Daishi

10 2 0
                                    

Je débarquai de la limousine avant même que celle-ci ne soit totalement à l'arrêt, obligeant mes deux gardes à faire de même. Ils m'encadrèrent alors que nous avancions au pas de course en direction des bureaux de la société. Mon esprit était tout entier tourné vers le dossier que m'avait transmis Zéro. Si le KRU-783 était effectivement extrait du sang des mutants, la situation était plus que catastrophique. L'humanité était prête à accepter un certain nombre de choses de la part d'hommes avides prêts à tout pour réussir. Mais, contaminer la population avec une molécule mutante n'en faisait pas partie. Si quelqu'un arrivait à mettre la main sur le dossier et, pire, le transmettait à la Ligue alors Old City ne serait bientôt plus qu'un tas de métal radioactif dérivant dans l'espace.

À cette heure du cycle/nuit, le bâtiment était pratiquement désert. Une bonne chose pour moi. L'ascenseur nous déposa au troisième niveau où se trouvait mon bureau personnel ainsi que la salle des serveurs.

— Restez ici et ne laissez personne entrer ! ordonnai-je aux deux gardes avant de pénétrer dans mon bureau.

Je verrouillai la porte derrière moi et m'installai devant mon poste de travail. Un doux ronronnement envahit la pièce lorsque l'ordinateur s'activa. J'introduisis le code de déverrouillage et activai la liaison de mon infosys. Immédiatement, l'ensemble des données fournies par Zéro se déversa dans le réseau de Kenkou. Une pléiade de programmes d'analyses se mit route, dévorant, et compilant les informations que je venais de leur fournir. Les fichiers que Zéro avait récupérés chez notre agresseur furent ensuite croisés avec ceux de la base de données de l'entreprise. Une dizaine de correspondances s'affichèrent sur l'écran. Ce n'est pas vrai ! Les sources d'approvisionnement, les dates, les comptes rendus d'expérimentations, tout correspondait. Quelqu'un chez nous s'était réellement servi du sang des mutants pour produire le neuroflex. L'un des rapports contenus dans le dossier expliquait en détail les effets de la molécule sur l'être humain. Une boule d'angoisse se forma au creux de mon estomac alors que mes yeux parcouraient le document. Comment est-ce qu'on a pu passer à côté de ça ?

L'amélioration des réflexes par la molécule n'était que la partie émergée de l'iceberg. En réalité, celle-ci, agissant comme un rétrovirus, elle s'intégrait au brin d'ADN modifiant de manière fondamentale le patrimoine génomique de son hôte. Le reste du rapport se perdait dans un méandre de termes techniques incompréhensibles pour moi. Mais, l'idée générale n'était que trop évidente. KRU-783 modifiait de manière fondamentale l'ADN de la personne à laquelle il était injecté. Le procédé était lent, insidieux et totalement irréversible. Mais pour le transformer en quoi ?

Je me mis à compulser frénétiquement les autres fichiers financiers du rapport à la recherche de la moindre preuve indiquant une éventuelle conspiration contre nous. Mais au bout d'une demi-heure, je dus bien finir par me rendre à l'évidence. Toutes les preuves menaient à Kenkou pharmaceutique et à TsungCo. L'argent transitait par de nombreux comptes offshores anonymes, mais finissait invariablement par se retrouver injecté dans l'un des circuits financiers de la corporation. Est-ce que le Tsung est au courant ? L'idée que mon grand-père ait pu cautionner cette abomination me paraissait hautement improbable...mais pas impossible. Mon attention s'arrêta sur la série de photos prises sur UG85/2 qui montraient cinq hommes, identifiés comme des opérateurs de l'Étoile Rouge, occupés à déplacer le corps d'un mutant. Officiellement, les rapports entre les consortiums et les Rouges étaient pratiquement inexistants. L'écart idéologique entre eux rendait toute tentative de rapprochement hautement improbable. Mais quand argent et pouvoir étaient en jeu, on avait connu des mariages de raison bien plus étrange.

Je fus soudain distrait par des sons étouffés en provenance du couloir. C'est quoi ça encore ? Après avoir désactivé la console je me dirigeai ver la porte. J'entrais le code d'ouverture et la laissais me libérer l'accès au couloir.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant