Sang perdu

37 - Elle avait réussi

(26 septembre 2020) Je pense qu'on est à un cheveux de la fin ; qu'est-ce que vous en pensez ?  x)

Jordan reprit ses esprits alors qu'une déflagration sans précédent faisait vibrer les Enfers. Des jappements suraigus suivirent et le vampire passa la tête par l'entrebâillement de la porte pour voir ce qu'il se passait. 

Là dehors, il aperçut les Cerbères prendre la fuite, le poil en feu. Non loin, gisaient Sali et Azrach. Jordan se releva péniblement et clopina vers Sali. 

Elle avait réussi, elle les avait tiré de ce mauvais pas une nouvelle fois. 

Mais plus il approchait du corps de la jeune fille, plus sa joie prenait un goût de cendre dans sa bouche. 

Elle ne bougeait pas. 

Il avança encore. 

Son cou était en sang. 

Il courut sur les derniers mètres et s'effondra à côté de la demi-humaine. 

Elle ne respirait plus. 

« Sali ?! »  

Une fumée noire commença à sortir de la bouche de Sali ... et si Mærochem quittait son corps, ça ne pouvait signifier qu'une chose. 

Jordan n'était pas préparé à cette éventualité. Tout était arrivé trop vite, beaucoup trop vite. Le coeur coincé dans la gorge, il ne pouvait s'y résoudre. 

« Non ! Sale démon ! » s'écria Jordan en secouant le corps de Sali. « Elle n'est pas morte ! Reste là ! Elle n'est pas morte ... » Sa voix se brisa sur ces derniers mots. 

Mærochem se dirigeait déjà vers le corps à demi-brûlé d'Azrach sous forme de brume noirâtre, mais Jordan ne s'avoua pas vaincu pour autant. Il commença la réanimation cardiaque de Sali ; un exercice qui faisait partie des cours d'immersion et rabattage qu'ils recevaient - histoire de ne pas perdre inutilement une proie durement capturée. 

« Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept ... » 

En rythme et les bras tendus, il appuya encore et encore. Les larmes coulaient de ses beaux yeux ambrés. Son visage était tordu par la peur et la souffrance. Le poids de la solitude qu'il avait si longtemps traînée le rattrapait. 

« Ne meurs pas, ne meurs pas. Ne meurs pas putain ! » 

Et Sali prit soudain une inspiration. Jordan arrêta le massage. Elle expira et inspira de nouveau. Sa poitrine se mit à se soulever avec un bruit sifflant et Jordan se laissa tomber à côté d'elle. Sali se mit à tousser et se retourna pour mieux respirer. 

« J'ai eu si peur », sanglota le jeune vampire en la prenant dans ses bras. 

« Je suis une dure à cuir », croassa Sali, le souffle court. 

Ils échangèrent un demi sourire. 

« Bon, les tourtereaux », les apostropha soudain une voix rocailleuse. 

Ils se retournèrent et découvrirent avec stupeur qu'Azrach Menrihl, le visage à moitié brûlé les dévisageait à quelques pas de là. 

Jordan se releva et se plaça en position défensive devant Sali. 

« Houla ! » s'exclama le vampire aux cheveux de neige. « Tout doux, c'est moi, Maærochem. »

« Dans un corps de vampire ? » balbutia Sali. 

« Je peux prendre possession de tout ce qui vit, à condition que mon enveloppe précédente meure. » Et sans autre explication, il poursuivit en regardant alentour : « On ferait mieux d'y aller, avant que les toutous de Satan ne reviennent. »

« Dis, comment Azrach nous a-t-il trouvés ? » demanda Jordan. 

Le démon se concentra un instant puis il répondit : « Il vous a suivis. Il semblerait qu'il ait un don d'Influx si développé qu'il crée des illusions avec lesquelles il peut tromper même un démon. C'est comme ça qu'il a survécu. »  

« Il est toujours vivant, avec toi je veux dire ? » demanda Sali. 

Le démon plissa les yeux. « Oui. »

« Comment savoir qui contrôle qui ? » enchaîna Jordan. 

« Vous entendez bien que c'est ma voix », répliqua Mærochem. 

Les deux autres ne dirent rien, mais il était clair qu'ils restaient suspicieux ; faute de pouvoir se débarrasser de Mærochem et dépendant de ses connaissances pour quitter les Enfers, ils décidèrent néanmoins de lui accorder le bénéfice du doute. Pour l'instant. Et d'un commun accord, ils reprirent la direction de la Porte. 

Lentement, parce que revenir à la vie n'était pas une chose facile et que Sali s'essoufflait rapidement. 

*

Le mot concernant le contrat signé avec Satan avait dû voyager vite car certains des démons qui se dirigeaient vers la 247eme Porte changeaient désormais d'itinéraire pour se dispersaient vers les autres Portes, dans l'attente que celles-ci soient ouvertes à leur tour. D'autres en revanche avaient abandonné l'idée de se rendre dans le monde humain où ils n'auraient eu absolument aucune chance de passer inaperçu, ce qui serait contraire aux ordres du Seigneur des Enfers. 

Bien que le trio se montrât discret, Mærochem fut de nouveau utile à Sali et Jordan ; il impressionna les démons mineurs qui passaient la Porte, évitant que ceux-ci n'aient la mauvaise idée de leur chercher des noise. 

Une fois parvenus dans l'Enclave, ils récupérèrent Adama. En les attendant, le démon goule avait fini par ramper sur quelques mètres et se repaissait du cadavre en putréfaction d'un vampire. Il sembla singulièrement heureux de revoir Sali et ne fut guère surpris de voir un confrère démon posséder un Vampire. 

Sali n'étant pas en état d'épauler Adama, ce furent Mærochem -dans le corps d'Azrach-  et Jordan qui se chargèrent de le porter hors des lieux. 

A l'entrée de l'Enclave les démons s'étaient dispersés, se hâtant vers les autres Portes pour attaquer les Vampires qui y résidaient. Si bien que la petite troupe put sortir sans encombre et rejoindre, péniblement, l'appartement de Sali. 

Comme la fois première fois où Sali et Jordan étaient revenus de l'Enclave, sur le chemin du retour ils furent dévisagés bizarrement ; surtout en raison du visage fraîchement brûlé d'Azrach et de l'état semi-paralysé d'Adama qui les obligea à le soutenir tout du long. 

Rendus chez Sali, ils découvrirent que la mère de celle-ci n'avait pas bougé d'un iota. Au vu de son visage émacié et de ses lèvres craquelées, elle n'avait pas dû non plus manger depuis qu'ils étaient partis. 

Affamée, Sali prit néanmoins le temps de nourrir et d'abreuver sa mère avant de se sustenter elle-même. Une fois qu'elle eut dévoré sa maigre portion, elle laissa Jordan se charger des deux démons et partit s'étendre sur son lit. 

Sa poitrine lui faisait mal, à cause du massage cardiaque, et chaque respiration était douloureuse. 

Peut-être que cet imbécile de Parc lui avec fêlé une côte ou deux ... 

Cet imbécile de Parc ...

Aux yeux si envoûtants.