth a beau ressembler à son père physiquement, celui-ci a un petit truc que je ne vois pas chez elle : la modestie, putain.

Mon téléphone vibre sur la table et je m'empresse de le prendre discrètement avant que ses yeux ne tombent sur le destinataire.

Babeth vous a envoyé une photo.

Oh non.

Sur les gardes, je n'ose pas ouvrir de peur de me retrouver devant d'autres nudes.
Quoique ça ne serait pas si mauvais que ça.

Pardon.

J'ouvre mes messages avec elle en m'assurant que Charles est pleinement concentré sur son appel avec le comptable qui est censé être là depuis au moins une heure. Puis, je me fige lorsque je vois le cliché, un cliché de ses orteils ainsi que deux bouteilles de vernis à ongles qu'elle tient devant sa caméra.

Sixty Shades of a Unicorn - T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant