Samuel

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J'avais le souffle court et une pointe de côté me perforait l'abdomen, pourtant j'étais incapable de m'arrêter de courir. Même lorsque l'homme en costume élégant qu'oncle Zéro avait appelé Daishi se mit à me crier quelque chose. Les docks étaient littéralement noyés de monde. Des milliers de personnes tentaient de prendre d'assaut les rares vaisseaux encore à quai.

— Arrête, me répéta Daishi en me saisissant par l'épaule. Mon vaisseau est par là !

Nous traversâmes la cohue et arrivâmes fasse à un poste de garde où des hommes portant comme sigle deux katanas blanc croisé sur un triangle rouge nous attendait. Le plus âgé d'entre eux nous accueillit d'un regard sévère.

— Nous avons bien reçu les instructions de Mr Sellers. Nous n'attendions que vous pour appareiller.

— Tout le monde à bord, ordonna le jeune homme d'une voix autoritaire.

— Mais mon oncle... et votre ami, m'écriai-je

Un voile de tristesse traversa le regard de l'Asiatique, mais celui-ci disparu aussi vite qu'il était apparu. Lorsqu'il s'adressa à moi, sa voix était ferme et sans appel.

— Ils ne reviendront pas.

Je me sentis soudain écrasé par un sentiment d'absolu désespoir. Maman était morte, j'avais vu son corps dans le salon. J'ignorai où se trouvait Morgane et j'étais maintenant obligé de suivre un parfait inconnu en abandonnant derrière moi tout ce que j'avais toujours connu.

— Je ne peux pas partir, criai-je incapable de me contrôler. Je ne veux pas laisser ma petite sœur. Elle est toujours là-bas quelque part.

La gifle m'atteint avec violence. Instinctivement je me jetais vers Daishi, les poings serrés. Ma réaction le surpris visiblement et je réussis à lui coller deux directs au visage avant qu'il me plaque parterre d'une clé de bras parfaitement maîtrisée. Je luttai un moment pour recouvrer ma liberté, mais il serra sa prise jusqu'à ce que je sente mes articulations sur le point de céder.

— C'est bon, j'ai compris, lui crachai-je d'une voix haineuse.

— Je vois que tu tiens beaucoup de ton oncle.

— Allez vous faire foutre !

— Écoute petit, je ne vais pas te mentir. Ta sœur est probablement morte à l'heure qu'il est, et ton oncle n'en a plus pour longtemps. Alors si tu veux vivre, tu as plutôt intérêt à venir avec moi. C'est à toi de voir.

Abandonné par ma colère, je sentis les larmes me monter aux yeux. Arrête de te comporter comme un chiard ! m'intima une voix qui ressemblait à celle de mon père. S'il y avait une chose pour laquelle s'entendait Carl Jones, c'était bien donner des ordres... et les faire exécuter à grands coups de pompe au cul. Pourtant, ce fut cette voix dans ma tête qui me permit de reprendre pied.

—Je vous suis, dit-je en me redressant.

Une fois sûr que je ne lui sauterai pas à nouveau dessus, Daishi relâcha sa prise.

Je te suivrai pour le moment vieux con, mais compte sur moi pour me barrer dès que l'occasion se présentera. Et ensuite je retrouverais ceux qui ont tué ma famille.

Je savais que cette promesse avait quelque chose de puéril. Après tout, je n'étais qu'un gosse de quinze ans. Mais me fixer un but à atteindre — une vengeance à accomplir — me fit du bien. Et même les gosses pouvaient faire mal quand ils tapaient au bon endroit. L'hématome qui s'épanouissait sur la joue de Daishi en était la preuve.

Nous nous apprêtions à pénétrer dans le vaisseau quand plusieurs voix interpellèrent Daishi. Nous nous retournâmes simultanément pour découvrir deux femmes, aux vêtements presque microscopiques, juchés sur des talons aiguilles et un homme, aussi haut que large, se précipitant dans notre direction.

— My...Ty ? s'étonna l'interpellé. Que faites-vous ici ?

— À ton avis ! répondit le gros homme. On veut foutre le camp de cet enfer.

— Comment avez-vous su que j'étais ici ?

— Je mets toujours un point d'honneur à en savoir le plus possible sur mon meilleur client.

Tsung le regarda sans comprendre.

— Ta puce de traçage finit par lâcher le mastodonte en levant les yeux au ciel.

— Bordel de merde ! cracha Daishi avec exaspération. Toute la station est au courant ?!

— Tous les gens qui comptent, acquiesça l'une des deux jeunes femmes en lui souriant de manière espiègle.

Les quatre adultes s'entre-regardèrent un moment, indécis.

— Alors, reprit la jeune blonde, brisant le silence. Tu nous laisses entrer ou quoi ?

— Tout le monde à bord finit par lâcher l'Asiatique dans un grognement.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant