Zéro (vingt minutes avant l'appel)

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Je débarquais de la rame de métro flanqué de mes trois nouveaux compagnons, lorsque mon infosys m'informa que j'avais un message en attente. Chaque citoyen possédait un infosys ce qui le rendait théoriquement joignable à tout moment. Seule la saturation du réseau d'Old aurait pu justifier une coupure des communications directes.

Surement des vaisseaux qui déchargent leurs banques de données directement dans le système de la station. Y a quelqu'un, tout en haut, qui va chier une pendule.

En temps général, les flux de données étaient stockés dans des mémoires tampons avant d'être réinjectés dans le système. Cela évitait la surcharge du réseau et tous les inconvénients que cela pouvait entraîner. J'activais la diffusion du message. L'image reconstituée de Karol s'afficha devant mes yeux.

—T'es vraiment obligé de faire livrer ton colis chez moi ? me dit-elle sans chercher à cacher l'exaspération dans sa voix. Grouille-toi de passer le prendre. Je ne veux pas que Frank tombe dessus.

Le visage de ma sœur se décomposa en un millier de pixel avant de disparaître totalement. Je réfléchis un instant à qui avait pu m'envoyer un colis, puis finis par chasser la question de mon esprit. Nous venions de nous arrêter devant le bloc d'habitation d'El Pero et j'allai avoir besoin de toute ma capacité de concentration.

— C'est ici, dit laconiquement Kara en introduisant un code sur le boîtier à droite de l'une des portes.

Je fus le premier à pénétrer dans le petit appartement. Pour un junkie accro à la neige, El Pero semblait faire preuve d'un ordre presque maniaque. Le salon était d'une propreté immaculée.

— Une vrai fée du logis, glissais je à la jeune femme qui franchissait la porte à ma suite.

¡Cállate! y poner a trabajar!

— Me mettre au travail... oui je peux faire ça.

La sicario et moi nous entreprîmes de fouiller méticuleusement la pièce, alors que les deux autres membres de la Mara se plaçaient de part et d'autre de la porte d'entrée.

Trois contre un. J'ai déjà connu pire....enfin pas souvent.

Chaque membre du MS 13 devait commettre un meurtre de sang froid pour espérer survivre au rite initiatique du gang. Inutile d'espérer d'eux la moindre pitié. Les mouvements légèrement saccadés de l'adolescente m'apprirent que cette dernière devait au moins être équipée de réflexes câblés, sûrement aussi un blindage sous-cutané. Le sicario était les tueurs les plus aguerris de la Mara. Et à ce titre, elle avait certainement eu droit au meilleur équipement que pouvait lui fournir le gang. Les deux autres, même si ils étaient plus âgés, n'étaient probablement que des sous-fifres, médiocrement modifié. Lorsque ça allait commencer à chauffer, c'était eux que je devrais déssouder en premier. En espérant être suffisamment rapide pour ne pas laisser à Kara le temps de profiter de l'occasion pour me descendre.

Mes propres améliorations n'étaient plus de première jeunesse, mais je les pensais encore suffisamment performantes pour me permettre de faire face à ce que le MS 13 pouvait m'envoyer. Le sang allait couler bientôt, mais le leur plus que le mien. Du moins, c'est ce dont je voulais me persuader.

Une fois le salon entièrement vérifié, Kara passa à la chambre alors que je me dirigeai vers la salle de bain. L'espace réduit permettait péniblement à une douche et à une toilette de cohabiter. Je démontais le pommeau de la douche et le retournais, sans succès. La dernière cachette possible m'arracha une grimace de dégout. Je relevai la manche droite de ma veste et plongeai mon bras jusqu'au coude dans la cuvette des toilettes. J'évitais de penser à tout ce qui avait pu passer par le conduit que j'étais en train de palper. Le produit chimique destiné à éliminer la majorité des déchets organique teinta ma peau d'un bleu sombre.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant