Lycanthropie

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Forêt domaniale de Dreux, 03h20, 1950 :

Thibault avançait prudemment au coeur de la pénombre, tenant dans la main droite un épais bâton de bois et dans la gauche une lanterne à pétrole. La faible lumière s'étendait sur seulement trois mètres autour du garçon. La nuit était sombre, en effet la lune était cachée par des nuages gorgés de pluie. De drôles de bruits dans la forêt, peut être un animal fuyant en sentant la présence humaine. Thibault s'était écarté du chemin principal depuis un bon moment, il avait vu quelque chose et il fallait qu'il la suive. Les gens du village ne parlaient que de ça : une étrange créature avait été aperçu dans la forêt. Elle avait tenté de dévorer le père Goudinot, sois-disant. Mais depuis la guerre, cet homme n'était plus le même. Sa famille tuée, il s'était réfugié dans l'alcool pour oublier. Alors lorsqu'il avait raconté sa rencontre avec cette drôle de bête, personne ne l'avait cru. Mais quelques jours après, c'est le maire en personne qui observa cette créature en promenant son chien sur ses terres. Les villageois ne s'étaient plus moqués de Goudinot et l'histoire prenait de l'ampleur. Un peu plus tard, des vaches et des moutons avaient disparu, laissant seulement quelques trainées de sang. Thibault avait donc décidé de partir à la recherche de cette bête. Selon les témoins, elle ressemblait à un gros chien aux poils hérissés et à la couleur sombre. L'animal possédait de longues oreilles et un museau très allongé. Âgé de douze ans, Thibault n'avait pas peur. Si il capturait cette étrange créature, il deviendrait connu à travers toute la région. Peut être que les autorités lui donneraient une récompense, quelques pièces pour ses parents et ses deux soeurs. Pour vivre décemment durant quelques mois. En attendant, il poursuivait sa marche nocturne à travers les broussailles. Dans sa besace, le jeune garçon avait soigneusement rangé une corde, des bougies, un long couteau de chasse et un gros morceau de viande chipé dans la cuisine. Son bâton lui permettait de se frayer un chemin en fracassant les branches et les ronces, mais c'était également une arme potentielle contre la "Bête". Thibault entendit un grognement lointain, plus puissant que celui d'un chien, même un gros. Il ne pouvait pas s'agir de loups, ils avaient disparu depuis de nombreuses années. Peut être un tigre ou un lion échappé d'un cirque de passage. Le garçon avait très peur, il s'était mis en tête qu'il pourrait affronter n'importe quel monstre. Mais au coeur de la forêt, le courage avait fui. Et si cette créature était pire que tout ce qu'il avait imaginé. En pleine nuit, dans cette immensité d'arbres, il ne serait jamais retrouvé. Le coeur de Thibault battait de plus en plus vite. Les grognements résonnèrent de nouveau. La bête était proche. Le garçon fit demi-tour, mais dans la pénombre, impossible de reconnaître son chemin. Thibault avançait rapidement, se piquant les jambes dans les ronces et les orties. Un mouvement derrière lui, le garçon se tourna et braqua sa lampe. Il n'y avait que des arbres , des broussailles et les ténèbres. Pourtant, Thibault entendait un son inhabituel, mais sa respiration bruyante due à la peur couvrait le bruit. Un souffle, il en était sûre, il s'agissait d'un souffle puissant, bestial. La créature sortit de sa cachette en une fraction de seconde, bondissant les pattes en avant. Elle attérit à environ un mètre de Thibault et resta immobile. Ses gros yeux rouges fixaient avec rage le jeune garçon. Ce dernier était tétanisé, ses membres refusés de bouger. La bête mesurait environ deux mètres, elle se tenait debout sur deux pattes cambrées aux muscles saillants. Ses épaules larges donnaient naissance à des bras épais et musclés. Au bout des mains, il y avait des griffes noires et acérées. Un poil sombre et abimé couvrait la totalité du corps. Les longues oreilles étaient dressées telle des lames aiguisées. Une gueule immense s'ouvrait sur des dents pointues et jaunies. Thibault lança en direction du monstre sa lampe à pétrole qui se brisa au sol. Une haute flamme aparue, brûlant les pattes de la créature. La bête hurla avant de reculer. Le jeune garçon pris la fuite, laissant tomber son bâton. Cela faisait maintenant plusieurs minutes que Thibault courrait à en perdre haleine. Il trébucha sur une racine et chuta lourdement dans les herbes. Quelque chose le souleva violemment du sol, il se débatit de toutes ses forces et tomba à nouveau. La créature se trouvait au-dessus de lui, de la bave coulait depuis ses babines. Thibault se redressa, la bête se lança en avant, attrapant avec sa gueule la besace. Le jeune garçon s'en débarrassa rapidement. Le sac fut déchiqueté, éparpillant le contenu par terre. La créature se jeta sur le gros morceau de viande et l'engloutit. Thibault avait repris sa course à travers la forêt, laissant le monstre loin derrière lui. Il arriva enfin sur l'allée principale menant au village. Le garçon aperçut deux petites lumières devant lui, il courut dans leur direction. Deux hommes armés de fusils parcourraient le chemin. Thibault reconnu son père et son oncle. -Papa! cria-t-il. -Thibault! N'es tu pas fou de venir seul à une heure pareille dans cette forêt? Le garçon se jeta dans les bras puissants et réconfortants de son père. -On t'a cherché partout. Pourquoi es tu allé dans ces bois? -Je voulais attraper la bête. -Mais ce ne sont que des balivernes! il n'a rien dans cette forêt! -Je l'ai vu! Elle a voulu me croquer. Le père observa attentivement son fils, il paraissait vraiment effrayé. -Là-bas! cria l'oncle. Une imposante silhouette apparue dans l'allée, accompagnée de grognements. -Qu'est ce que c'est? demanda le père. La créature fonça sur ses proies en hurlant puisement. Le père et l'oncle firent feu vers leur assaillant qui s'effondra. Thibault observait avec frayeur cette terrifiante scène. La bête bondit sur ses pâtes et disparue dans la forêt. Le lendemain, une battue fut organisée. De nombreux hommes y participèrent, avec leurs chiens et leurs fusils. Mais ils ne trouvèrent aucune créature enragée, juste le corps d'un inconnu, entièrement nu, avec deux trous saignants dans la poitrine...

LA PEUR DANS LE SANGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant