16 - Le Carnet

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- 26 juillet 2020 - 


Le mercredi, ni Sali ni Jordan ne fit allusion à ce qui avait bien pu se passer la veille. Vu qu'ils n'avaient qu'une demi-journée de cours, Jordan aurait pu exiger que Sali vienne passer l'après-midi chez lui, mais il n'en fit rien ; au contraire, quand la jeune fille lui demanda ce qu'il en était, il lui assura que Watt se chargerait de l'aider. 

Aussi Sali rentra-t-elle chez elle, un peu déçue d'être ainsi délaissée. Rendue à l'appartement, elle essuya le savon promis par son père, sous le regard satisfait de sa mère. Sa seule consolation, et elle ne fut pas des moindres, fut de constater que Mærochem avait reparu. Lové sous son oreiller, il gargouilla lorsqu'elle souleva le coussin et le découvrit avec surprise. 

Elle tenta pendant une bonne partie de l'après-midi de lui enseigner des tours, comme à un chien, ou de découvrir si le démon était doté de pouvoirs cool, mais elle dut bientôt se rendre à l'évidence : le bébé démon ne comprenait rien de ce qu'elle voulait ... par contre ... est-ce qu'il n'avait pas un peu grossi ? Ou bien son petit bedon avait-il toujours été là ?  

Lorsque vint le soir et que Sali entendit sa mère secouer la gamelle du chat en vain, elle sut avec une certitude implacable qu'il était arrivé malheur au félin. Elle regarda en direction de l'armoire, où s'était de nouveau tapi Mærochem, saisie d'une horrible suspicion. Si la créature ne réclamait toujours pas de nourriture ... peut-être était-ce parce qu'elle l'avait trouvée par elle-même. 



Le jeudi, Sali se rendit en cours comme d'habitude. En son for intérieur, elle était cependant très inquiète d'abandonner le démon dans l'appartement alors que sa mère était en congé. Et si la créature attaquait sa mère ? Ou vice versa ? Elle avait laissé des croquettes ainsi qu'un morceau de viande crue dans l'armoire, ne restait plus qu'à espérer Mærochem s'en contente et n'essaie pas de bouloter le dragon maternel. Ça, ça ferait vraiment désordre. 

A la pause de dix heures, Sali fut contrainte de laisser de côté ses soucis pour ce concentrer sur le présent. 

Adama lui avait tendu une embuscade alors qu'elle traversait un couloir désert et l'avait entraînée dans les sanitaires féminins. Là, dans ce décor de carrelage blanc et de joints encrassés, baigné dans une subtile odeur d'urine, ils avaient conclu un marché.

Adama lui dirait tout ce qu'elle voudrait savoir sur les démons, si Sali subtilisait, provisoirement, le sac de Jordan Parc. 

 Juste pour jeter un oeil. Rien de criminel ...


Douze heures sonnantes, Sali partit donc en quête de Jordan Parc, autant pour l'aider à traverser l'épreuve du self que pour lui piquer ses affaires. Le coeur battant, elle découvrit Parc en compagnie de ses amis. Ils étaient au nombre de trois : la fille blonde, Pauline, qui ne parlait pas ; Benjamin, le type fatigué, qui dormait debout ; et Watt, qu'elle connaissait déjà et qui parlait pour dix. 

L'idée de subtiliser le sac de Jojo lui aurait fait horreur, si ce dernier ne s'était pas montré exécrable en exigeant qu'elle lui coupe son poisson pané.

« Dis donc Sadako, tu es douée avec les couteaux », railla-t-il alors qu'elle s'appliquait à réduire en charpie panure et poisson. 

« Pas autant que toi avec les maths », persifla-t-elle.

« Si tu expliquais mieux, peut-être que je brillerais un peu plus », grinça-t-il.

Il voulait jouer à ça ? Pas de problème.

Sang perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant