Sixty Shades of a Unicorn - T2

61.2. Capituler

DAREN

J'ai erré pendant trois heures avec une des voitures de Charles. Je ne savais pas exactement ce que je faisais. Je ne savais pas où j'allais. J'avais seulement besoin de rouler avec des clopes pour essayer de me détendre, la fenêtre grande ouverte. La neige a envahi l'habitacle, mes oreilles et mes doigts sont rouges de froid, mes lèvres se gercent, mais je n'en ai franchement rien à foutre.

En sachant qu'elle est avec ce mec pour la soirée.
En sachant qu'elle ne veut plus de moi.
En sachant que j'ai perdu la personne la plus précieuse de ma vie pour des conneries.
En sachant que j'ai égaré sa confiance. Et qu'elle ne me l'accordera plus jamais.
En sachant aussi que ma présence ne l'enchante pas tant que ça. Qu'elle me haït presque autant que j'ai haï Morgane. Peut-être plus, en vrai. Je ne sais pas quoi faire et je suis complètement perdu face à elle.

Je ne supporte pas de la voir m'haïr. Je ne le supporte pas.

Je ne sais pas quoi faire pour qu'elle m'aime. J'aurai beau lui décrocher la lune, elle est profondément blessée par ma faute et elle ne me pardonnera pas. Ce que j'ai fait est impardonnable et j'en suis conscient. Mais j'ai besoin qu'on redevienne comme avant.

J'ai besoin qu'elle m'aime. J'ai besoin d'elle.
J'ai besoin que nous soyons une famille normale, que nous élevons nos enfants sans que nos problèmes soient un obstacle entre nous. Je ne veux pas qu'elle aille chercher ailleurs et je me hais d'avoir laissé à quelqu'un le temps de prendre ma place. Ça me rend malade, putain.

Et à l'idée même qu'elle puisse un jour partir vivre avec ce connard de Harry et qu'il ne reste plus que les enfants pour nous lier, ma mâchoire se serre et je sens la colère prendre le dessus une nouvelle fois. Je bifurque sur l'autoroute en prenant un chemin au hasard, essayant de retarder le plus possible le moment où je devrai rentrer à la maison pour me coucher seul dans notre lit en sachant qu'elle est avec un autre.

À prendre son bras devant des centaines de gens. À lui sourire comme elle ne le faisait qu'avec moi. À lui donner l'occasion de se sentir tout-puissant en l'ayant à son bras. À le laisser la montrer à tout le monde comme si elle était à lui, comme si je n'avais jamais existe. Et à l'embrasser, pourquoi pas.
Au point où on en est, ça me m'étonnerait même pas.

Mais ça me rend fou. Elle me rend fou.

Les doigts d'une main crispés sur le volant, je fais tomber les cendres de ma cigarette à l'extérieur de la voiture en appuyant plus fort sur l'accélérateur. Je risque de dépasser les limites de vitesse. Et puis j'imagine qu'on s'en fiche, de ça aussi.

Lorsque ça fait trois heures que je roule sans but, qu'il est vingt-et-une heures et que je meurs de faim, je fais un grand détour pour revenir en sens inverse jusqu'à n'importe quelle restauration rapide. Je pénètre le stationnement d'un McDo à environ dix minutes du manoir. Je ne pourrai pas repousser le moment pour l'éternité. Elle me déteste et je ne peux rien y faire.

Je crois que rien ne pourra jamais arranger ça.

Je crois que l'on devrait arrêter là avant que ça n'aille trop loin.

Le service au volant étant bondé, je me gare en soupirant et décide d'entrer dans le restaurant. Je traverse le magasin et sors mon porte-feuille de ma poche jusqu'au comptoir de caisse en balayant vaguement les gens qui sont assis du regard. Des gens ordinaires qui ont probablement les mêmes problèmes que nous. J'en doute, cependant.