Chapitre 34 : The Force Awakens

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        Vide.

Mon esprit était totalement vide. Empli de cette impression de néant, son silence était écrasant. Plus de pensées, plus de sensations, plus d'émotions, seulement ce blanc aveuglant. Ce blanc que rien ne venait entacher, pas même la souffrance. Les engrenages subitement immobilisés, l'automate se détraquait. Mes yeux ouverts ne voyaient plus rien. Mon cœur battait sans s'écouter. Ma poitrine se soulevait indifférente au chagrin qui la tordait.

Avec la même arrogance, le monde continuait de tourner, le temps de s'écouler, mon sang de circuler. Les secondes, les minutes, les heures glissaient entre mes mains tremblantes avec paresse, poursuivant leur chemin, sans s'accrocher au mien, désormais brisé. Les astres perçaient l'obscurité, l'illuminant sans fin, me narguant de leur éternité. Les étoiles demeuraient, enlisées dans leur univers, froid et cruel, insensible à ma douleur.

Il restait inébranlable... et moi, je me perdais.

Mon âme recroquevillée pleurait des larmes qui ne parvenaient même plus à atteindre mes yeux asséchés. Elle sanglotait et s'étouffait, hors d'atteinte, hors de ma portée, barricadée derrière une vitre glacée. Accablée, bouleversée, esseulée, elle était déchirée par les reproches, ceux de la culpabilité et ceux causés par l'abandon. Une part mesquine tentait de survivre au déferlement qui avait tout balayé sur son passage en alimentant ce sentiment de trahison. En vain. Elle dessinait à peine un écran de fumée par dessus un feu éteint. Elle reflétait seulement un fragment de ma psyché éclatée, les autres morceaux s'étant égarés dans l'oubli. Un oubli bienvenu, bienheureux, sans douleur, sans rage, sans espoir. Juste un nuage de coton, un abandon qui me réclamait de fermer les yeux, de cesser de lutter.

Grelottante, les bras refermés autours de moi pour me protéger d'un froid qui me dévorait de l'intérieur, j'abdiquais. Mes paupières s'abaissèrent telle un rideau de nuit sans lune. Une obscurité opaque qui me fit frissonner. Je la redoutais tout en la recherchant. Elle avait une certaine ressemblance avec le calme sidérant qui engourdissait mon cerveau.

Jusqu'à ce que les visions la crève.

Lointaines et fugaces. Puis, vives et omniprésentes.

Un ouragan de lueurs et de bruits. Du rouge et du bleu, du blanc et du noir, le tout s'abimait sur ma rétine, la vrillait jusqu'au nerf et la transperçait d'un pique glacé. Le foudroiement des sabres, le grondement de leur rencontre et le tonnerre implacable des lames tranchantes. Les souffles hachés, les pas saccadés et les poux affolés. La terreur et la colère. Le désir de posséder et de détruire. La haine réciproque. Le feu et la glace. Le chatoiement de la neige et le hurlement de douleur. La morsure du brasier et la perte de conscience.

La vitre de givre derrière laquelle je m'étais réfugiée éclata, les débris me transpercèrent jusqu'à l'âme. Entaillant ma peau, ils s'y incrustèrent, rappelant à ma mémoire engourdie le goût de la souffrance. J'haletais et rouvris les yeux. Perdue entre deux eaux, je me noyais dans un raz-de-marée de sensations, d'émotions et d'images qui submergeait ma conscience malmenée. Je sursautais violemment quand une main épaisse se posa sur mon épaule. Il me fallut de longues secondes avant que mes yeux ne découvrent le visage de Chewbacca. Déboussolée,  je me tournais sur l'intérieur d'un vaisseau. Le Faucon Millénium. Mon cerveau avait beau le savoir, il était incompréhensiblement tiré vers un ailleurs de neige et de cendre.

La déflagration résonna dans mes membres bien avant de secouer le vaisseau. Je me pliais vers l'avant. Le regard fou, le cœur au bord des lèvres, je manquais d'oxygène et chaque inspiration me brûlait la gorge. Un haut le cœur me prit violemment alors que le sol tremblait, la planète ébranlée jusqu'à son noyau. J'aurais dû me réjouir. La Résistance avait réussi. Pourtant...

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