Sixty Shades of a Unicorn - T2

57.2. Papa

DAREN

— Bonjour, je m'appelle Jade, j'espère que vous allez bien, voici mon papa, aujourd'hui je vais vous parler de-

— OK, OK, Jade, la freiné-je. Un peu moins monotone. Plus d'intonation. Un grand sourire. Tu peux faire ça ?

Et elle grimace.

Cela fait deux heures que nous sommes en train de pratiquer son exposé après avoir réviser sa feuille de consignes une bonne dizaine de fois. Je lui ai confectionné son diaporama et elle a écrit son petit texte à la main d'une calligraphie impeccable. J'avais plein de photos du champ sur mon téléphone et elle a sélectionné celles qui lui plaisaient le plus que j'ai exportées sur le PowerPoint. Pour la toute première diapositive, elle a insisté pour que nous prenions une photo ensemble et que ce soit l'introduction. Alors c'est ce que nous avons fait. Un petit cliché mignon de moi qui l'embrasse sur la joue et elle qui sourit de toutes ses dents manquantes.

— Mais Daren, ça fait deux heures.

Un petit défaut que je lui ai trouvé : elle se décourage vite.

— Tu sais, plus tard, tu vas devoir faire des travaux qui vont te prendre des semaines à accomplir. Tu ne vas abandonner après une heure de travail, si ?

Elle baisse les yeux sur ses chaussettes roses.

— Nan...

— Bah alors ? On travaille plus fort pour atteindre la note maximale ou pas ?

Elle rosit puis, sourit.

— Oui, mais... Je voulais passer du temps avec toi.

OK, je fonds. Mais ça ne va pas me déconcentrer.

— Allez, jeune fille ! Je t'écoute.

— Bonjour tout le monde ! hurle-t-elle en levant les bras au ciel et en souriant très grand.

— Un peu moins fort, mais c'est presque parfait ! l'encouragé-je et elle glousse.

Elle me récite tout son texte avec toute l'énergie et l'intonation de l'univers, sans aucune erreur, en se souvenant de tous les détails. S'il se passe quoi que ce soit devant la classe et qu'elle panique, je serai là pour l'aider et parler à sa place jusqu'à ce qu'elle se rappelle de sa partie.

Elle a fouillé dans ma valise pour me confectionner une tenue qui est parfaite selon elle, allant des chaussettes à la chemise. Nous nous pratiquons deux autres fois avant de prendre une pause dans la cuisine de l'orphelinat pour le goûter. La cuisinière nous avait gardé des plats sur le côté et elle nous les réchauffe avec plaisir. Je mange en tête-à-tête avec elle alors qu'elle agite ses pieds sous la table en parlant plus qu'elle ne mange. Jade babille sans arrêt en me racontant toutes sortes de choses dont je n'arrive pas à suivre le fil, mais ce n'est pas bien grave : elle est mignonne lorsqu'elle parle.

Son visage ne cesse de changer d'expression, son intonation aussi, les expressions qu'elle utilise sont démodées et hilarantes et je crois que je n'ai jamais autant aimé parler avec un enfant.
Après Nina. Mais ça, c'est une autre histoire.

— Daren ?

— Oui, ma puce.

— J'ai un contrôle de maths demain et... je ne comprends pas beaucoup les fractions.

Ma fourchette de pâtes s'immobilise à deux millimètres de mes lèvres.
Elle m'observe de ses grands yeux avec de la sauce tomate autour de sa bouche, ses deux tresses blondes de chaque côté de sa tête lui donnant un air absolument angélique, mais malin à la fois.