Demidov

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Nous avancions dans les décombres de la colonie depuis plus de deux heures lorsque je remarquai pour la première fois la quasi-absence de cadavres. Les derniers rapports des services de renseignement indiquaient la présence sur le planétoïde d'au moins quinze milles colons, plus les trois mille cinq cents membres du corps expéditionnaire de Terra Incognita, ce qui signifiait presque vingt mille âmes. Pourtant, nous n'avions pas dû croiser plus d'une centaine de cadavres pourrissants.

— Ne le touchez pas ! m'avait ordonné sergent Ioudine lorsque je m'étais approché du premier corps que nous avions croisé. À moins que vous ne vouliez vous chopper une saloperie du style leishmaniose.

Je lui jetais un regard interrogatif.

— Parasites mangeurs de chaire, me souffla-t-il en claquant deux fois des dents.

Je reculai si vite que je faillis m'étaler sur le sol. Nous poursuivîmes notre route dans un silence de mort. Le plan de la ville, affiché en rétro projection sur la visière de mon casque tactique, s'actualisait au fur et à mesure que le recodrone de la taille d'une mouche, nous transmettait les données de ses capteurs.

Une dizaine de mètres devant nous, le sous-lieutenant Repine avançait aux aguets. Ses sens artificiellement augmentés ne suffisaient pas à eux seuls à expliquer l'acuité presque surnaturelle du sniper. Par deux fois, il nous ordonna de nous planquer alors même que le drone nous envoyait un rapport de situation positif. À chacune de ces alertes, un groupe de mutants n'avait pas tardé à pointer le bout de leur horrible gueule. Enterrés sous les gravats des immeubles en ruine, nous nous efforcions alors de rester le plus immobiles possible. Lors de la seconde rencontre, la patrouille ennemie rôda si longtemps autour de notre position que j'en fus réduit à uriner sur moi. Lorsque je me redressai, aucun de mes compagnons ne rit. Une tache identique à la mienne assombrissait l'entrejambe de Repine et de Ioudine. Nous reprîmes notre marche dans un silence de mort.

Le sol était couvert de la poussière de bétons que nous soulevions à chacun de nos pas. Nos tenues de combat ne tardèrent pas en être recouvert. Le résultat renforça l'effet camouflage de nos treillis. Un peu après notre départ de la ZI, le sous-lieutenant Repine, à l'aide d'un peu d'eau et de poussières, avait fabriqué une pâte sombre qu'il s'était méticuleusement appliquée sur chaque partie de peau visible. En spécialiste du camouflage chevronné, il avait pris soin de brisé les lignes naturelles de son visage, éclaircissant les zones sombres et assombrir les plus claires. Une fois dissimulé, le sous-lieutenant devenait un prolongement naturel du paysage, impossible à détecter par un œil non exercé. Le reste du commando s'était contenté de se couvrir le visage de poudre grise ramassée par poignée à même le sol. Le résultat, bien que moins spectaculaire, suffisait à nous garantir un supplément de discrétion.

— C'est l'heure de la graille, dit capitaine Sabantsev au bout de cinq heures de marche.

Les spetnazs étaient entraînés à opérer durant plusieurs jours de manière optimale. De plus, leurs améliorations corporelles leur permettaient de se passer d'eau et de nourriture bien plus longtemps que des hommes ordinaires. Il n'était donc pas difficile de deviner pour qui cette pause avait été décidée. Le colonel Lemeline et moi nous assîmes sur les restes d'un vieux mur à moitié effondré sans réussir à retenir un grognement de soulagement. Les opérateurs nous jetèrent un regard sans chercher à dissimuler leur condescendance pour ces deux blancs-becs qu'on leur avait collée dans les pattes. Qui pourrait leur en vouloir ?

Quelque semaine avant notre départ, j'avais pris soin de compulser leurs états de services. Du moins, les parties accessibles à quelqu'un ayant mon niveau d'accréditation. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils étaient pour le moins impressionnants. L'unité Alpha-Deux avait été formée il y avait trois ans, juste après les émeutes sur la station Mir 2. Chacun de ses membres était déjà d'active depuis plus d'une dizaine d'années. Ces hommes avaient effectué des missions dont la plupart des membres de l'Étoile rouge, y compris dans ses plus hautes sphères, n'avaient jamais entendu parler. Ensemble, ils avaient affronté tout ce que les adversaires du parti pouvaient produire de mieux en matière de soldats. À l'exception des redoutables traqueurs de la Ligue. Et aujourd'hui, les voilà assigné au baby-sitting de deux malheureux VIP sur un planétoïde de second ordre avec pour but de couvrir les traces laissées par d'autres. Sans la présence sur place des mutants pour pimenter un peu l'opération, je doutai même que ses hommes eussent même acceptés de participer à la mission.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant