Zéro

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J'écoutais avec une certaine satisfaction les soldats s'acharner sur la porte scellée. Seule une charge explosive pourrait venir à bout de son blindage et je doutai que les Liguiens se décident à utiliser une arme de ce type. Le risque de provoquer une réaction en chaîne était trop grand. À travers le petit hublot se situant à mis hauteur du battant, un soldat m'observait avec un étrange intérêt. Je lui fis un petit signe de ma main ensanglanté auquel, bizarrement, il répondit.

Bordel ce que je suis fatigué.

Mon regard glissa sur le cadavre de Sean, il était mort sans souffrance, une balle entre les deux yeux avait pulvérisé l'arrière de sa boîte crânienne envoyant voler des morceaux grisâtres de matière cérébrale sur la cloison derrière lui. Un tir parfaitement ajusté. Il existait un dicton dans l'armée : « toujours se faire descendre par un bon tireur ». Une onde de souffrance me fit serrer les dents. Je continuai à presser ma main droite contre la blessure à mon ventre. Putain, pourquoi je n'ai jamais de bol moi !

— Exactement là où j'ai planté ma lame, me fit remarquer le gosse.

— T'es revenu, constatai-je avec un étrange sentiment de soulagement.

— Je n'allai pas rater ton grand moment.

Étrangement, mon petit Casper personnel avait retrouvé toute sa superbe. Il n'avait plus rien du cadavre pourrissant qu'il était la dernière fois que je l'avais vu chez le docteur Dream.

— Tout ça, c'est dans ta tête, me souffla-t-il en posant sa main chaude sur la mienne.

— C'est sûr... débutai-je avant d'être interrompu par une quinte de toux propulsant dans l'air une brume rougeâtre. On dirait que tu vas l'avoir finalement ta revanche.

— Est-ce vraiment important ?

— Ça l'est pour moi, dis-je en le fixant dans les yeux.

— Tu l'as fait pour survivre, me fit remarquer le fantôme avec une note de compassion dans la voix. Uniquement pour survivre.

— Et regarde où j'en suis maintenant.

Nous restâmes silencieux plusieurs minutes, alors que je continuai à me vider de mon sang sur le sol. Une sensation d'engourdissement commençait à gagner mes pieds. Je devais bouger faute de quoi je serai bientôt incapable de me déplacer.

— Pour aller où ? demanda mon amis imaginaire.

— Je ne veux pas crever ici, dis-je suppliant.

— Je crois vraiment que ce choix ne t'appartient plus.

Le visage de Samuel s'éloignant dans le couloir me revint en mémoire. Ses traits si semblables à ceux de Karol et pourtant si différents. J'étais heureux qu'il ait pu fuir. Pourtant, aurais-je fait le même choix s'il se représentait ?

— Tu sais que oui.

Merci pour le vote de confiance...

— Tu oublies que je te connais aussi bien que toi-même.

Le p'tit était un gamin génial, toujours à voir la vie du bon côté, le premier à faire des blagues et le dernier à chercher à vous enfumer. Je me rappelais cette dernière pensée que j'avais eue avant d'abandonner son cadavre au désert de Tanos.

— Tu devrais peut-être arrêter de m'appeler « le gosse » ou le « gamin ». Déshumaniser sa victime, c'est bien le genre de merde qu'on vous apprend à l'armée.

— Je... ne vais pas te... contre dire.

Mon compagnon imaginaire semblait gagner en substance à chaque seconde qui passait. Comment ?

— Consulte ton infosys, me conseilla-t-il.

J'activais mon implant et un message d'avertissement s'afficha en rouge devant mon champ de vision — Alerte oxygène ! Taux d'oxygène ambiant critique ! — l'alerte devait tourner depuis un certain temps, mais trop occupé à me vider de mon sang, j'étais passé à côté. Un ou plusieurs des projectiles avait dû perforer le blindage protègent l'habitacle du vide de l'espace. Finalement, il semblait que ce serait l'hypoxie qui aurait ma peau.

— Il paraît que c'est comme s'endormir, me souffla mon compagnon sa main toujours posée sur la mienne.

Je préfère ça...

J'avais désormais perdu toute sensibilité dans le bas du corps et mes doigts commençaient à prendre une vilaine teinte cyanosée. Je les secouais dans une veine tentative pour y ramener un peu de vie, peine perdue.

Est-ce que tu resteras avec moi ?

— Bien sûr, jusqu'au bout.

Je ne veux pas mourir seul !

— Je reste avec toi.

J'ai peur.

— Il ne faut pas. Tu verras, mourir c'est facile.

Je fus soudain saisi d'un étrange sentiment de paix, alors que mes paupières se faisaient de plus en plus lourdes.

Merci d'être mon ami... Tim.

— Pas de soucis.

Tim.

— Oui ?

Es-tu un ange ?

Sa réponse me parvint comme du bout d'un tunnel. J'étais si fatigué, que ce fut avec soulagement que je laissai mes paupières se fermer.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant