Zéro (2 heures avant l'appel)

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Lorsque les gouvernements terriens avaient ouvert l'espace à la colonisation, nombreuses avaient été les organisations à y voir une opportunité d'enrichissement sans précédent. Les cartels, mafias et autre organisations criminelles ne faisaient pas exception à la règle. Où qu'il allât, l'homme éprouverait toujours le besoin de s'offrir des plaisirs interdits. Drogue, prostitution infantile et un millier d'autres vices tout aussi sombres que l'humanité traînait depuis toujours dans son sillage. Les criminels étaient là pour s'assurer de satisfaire cette demande. Et parmi eux, la Mara Salvatrucha ou tristement célèbre MS 13. Au vingt et unième siècle, ce gang d'origine salvadorien s'était répandu à travers l'Amérique du Sud et du Nord avec une opiniâtreté, une agressivité et une violence inconnue jusqu'alors.

Dédaignant les colonies planétaires pour des stations spatiales, plus faciles à contrôler, le MS 13 s'était implanté dans toutes les stations de première, seconde et troisième génération. Bien sûr, il n'était pas les seuls. Mais la Mara défendait ses territoires avec une telle violence, que rares étaient les gangs ou autres organisations à tenter de les leur contester. Les quelques-unes à si être risquées, terminaient presque toujours avec des cadavres démembrés suspendus aux poutrelles de soutènement bordant les artères principales de la station. Après des années d'une guerre sanglante, les différentes autorités des stations avaient fini par conclure une sorte de trêve avec les gangs. Ceux-ci acceptaient de mener leurs activités de manière aussi discrètes que possible et en échange, lesdites autorités acceptaient de fermer les yeux sur leurs trafics. En dehors de quelques échauffourées ponctuelles, la trêve avait depuis lors toujours été respectée. C'était de cette manière que les choses se déroulaient à des milliers d'années-lumière de cette bonne vieillie Terre.

Lorsque le docteur avait évoqué le tatouage sur la joue du cadavre, j'avais immédiatement compris que seul un haut gradé du gang aurait l'ascendant nécessaire pour me fournir les informations dont j'avais besoin. Et ce haut gradé, c'était Alejandro Suarez. Nous avions grandi ensemble dans les bas-fonds de la station. Ses origines latines lui avaient ouvert les portes du gang, et alors qu'il gravissait rapidement et violemment les échelons hiérarchiques de la Mara, j'avais continué à m'enfoncer toujours plus profondément dans les ordures de Old. Malgré cela, nous n'avions jamais totalement perdu le contact. Nous étions amis — pour autant que cela veuille dire quelque chose — et j'espérai qu'il s'en souviendrait lorsque nous nous retrouverions face à face. Daishi à plutôt intérêt à augmenter le nombre de zéro écrit sur mon chèque.

La zone contrôlée par le MS 13 s'étendait des docks jusqu'au pont dix-sept de la zone rouge. Cela représentait une sacrée superficie à couvrir pour trouver mon ami. Heureusement, ce vieil Alejandro n'avait jamais été du genre discret. Il m'avait suffi de graisser quelques pattes pour obtenir l'information que je désirais. Je le retrouvai finalement en pleine « affaire » dans une boutique d'électronique du secteur rouge 12. Avec leur visage couvert de tatouages et leur bandana bleu et blanc noué autour de leur crâne, il était difficile de manquer les trois sicarios montant la garde en face du bâtiment. Deux d'entre eux portaient ostensiblement leurs fusils à pompe en bandoulière et le troisième avait un pistolet de gros calibre glissé à l'avant de son pantalon.

— Qu'est-ce que tu veux cabrón, m'interpella-t-il en portant la main à son arme.

— Je dois voir Alejandro, répondis-je en le fixant droit dans les yeux.

Les sicarios étaient comme les grands prédateurs, leur montrer le moindre signe de peur ou de faiblesse était le meilleur moyen de terminer avec un trou dans le crâne. Je pris donc garde à ne pas les lâcher des yeux tout en gardant la main posée sur mon holster.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant