Zéro

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Le médecin légiste s'empressa de faire disparaître les plaques de crédits que je venais de lui tendre. Old City était un véritable patchwork culturel. Tel un Far West moderne, elle ne cessait d'attirer son lot de migrants à la recherche de gloire, de fortune ou désirant simplement découvrir ce qui se trouvait hors de notre bon vieux système solaire. Plus d'un millier de langues et de patois cohabitait dans un Tore de métal de quelques centaines de kilomètres de diamètre flottant en orbite autour d'une étoile naine à plus de soixante mille années-lumière de la Terre. Pourtant, et malgré le bond de géant qu'avait accompli l'humanité depuis qu'elle s'était péniblement extraite de son puits gravifique, je venais de m'adresser au petit fonctionnaire dans l'unique et éternel langage universel... celui d'un paquet de fric qui change de mains.

— Alors ? lui demandai-je en me tournant vers le cadavre qui gisait sur la table d'autopsie.

L'employé de la morgue (Thomas Steward d'après la plaque épinglée sur sa poitrine) qui ne devait pas avoir plus de trente ans jeta un coup d'œil nerveux autour de lui. Il n'était que l'assistant du légiste et si son patron le prenait à recevoir un pot de vin, il ne se faisait guère d'illusion quant à la suite de sa carrière. J'aurai pu lui faire remarquer que le Dr Lemond, son chef de service, ne crachait pas sur quelque à côté de temps en temps, mais la nervosité pouvait lui faire lâcher une info qu'il aurait pu tenter de monnayer dans un autre état d'esprit (il n'y a pas de petite économie).

Avec des gestes secs, le légiste écarta la peau au niveau de l'incision en Y pratiqué sur le torse du cadavre. Une odeur de viande froide me sauta au visage et je dus reculer pour éviter de vomir dans la plaie béante.

— Mettez ça sous votre nez, me conseilla Steward en me désignant un pot blanc posé sur un coin de la table.

Je plongeai un doigt dedans et retirai une noisette d'une crème verte que j'appliquais sous mes narines. Immédiatement, une puissante odeur de menthe couvrit les effluves morbides du bloc médical.

— Merci, fis-je une fois sûr que mon estomac resterait à sa place.

—Pas de problème.

— Qu'avez-vous pour moi ?

À l'aide d'une sorte de pince, le jeune homme sépara l'épiderme d'une fine pellicule sombre d'à peine quelques millimètres d'épaisseur située entre la peau et les muscles. J'identifiais l'amélioration corporelle dès que je la vis.

— Un blindage sous-cutané !

— Qualité militaire, me fit observer le légiste. Pas le genre de matos qui se trouve chez le marchand corporel du coin.

Je repensais au 9mm à ma hanche. Un calibre aussi petit n'aurait jamais pu percer une protection pareille. La vérité s'était que mon client ne devait la vie sauve qu'à l'incroyable coup de chance qui m'avait permis de loger ma balle droit dans l'œil gauche de notre agresseur. Le seul point faible d'un blindage de ce type.

— Un numéro de série ? demandai-je sans grand espoir.

Le légiste fit non de la tête. Ça aurait été trop facile. Le système d'identification m'aurait permis de remonter jusqu'au fabricant du blindage et peut-être même jusqu'à son acheteur.

— D'autre amélioration ?

— Rien d'un tel niveau : réflexe câblé 1.5X, membranes oculaires et infosys civil. Que du milieu de gamme.

— Vous avez récupéré son infosys ? lui demandai-je en désignant le cerveau rendu apparent par la découpe pratiquée sur la boîte crânienne.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant