Zéro (7 heures avant l'appel)

13 2 5
                                    

Un tas de rumeurs circulaient sur la véritable identité du docteur Dream. Ancien scientifique de la Ligue en exil. Grosse tête à la botte des consortiums chargés de tester leurs nouvelles drogues sur les péquenauds des stations. Et, ma préférerée, savant fou avec un plan de domination galactique. La vérité c'est que personne ne savait rien sur ce bon docteur et que ce dernier déployait de grands moyens pour que cela reste ainsi. Pas mal de personnes s'étaient purement et simplement volatilisées pour avoir voulu gratter un peu la surface du mythe. L'homme avait les contacts et les liquidités nécessaires pour obtenir ce genre de service. Peut-être même m'était-il arrivé de bosser pour lui sans le savoir.

Le « cabinet » du docteur se situait dans la zone verte de la station. Si un cloaque comme Old City comportait un quartier résidentielle, la zone verte était probablement ce qui s'en rapprochait le plus. Absence de signes de gangs, pas de dealer à tous les coins de rue et des prostitués sans presque de cicatrices au pli du coude. Le paradis sur Terre...tu parles ! La gangrène de la criminalité n'était pas moins présente ici que sur le reste de la station. Les rupins avaient simplement appris à mieux la dissimuler. Personnellement, je préférais ma drogue vendue en sachet au coin d'une rue par un mec louche et mes putes camées jusqu'aux yeux et chaussées d'escarpins fluo avec des talons hauts d'un kilomètre. Les goûts et les couleurs...

La résidence du docteur n'était pas vraiment difficile à dénicher. Il suffisait de repérer les dizaines de mercenaires déguisés en civil pour comprendre que l'on venait de toucher le gros lot. Le cabinet ne se trouvait pas seulement dans l'immeuble. C'était l'immeuble. J'avançai jusqu'à l'entrée en prenant soin de laisser mes mains bien en évidence. Inutile de donner une raison à l'un de ces excités de la gâchette qui m'observait de leurs yeux froids comme la mort. Un garde, en combinaison de combat celui-là, m'intercepta à l'entrée du bâtiment.

— Vous êtes attendus ?

— J'ai rendez-vous avez le doc, répondis-je sans chercher à dissimuler ma nervosité.

Ce genre de brute aimait en imposer. Pour un peu, je pouvais deviner les petits rouages de son cerveau reptilien lui envoyer des images de meurtres et de démembrement — le tout en technicolor. Me voir chier dans mon froc était probablement le plus grand plaisir de cette armoire à glace gavé de drogues de combat et d'améliorations corporelles. Je ne voulais pas être celui qui contrarierait ce gros bébé de cent quarante kilos de muscles et de morgue. Profite mon grand, c'est moi qui régale.

Un long silence s'installa entre mon nouveau meilleur ami et moi. À voir son regard vague, je compris sans mal qu'il devait être en pleine communication avec quelqu'un à l'intérieur de l'immeuble. Peut-être le docteur Dream lui-même. J'espère que la secrétaire n'a pas oublié de noter le rendez-vous, songeai-je en sentant un filet de sueur froide me couler le long du dos. Au bout de plusieurs minutes, le regard de la brute se posa de nouveau sur moi.

— Vous pouvez entrer, me dit-il en s'écartant presque à regret.

Je le saluai de geste de la tête et m'avançais en direction de l'entrée en essayant de ne pas donner l'impression de fuir, enfin pas trop. Le ricanement en provenance de quelques pas derrière moi m'apprit que mes efforts ne devaient pas être couronnés de succès. À cette distance, j'aurai pu tenter ma chance, mes propres améliorations n'étaient pas à la pointe de la biotechnologie, mais elles demeuraient plus que suffisantes pour faire face à n'importe quel gorille de base. Je sentis ma main glisser en direction de mon arme. Un simple demi-tour et une pression sur la détente... je pouvais presque sentir le tressautement de l'arme dans mes mains au moment où la balle de 9mm quitterait le canon de l'arme pour foncer à plus de trois mille kilomètres/heure pour se loger pile au milieu du front de l'armoire à glace. Avec un simple effort d'imagination, je visualisai sans peine ses yeux idiots agrandis par la surprise.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant