Sang perdu

18 Le goût n'est pas si terrible

- 26 juillet 2020 -

Le vendredi, Parc l'ignora toute la journée et Sali, après une timide tentative de réconciliation, préféra rester loin de lui. 

En rentrant chez elle ce soir là, elle eut de nouveau tout loisir de cogiter, mais comme la veille ses réflexions ne la menèrent à rien. Peut-être qu'Adama avait envie de bouloter du vampire, mais dans ce cas il s'y prenait mal. Et Jordan Parc, était-il vraiment une créature surnaturelle ? Elle peinait à y croire. Pourtant le carnet et l'attitude d'Adama étaient suspicieux. Et quel était son rôle à elle ? Si Adama disait vrai, Jordan savait-il qu'elle n'était pas tout à fait humaine ? 

Qu'il le sache ou non, restait à savoir pourquoi il s'intéressait à elle. Est-ce qu'il voulait lui taxer de l'hémoglobine ou était-ce vraiment à cause de son bras qu'il avait insisté pour qu'elle le colle autant ?  Le problème était qu'en plus d'une occasion, il aurait pu se nourrir d'elle, or, il n'avait jamais tenté le coup. 

L'esprit en ébullition Sali entra dans l'appartement, mais alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans sa chambre, elle se figea sur la pas de porte. Elle avait comme une drôle d'impression tout à coup. Ses yeux glissèrent lentement sur les meubles, le lit, ke bureau, le sol et soudain elle sut ce qui n'allait pas. Elle approcha de la bibliothèque non sans garder un oeil sur le reste de la pièce. Elle laissa courir son doigt sur les tranches ordonnées, passant en revue, un à un, chacun des livres qu'elle possédait. Du regard, elle fouilla ses quartiers une nouvelle fois, mais le constat était sans appel.

Son Livre d'invocation démoniaque avait disparu. La dernière personne à avoir posé ses sales pattes sur ce livre, c'était Jordan Parc.

Avec ce qu'elle avait récemment découvert sur lui, il n'était pas tout à fait impossible qu'il ait subtilisé ce volume lors de sa première visite. Mais comment avait-il fait pour ne pas être remarqué. Elle ne l'avait quasiment pas lâché d'une semelle. 

Ce soir là, durant le repas, Sali observa bien sa mère. Peut-être que la vieille sorcière avait décidé de faire du ménage. Ça n'aurait pas été la première fois. Mais la mère était tout à fait normale. Elle regarda à peine Sali et lui parla encore moins. Elle grinçait des dents parce que le père était déjà reparti et qu'ils ne profiteraient pas ensemble du weekend. 

« Il faut que quelqu'un descende les poubelles. » Catherine avait jeté ça sans s'adresser à personne en particulier, puis elle avait disparu dans la chambre conjugale.

Sali grogna. Il n'y avait qu'elle ici, l'ordre était donc clair. Sans grande conviction, elle prit les deux sacs qui traînaient dans l'entrée et sortit de l'appart. Autant s'en débarrasser tout de suite. Descendue au premier sous-sol, elle regretta de ne pas avoir passé une laine. Il fallait traverser le parking souterrain pour rejoindre le local à poubelle et, à l'approche de l'hiver, il caillait franchement ici.

Elle poussa le lourd battant ouvrant sur la pièce pestilente. À tâtons, elle chercha l'interrupteur tout en tachant de ne pas respirer par le nez,  ou mieux, de ne pas respirer du tout.

Où était ce fichu interrupteur ? On en était à l'air des détecteurs de mouvements maintenant ! Merde à la fin.

Elle pestait mentalement quand quelque chose la frappa dans le dos, la projetant plus loin qu'elle ne l'aurait voulu dans l'infect cagibi. Elle lâcha un sac et se rattrapa de justesse à l'un des conteneurs tandis que derrière, la porte se refermait dans son vacarme habituel.

« Et la lumière fut. »

L'interrupteur claqua alors que Sali faisait volte-face. Sous la lueur faiblarde et glauque du local à poubelle, une silhouette encapuchonnée lui barrait la sortie.