Demidov

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Je fus tiré de mon inconscience par une onde de douleur vrillant mon corps au-delà du supportable. Lorsque j'ouvris les yeux, la lumière crue de l'éclairage m'arracha un grognement. Dans ma poitrine, mon cœur battait à tout rompre et mes muscles étaient parcourus de spasmes incontrôlables. Une désagréable odeur d'urine et de déjections m'apprit que je n'étais plus maître de mon sphincter. Il manquait plus que je me chie dessus pour rendre cette journée parfaite. Harnaché sur la table médicale, je tentai de pivoter la tête pour apercevoir quelques une des aiguilles plantées dans mon corps. Certaines d'entre elles — la plupart en vérité — n'avaient pour seul but que d'infliger la douleur, que ce soit par décharge électrique ou par injection de produit neuroactif. Quant aux autres, elles étaient là pour s'assurer que cette douleur ne me tue pas. J'ignorais depuis combien de temps je me trouvais ligoté là, mais si je me fiais au nombre de fois où l'homme en tenue médicale était venu changer mes perfusions, cela devait faire plus de deux jours. Et durant tout ce temps, l'on ne m'avait encore posé aucune question.

Ne sois pas idiot, me fustigeai-je. C'est la manière exacte dont tu t'y serais pris.

Lorsque je m'étais réveillé de la stase — si l'on pouvait appeler ainsi la purge de mon organisme de toutes les substances chimiques que m'avait injecté le cocon — Je me trouvais déjà attaché à cette même table. Un homme aux yeux sombres et à la barbe noire naissante m'avait posé quelques questions de routine : mon nom, mon grade et pour qui je travaillais ? Je m'étais contenté de l'observer en silence. Sans montrer le moindre signe d'impatience, l'interrogateur avait simplement quitté la pièce. Dix minutes plus tard débutait la première vague de souffrance.

Parfois, il s'agissait d'onde électrique projetée dans mon corps via les aiguilles métalliques fichées dans les muscles de mes bras et mes jambes. D'autre fois, les cathéters posés dans le creux de mes coudes m'injectaient des drogues provoquant des spasmes musculaires si violents que sans le protège-dents que l'on m'avait fourré de force dans la bouche, je me serais probablement coupé la langue. À la seconde visite de l'interrogateur, plusieurs heures de souffrance plus tard, j'avais finalement consenti à lui donner mon nom, rien de plus. Je n'étais ni masochiste, ni particulièrement courageux, mais je connaissais trop bien la dynamique que mon tortionnaire tentait de mettre en place. Après tout, nous pratiquions la même profession lui et moi. La pression physique n'était que la première phase de la mise en condition, mais pas la plus éprouvante. Si je craquai trop vite, il saurait que je comptai lui mentir. Si j'agissais trop lentement, cela l'inciterait à utiliser des méthodes encore plus extrêmes. Je devais donc agir avec prudence.

L'ouverture du sas menant à la salle d'interrogatoire me tira de ma réflexion. L'homme aux yeux sombres retroussa les narines lorsque la violente odeur de corruption parvint jusqu'à lui. Il pénétra dans la pièce et vint s'asseoir sur la chaise posée à côté de mon lit. Il se plongea un instant dans les données transmises par les électrodes, collées sur mon corps, sur l'un de moniteur accroché à la cloison.

— Vous ne devriez pas vous infliger ça, me dit-il dans un néorusse impeccable. Vous savez que nous pourrions continuer ainsi des semaines entières.

Et prendre le risque de me voir crever d'un arrêt cardiaque ? Prends-moi pour un con.

Le mensonge aussi était de bonne guerre, je lui concédais les quelques larmes qui coulèrent le long de mes joues. Je n'eus pas vraiment à me forcer pour simuler le désespoir. J'étais désespéré.

— Nous pourrions peut-être arriver à un arrangement, lui répondis-je d'une voix cassée.

— Bien, je vois que nous avançons.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant