Zéro

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La première onde de choc survint alors que la rame de métro venait de franchir jaune-6. La secousse manqua de faire basculer la voiture dans laquelle nous nous trouvions. Je serrai la poignée à m'en faire blanchir les articulations. Une fois le métro totalement à l'arrêt, une seconde secousse ébranla la station tout entière. Un message d'alerte défilait en continu sur l'écran d'information en face de moi — plusieurs torpilles ont percuté la zone verte, tous les citoyens d'Old City sont priés de respecter les procédures d'urgence.

Un homme sur ma droite parlait d'une attaque de la Ligue. Une attaque ! Pourquoi ? Je fus soudain saisi d'un funeste pressentiment. Ce pouvait-il que la Ligue ait d'une manière ou d'une autre réussi à mettre la main sur le dossier que j'avais transmis à Daishi . Peut-être le Tsung avait-il lui-même laissé fuiter l'information. Mais dans quel intérêt ? Les fichiers contenaient des preuves accablantes de l'implication de son consortium dans l'utilisation d'un matériau génétique provenant directement d'un cadavre mutant afin de fabriquer leur dernier produit de bioingénierie. Tout comme Kara, il ne faisait aucun doute pour moi qu'il s'agissait là de preuves montées de toutes pièces. Cependant, cela avait été fait avec assez de soins et de talent pour que n'importe qui d'autre s'y laisse prendre.

Au final, peu importait la cause. Old City était belle et bien attaquée par la Ligue. J'activai mon infosys et laissait le flux de nouvelles noyer mon système. Une carte de la station s'afficha sur ma membrane rétinienne, le secteur vert se détachait du reste de la station par sa couleur rouge des plus inquiétantes. Cela ne pouvait dire qu'une seule chose : une ou plusieurs brèches avaient été pratiquées sur le blindage protégeant le secteur du vide de l'espace. Karo... les enfants ! Je tentais de la joindre via le système de communication de mon infosys...sans succès. Essayant de garder mon calme, j'étudiais le plan toujours affiché sous mes yeux : secteur jaune pont six, à peine à trois kilomètres de vert-2. Au pas de course j'y serais en moins de trois quarts d'heure. Coupé d'électricité, les portes de la rame se révélèrent impossibles à ouvrir. Faute d'autre solution, je me saisis de mon arme par le canon et frappai violemment contre l'une des vitres latérales du wagon. Les trois premiers coups étoilèrent le verre de sécurité, le quatrième le fit voler en éclat. J'enjambais l'encadrement et sautais sur la voie.

Je mis moins de dix minutes pour rejoindre la station jaune-9. Je descendis la volée de marches quatre à quatre, bousculant les gens sur mon passage. Le spectacle autour de moi avait quelque chose d'apocalyptique. Des centaines de personnes tentaient d'échapper à la progression des soldats de la Ligue. Par centaine, de malheureux fugitifs étaient précipités au sol et écrasés impitoyablement par de gigantesques mouvements de foule. Hagards des hommes et des femmes en sang erraient le regard vide. D'autres, hurlaient les noms de camarades ou de membres de leur famille à s'en briser la voix. Tiens bon Karol, suppliai-je en accélérant le pas. Une section de guerriers en armures grises chromées apparut par l'un des sas d'accès au secteur. Bien que plus nombreux, les civiles refluèrent vers les ponts supérieurs. Les militaires arrosèrent la foule de leurs armes dernières technologies. Le sol ne tarda pas à être jonché d'agonisants et de cadavres.

Je bifurquais vers une coursive d'entretien avant d'arriver à portée de tir ennemi. Quelques éclats de métal en provenance de derrière moi m'apprirent qu'il ne s'en était pas fallu de beaucoup. La station fut soudain parcourue d'une nouvelle série de secousses. Je titubai, mais réussis à me maintenir debout.

Je passais devant un écran d'information sur lequel on pouvait voir des membres de gangs affronter l'envahisseur. Une vue d'ensemble les montrait ralentissant l'avancée des soldats... la ralentissant, pas la stoppant. Les Liguiens étaient tous simplement trop bien équipés et trop bien organisés. Partout, les défenseurs étaient obligés de battre en retraite avec pertes et fracas.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant