Daishi

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Pour quelqu'un habitué à dormir dans des draps de soie en compagnie de femmes au corps de liane, me réveiller affalé dans un fauteuil d'hôpital se révéla être une expérience extrêmement désagréable.Sans Sean, c'est probablement dans une morgue que tu aurais profité de ton dernier sommeil, me souffla une voix aux accents familiers. Le Tsung semblait avoir décidé de venir me pourrir la vie même au cœur de mes propres introspections. Chassant le vieillard de mes pensées, mon attention se reporta sur mon garde du corps reposant dans le lit en face de moi. Des tubes sortant de sa bouche et de ses narines le reliaient à une série d'appareils médicaux chargés de le maintenir en vie. Le cratère fiché dans son avant-bras droit lui injectait en goûte à goûte une solution laiteuse dont j'ignorais la nature et l'utilité.

Il n'était pas dans mes habitudes de passer mes nuits au chevet de mes employés hospitalisé, mais le garde du corps s'était pris plusieurs balles afin de me sauver la vie. Au diable si cela ne valait pas quelques modifications de mon emploi du temps. Le médecin qui était passé la veille s'était voulu plutôt rassurant, l'intervention effectuée sur Sean lors de son arrivée à l'hôpital avait permis de retirer l'ensemble des projectiles fichés dans son corps. Par chance, aucun d'entre eux n'avait touché d'os ce qui n'aurait pas manqué de provoquer d'importants dégâts ostéo-articulaires. Au moins Sean se réveillerait-il avec tous ses membres à la bonne place. Bien sûr, l'importance de ses blessures nécessiterait encore de nombreuses autres interventions ainsi qu'un suivi médical important, mais au moins n'était-il plus en danger de mort.

La porte de la chambre individuelle coulissa pour laisser entrer un infirmier en blouse et pantalon vert pâle. Le jeune homme me salua d'un geste courtois avant de se tourner vers la série d'écrans sur lesquels étaient affichés les constantes vitales de mon garde du corps.

— Alors ? lui demandai-je.

— Les chiffres ont l'air bon, me répondit-il. Si tous les signaux se maintiennent au vert, nous devrions pouvoir interrompre la sédation dans une dizaine d'heures.

— Je comprends, fis-je en me levant. Je veux être prévenu dès qu'il sera réveillé.

L'infirmier acquiesça avant de se replonger dans son travail. De mon côté je saisis ma veste toujours tachée du sang de Sean et quittai la chambre non sans un dernier regard pour le corps inconscient. Courage vieux, je m'occupe du reste. À l'extérieur de la chambre m'attendaient deux hommes en armures de combat, l'arme au poing. Ils m'emboîtèrent le pas en direction de la sortie de l'hôpital.

— La voiture blindée vous attend dehors monsieur Tsung, me dit le garde sur ma droite.

— Parfait.

— Destination ?

— Les bureaux de Kenkou, répondis-je. La journée va être longue.

Une fois installé sur la banquette arrière de l'imposante limousine noire, j'activais le système de communication de mon infosys.

— Ouais, m'accueillit la voix éraillée de Zéro.

Un jour, ce type devra finir par comprendre qui est le patron.

— Je sors de l'hôpital, vous avez du nouveau ?

L'avatar virtuel leva les yeux au ciel sans chercher à cacher son exaspération. Je luttai contre l'envie de l'agonir d'injures. Ce type se comportait comme si il traitait avec n'importe quel gamin de quartier. Jamais personne ne se serait risqué à se comporter de la sorte avec Le Tsung, pas si il voulait voir le soleil se lever.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant