Le claquement sec du percuteur m'apprit que mon chargeur était vide.
— Je recharge, criai-je en saisissant un nouveau magasin dans mon sac de cuisse et l'insérai dans mon arme.
Le rebelle sur ma droite abattit deux écorchés avec une précision presque militaire. À peine 15 ans et ce gosse tire déjà mieux que je ne le ferai jamais. Et sans le moindre assistant de visée. Sur ma gauche, trois autres insurgés reculèrent d'une dizaine de mètres. Je les imitai sans perdre les mutants des yeux. Ces saloperies étaient moches comme la mort. Une horrible parodie d'homme auquel on aurait retiré le moindre centimètre de peau. Les écorchés étaient la chair à canon de la Chasse. Trop bêtes pour se servir d'une arme, ils compensaient leur stupidité en noyant leurs adversaires sous leur nombre. 83 l'avait découvert un mois plus tôt à ses dépens.
Un groupe d'écorchés nous avaient acculés dans un bâtiment administratif de la zone Tango 1. Les combats avaient duré toute la nuit et une partie de la matinée. Nous étions crevés, presque à court de munitions et nous n'avions pas la moindre chance de recevoir des renforts. Nous étions en train de profiter d'une accalmie lorsqu'une nouvelle vague ennemie s'était jetée contre nos défenses, les cinq colons en faction dans les trous de souris creusés à l'extérieur des murs avaient été littéralement avalés par la marée ennemie. Nous ne les avions même pas entendus hurler.
— Défendez l'immeuble ! avait crié 85.
Je m'étais retenue de justesse d'envoyer une remarque sarcastique. Ma grande gueule m'avait déjà valu bien assez d'ennuis comme ça. L'interprète de notre petit groupe, un colon du nom de Josh parlant un français presque aussi horrible que le mien, avait traduit la directive à ses compagnons. Une seconde plus tard, les coups de feu de nos armes déchiraient le silence. Chaque écorché qui tombait sous nos balles était immédiatement remplacé par cinq autres. Trois colons et un soldat de TI étaient rapidement tombés sous les assauts ennemis. Sans les directives de 85 nous n'aurions pas tardé à être submergés. Il semblait avoir un œil sur chacun de nous. Avec l'aide du traducteur, il nous guida durant notre retraite dans les entrailles du bâtiment sans jamais se départir de son sang-froid. Ce fut lui qui vit les trois écorchés se saisir de 83. Les hurlements de terreur de la démineuse s'étaient répandus sur les ondes de nos systèmes de communication.
— Non ! Non ! Lâchez-moi... laissez-moi ! suppliait-elle alors que les mutants la jetaient au sol.
La dizaine d'écorchés de la Chasse qui se trouvaient entre le reste de l'escouade et elle, rendaient toute tentative de secours impossible. Un claquement sec avait explosé sur ma droite et un trou net et sanglant était apparu au milieu du front de 83 dont le corps s'immobilisa aussitôt. Pas besoin d'être devin pour savoir d'où provenait le tir. Son acte valut à 86 de recevoir des parts supplémentaires prélevées sur chacune de nos rations, ainsi que notre gratitude. Car la chasse ne tuait ni colons ni les soldats sur UG85/2. Elle les capturait et les traînait dans ses vaisseaux qui, une fois plein, s'envolaient pour rejoindre l'hyperespace où nous n'avions aucun doute sur le sort réservé aux malheureux captifs. Le meurtre de 83 était un acte de charité. Je savais que le snipeur aurait souhaité que quelqu'un ait eu la même attention pour lui lorsque deux semaines plus tard les abominations l'avaient capturé et emmené dans un de leur véhicule de transport. Ses cris et ses pleurent avaient duré jusqu'à ce que 85 finisse par utiliser l'accès de commandement de son infosys pour couper la ligne com du sniper.
Je ne veux pas crever, je ne veux pas crever, me répétai-je en vidant un nouveau chargeur sur le groupe de mutants qui venait de surgir sur ma droite. Je ne voulais pas mourir sur ce bout de caillou oublié de Dieu, mais je voulais encore moins laisser les mutants de la Chasse Sauvage me transformer en une de ces choses. Mes pensées glissèrent vers la petite capsule dissimulée à l'intérieur du pendentif rond pendant à mon cou. Les colons nous les avaient fournies dès que nous nous étions joints à eux. Il s'agissait d'un dérivé du cyanure produit à partir d'une moisissure locale. L'agonie était longue et douloureuse, mais c'était un choix que j'étais prête à faire.
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Point Zéro
Science FictionL'Homme maîtrise aujourd'hui le voyage spatial et s'est élancé à la conquête des étoiles. Pourtant de nombreux dangers se dissimulent au cœur du vide spatial. Et parmi ceux-ci le plus redoutable est peut-être l'humanité elle-même. Zéro, spatial pou...