Maria

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Assise dans mon fauteuil roulant électrique, je regardai d'un œil froid l'écran de surveillance sur lequel, le Rouge sombrait dans le sommeil. Une désagréable crampe se répandit à l'intérieur de mon ventre et j'appuyais sur le bouton de la pompe à morphine placé sur l'accoudoir. Immédiatement une douce sensation de flottement m'arracha un sourire.

— Vous devriez y aller mollo sur la morphine, me conseilla le lieutenant-colonel Ramirez. Avec sa barbe et ses yeux sombres, il était de loin l'homme le plus séduisant que j'ai vu depuis longtemps.

— Allez vous faire mettre, lui susurrai-je en soulevant mon majeur décharné. Vous n'allez pas refuser à une héroïne de guerre ce petit plaisir ?

Difficile de croire que cet homme si serviable et si affable était la même personne qui, moins d'une heure plus tôt, s'adonnait à une torture en règle sur le malheureux prisonnier ficelé à son lit médical. Pourtant, Ramirez était la première personne, en dehors des méditechs, à s'être présenté à mon chevet après que l'on m'ait sorti de la stase. C'était également lui, qui s'était chargé de m'expliquer les dégâts considérables produits par six mois de survie dans les entrailles putrides des égouts d' UG85/2 sur mon organisme. Le scorbut et la leptospirose n'étaient que deux des dizaines de maladies que les docteurs m'avaient diagnostiquées. Et c'était sans compter, les différentes carences et ainsi que l'infection respiratoire causée par la malnutrition. La vérité, c'était que je n'étais qu'un cadavre dont le corps refusait obstinément de crever. Encore maintenant presque deux semaines après mon réveil les médecins refusaient encore de me déclarer totalement hors de danger.

— Loin de moi cette idée, me répondit Ramirez en me lançant son sourire le plus charmeur.

Cet homme était un professionnel de la manipulation. Mais je lui étais quand même reconnaissante de ses efforts. Après tout, rien ne l'avait obligé à rester à mes côtés lorsque j'appris la disparition de tous mes camarades. Tous les rapports étaient formels, de l'ensemble des colons et des membres du corps expéditionnaire présent durant l'invasion, j'étais la seule survivante.

Kay, j'espère vraiment que tu es mort.

J'évitais autant que possible de penser à mon ancien amant ainsi qu'à mes compagnons disparus. Pourtant, il m'arrivait encore de me réveiller en hurlant en pleine nuit persuadée qu'un mutant s'apprêtait à m'entraîner au cœur de l'un des vaisseaux monstrueux de la chasse. À chaque fois, c'était l'interrogateur terrien qui s'était précipité à mon chevet pour me réconforter et me rassurer.

— Vous pensez qu'il dit la vérité ? lui demandai-je, en désignant du menton le Rouge assoupi à l'écran.

— À nonante-neuf pour cent au moins, me répondit-il avant de poursuivre sur le ton de la conversation. Cet homme est un commissaire politique. Un enquêteur, comme moi, chargé de traquer les ennemis intérieurs du Parti.

— Vous voulez dire qu'il connaît la musique ?

— Il a sûrement écrit une partie de la partition.

— Alors, comment savoir où se trouve le mensonge ?

— Avec du temps et de l'observation.

— Vous pourriez le remettre sur son lit médical.

Ce type m'avait capturé sur le planétoïde, puis drogué et enfin mise en stase. Et sans l'intervention des hommes du NCC Eisenhower, c'est moi qui me serais probablement retrouvé bardé d'instruments de mesure, à répondre aux questions de ce fils de pute de l'Étoile Rouge. Alors, il y avait peu de chance que je montre le moindre signe de pitié envers ce gars-là. Je fus surpris de voir un éclat de désapprobation traverser le regard de mon interlocuteur.

Point ZéroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant