Le Tsung

20 4 6
                                    


         Daishi quitta la pièce en évitant de justesse de claquer la porte. Peut-être que tout n'était pas perdu pour lui après tout. S'il survivait aux évènements qui se profilaient à l'horizon. Je me sentis soudain las et fatigué. Ce corps de vieillard me semblait chaque jour un peu plus lourd à porter. Le visage que me renvoyait la glace le matin était celui d'un homme dans la quarantaine, mais mes gestes lents et malhabiles trahissaient mes trois cents ans véritables. Un âge contre lequel même les technologies médicales actuelles devaient rendre les armes. Il existait une limite au nombre de fois où vous pouviez mentir à votre corps et lui faire croire qu'il était encore jeune et plein d'énergie. Le Dr Satō, mon généticien personnel, m'affirmait qu'avec les bonnes drogues et les bons traitements je pourrais encore espérer vivre une dizaine d'années supplémentaires. Mais à quoi bon se contenter de cet ersatz de vie débilitante ? Cependant, si mon corps n'était plus que l'ombre de lui-même, mon esprit, lui, fonctionnait encore parfaitement. Et pour le moment, c'était tout ce dont j'avais besoin pour faire face à la tempête qui s'annonçait.

— Vous avez été dur avec lui, me dit une voix surgie de nul part.

Un grésillement suivit d'un arc électrique bleu envahi la pièce lorsque Ryu désactiva la tenue occultent qui l'avait maintenu invisible durant l'entretient.

—Si tu veux mon avis, c'est plutôt toi qui as été trop tendre avec cet enfant. Il est grand temps que ça change.

Mon fils me renvoya l'un de ses sourires torves dont il avait le secret et je réalisai honteusement que j'avais ma part de responsabilité dans ce qui était en train de se produire. Pourtant, il était trop tard pour inverser le cours des évènements. Trop de forces que je ne contrôlais pas s'étaient mises en branle. Quoi qu'il arrive maintenant, la famille Tsung devrait y faire face avec les cartes qu'on lui avait distribuées.

— Vous auriez pu au moins lui dire les véritables raisons de son départ.

— Celles que je lui ai données le sont.

Ryu se tapa la main sur la cuisse comme si je venais de faire la meilleure blague de l'année. Puis, il reprit d'un air plus sérieux.

— Vous auriez dû lui dire la vérité.

Un silence lourd s'installa dans la pièce, il finit par le briser au bout de quelques minutes.

— Les choses sont vraiment si graves, que vous deviez expédier vos héritiers aux quatre coins de la galaxie ?

— Tu es mon numéro deux, non ? Tu as lu les rapports comme moi. La vraie question n'est pas : avons-nous agi une semaine trop tôt ? Mais plutôt : ne nous y prenons-nous pas cinq ans trop tard ?

J'observai ses yeux bouger alors qu'il parcourait les documents que je venais de lui transmettre via mon infosys. Sa mâchoire se crispa alors que lui apparaissait l'étendue des dégâts. Il réussit même à pâlir un peu. Une assez bonne imitation de ma réaction lorsque j'avais découvert les derniers rapports de situation.

— Il ne s'agit que d'entreprises périphériques, me fit-il remarquer. Rien de premiers plans.

— Bien sûr, mais regarde leurs localisations.

Silence de quelques minutes pendant qu'il étudiait les données.

— Toutes ces sociétés se situent hors du système. Principalement des S.A. grâce auxquelles nous pouvions libérer des actifs rapidement... Qui sont les acheteurs ?

— Des fonds d'investissement ainsi que quelques groupes d'intérêt.

— Des sociétés-écrans ?

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant