Les forces ennemies avaient pris d'assaut l'arcologie tôt dans la matinée. Le premier contingent s'était heurté aux forces de sécurité dès que nous avions détecté l'assaut. Une colonne de blindé labourait consciencieusement les parterres extérieurs alors que leurs obus soulevaient des gerbes de boue et de béton là où ils explosaient. À l'abri derrière d'imposants blocs blindés, des soldats portant le logo de TsungCo. répliquaient par des tirs d'arme antichar. Les traînées des roquettes laissant des panaches de fumée blanche zèbrant le champ de bataille. Au cœur de la méga-unité d'habitation, nos hommes luttaient pied à pied pour repousser les soldats adverses ayant réussi à investir le bâtiment.
Sortis des murs, des Gatlings et des canons à micro-ondes taillaient littéralement l'ennemi en pièce. Des dizaines de cadavres jonchaient déjà le sol aux endroits où les combats étaient les plus durs. Sur mon implant rétinien, mon infosys colorait en rouge les différents secteurs du bâtiment au fur et à mesure que les rapports de situation nous informaient de l'avancée ennemie.
La porte de mon bureau s'ouvrit brusquement pour libérer le passage à Hiro Sanada, mon chef de la sécurité. Avec son mètre soixante et sa peau sombre, l'homme dégageait une impression de force tranquille. Un vrai roc au cœur de l'océan chaotique qui se déchaînait autour de nous. Il s'arrêta en arrivant à quelques pas devant moi. Il refusa d'un geste mon invitation à s'asseoir.
— Les forces ennemies ont investi les niveaux un à quatre-vingt, m'informa Sanada sans prendre la peine de me saluer. Nous tenons encore le ciel, mais le dernier rapport parle d'une nouvelle vague d'appareil en approche.
— Où en sont les nôtres ?
— Le dernier décompte fait état de soixante pour cent de perte ainsi que de dix pour cent d'appareils trop endommagés pour pouvoir décoller à nouveau.
Nous ne tiendrons jamais contre un nouvel assaut.
— Comment ont réagit nos alliés à nos demandes d'assistance ?
— Aucune réponse, répondit l'officier de sécurité d'une voix morne.
Je serrai les poings de colère. MaoCo, Futuris Company, R.T.V... autant de consortium et de cartel que nous avions aidé et soutenu au cours de l'histoire de notre société et maintenant que nous avions besoin d'assistance à notre tour, les voilà qui nous tournaient le dos.
Pas d'honneur chez les voleurs.
La pensée, bien qu'amer, me tira un sourire las. Un jour ou l'autre des comptes devraient être soldés.
— Combien de temps nous reste-t-il ?
Le regard de Sanada se brouilla un instant alors qu'il consulta l'avancée ennemie sur son propre infosys. Finalement, ses yeux se posèrent à nouveau sur moi.
— Nos hommes ont réussi à les bloquer au quatre-vingt-troisième niveau. Si nous continuons à reculer de manière organisée, cela pourrait nous donner une marge de trois...peut-être quatre heures avant que l'ennemi n'investisse cet étage.
Devant mes yeux s'affichaient les images des différentes caméras de sécurité. Les hommes en uniforme ne portaient ni sigle ni logo qui nous auraient permis de les identifier. Pourtant, il ne faisait aucun doute pour moi que nous avions affaire aux exécuteurs de l'entité derrière l'OPA que nous subissions depuis presque un an. Les patrons de Tsukune.
Chaque information, chaque rapport, tous les voyants de notre défaite étaient allumés. Ce n'était plus qu'une question de temps désormais. Cette bataille n'était plus que les derniers soubresauts d'un corps agonisant. Jamais je n'aurais cru vivre suffisamment longtemps pour voir s'effondrer tout ce que j'avais mis tant n'énergie à bâtir. Tsukune, Akame, Tetsuya...ils étaient tous morts. Tous ceux qui avaient représenté mes espoirs pour l'avenir de la compagnie. Pas tous !
— Des nouvelles de Daishi ?
— Le rapport confirme le départ du Yōkai peu après le début de l'assaut de la Ligue contre la station.
Jamais le vaisseau n'aurait pu décoller sans les codes de commandement de mon petit-fils. Cela garantissait au moins sa présence à bord. Un intense sentiment de soulagement m'envahit. Peut-être tout n'était-il pas perdu. Si j'avais espéré ne jamais vivre ce jour, je m'y étais néanmoins préparé. Le consortium disposait encore d'importantes ressources qui n'apparaissaient pas sur le plan comptable de la société. De « ressources » qui correctement utilisées pourraient permettre à un Tsung suffisamment intelligent et déterminer de frapper l'ennemi en plein cœur. À condition de trouver ce cœur.
— Sait-on où se trouve le vaisseau ?
Le chef de la sécurité secoua négativement la tête.
— Le vaisseau a effectué un saut à proximité de la station, nous ignorons s'il a survécu à la manœuvre.
Bien sûr qu'il a survécu ! Il le faut.
— Laissez-moi ! ordonnai-je d'une voix sèche.
Il me restait si peu de temps et encore tant à faire. Dès que Sanada eut quitté la pièce, j'activai le système d'enregistrement d'urgence. Le message, dissimulé sous une inextricable couche de cryptage, serait ensuite transmis à l'ensemble de nos systèmes de communications. De la moindre station d'écoute aux plus isolés de nos satellites, tous contiendraient dans leur mémoire tampon une copie de la communication avec ordre de la transmettre au Yōkai dès que celui-ci passerait à portée de réception de l'un d'eux. Il ne s'agissait que d'une bouteille jetée dans une mer de la taille d'une galaxie, mais c'était là la meilleure chance du consortium.
— Daishi , quand tu verras ce message, je serais mort...débutai-je d'une voix dure.
J'espère que ce court passage sur Old City t'aura endurcit petit. Tu es tout ce qui nous reste. Trouve nos ennemis, traque-les partout où ils se terrent et montre-leur que l'on ne s'en prend pas au Tsung sans en payer le prix.
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Point Zéro
Science FictionL'Homme maîtrise aujourd'hui le voyage spatial et s'est élancé à la conquête des étoiles. Pourtant de nombreux dangers se dissimulent au cœur du vide spatial. Et parmi ceux-ci le plus redoutable est peut-être l'humanité elle-même. Zéro, spatial pou...