Le soldat fantôme.

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La nuit sans lune. Profonde et impénétrable. Ténébreuse et inquiétante. Au coeur de la forêt, les cris aigus des animaux résonnent. Le feuillage bouge par endroit. Quelque chose se déplace avant de disparaître. Paul avance prudemment en braquant le faisceau de sa lampe droit devant. Il se trouve sur une large allée en terre, chemin principal de la forêt. Les lumières, des quelques habitations situées en bordure de bois, ont maintenant disparu. Le jeune homme s'enfonce au milieu de cette noirceur où le froid d'octobre règne. Une branche casse, suivit de bruits de pas. Paul dirige la lampe dans tous les coins. Son coeur s'emballe, il s'arrête de respirer.

-Sébastien? C'est toi?

Personne ne répond. Le jeune homme n'ose plus bouger. Tout à coup, une forme sombre surgit de nulle part et fonce vers lui. Paul hurle bruyamment avant de s'apercevoir qu'il s'agit de son ami Sébastien. Ce dernier rigole aux larmes en se maintenant la poitrine.

-Espèce de p'tite flipette!

-T'es vraiment un gros con! J'ai failli me pisser dessus.

Le plaisantin sort de sa poche une petite lampe torche et l'allume.

-On y va? A moins que tu es la frousse?

-C'est bon, mais je suis sûre qu'elles seront pas là!

Les deux compères progressent au coeur de la forêt. Après quelques minutes de marche, ils débouchent devant un carrefour. Quatre chemins, plus petits que l'allée principale, apparaissent.

-Lequel on prend? demande Paul.

-Celui de gauche.

Les deux amis empruntent le sentier et continuent leur randonnée nocturne. Le chemin semble rétrécir, les broussailles autour paraissent plus menaçantes. Sébastien stoppe sa marche et lève sa lampe pour éclairer le plus loin possible.

-On est arrivé, dit-il.

Le faisceau s'arrête sur une grande maison forestière, tristement délabrée : une grande partie de la toiture est répandue sur le sol. Les fenêtres sont toutes cassées et la plupart des volets en bois pendent le long des murs couverts de branchages. La porte d'entrée, située au milieu de la battisse, est ouverte. Paul et Sébastien s'avancent, brandissant leurs lampes comme des armes. Cette construction, vieille de plus de deux cents ans, a connu de nombreuses périodes troubles. Elle fut bâtie par un riche agriculteur de la Beauce, puis cédée à l'état à sa mort. Ce dernier la transforma en maison forestière jusqu'aux années soixante dix où elle fut abandonnée. Aujourd'hui, la battisse sert de repère aux chasseurs et aux jeunes en mal d'aventure.

-Plutôt cool comme endroit! fait Sébastien.

-Tu rigoles! c'est sinistre et tout pourri!

Paul pointe le faisceau vers un petit bâtiment situé à proximité de la demeure.

-Qu'est ce qu'il y a dedans?

-Un tas de bazar et un puits, répond Sébastien.

Des rires lointains, provenant de la maison, rompent le silence nocturne.

-Tu vois, elles sont là, dit Sébastien.

Les deux amis pénètrent dans la battisse. Une forte odeur d'humidité leur saute au nez. Un long couloir s'enfonce jusqu'au fond de la construction. Une faible lueur s'échappe d'une des pièces. Les jeunes hommes parcourent rapidement ce sombre couloir. Paul éclaire les pièces en passant, des canettes de bière et divers détritus jonchent le sol. Ils arrivent au bout de la maison et entrent dans ce qui semble être une chambre. Des bougies ont été installé un peu partout, apportant une lumière irréelle. Trois jeunes femmes sont assises autour d'un touret en bois. Elles observent les deux garçons en souriant.

-Vous en avez mis du temps! fait l'une des filles.

-Pas évident de se repérer la nuit, dit Sébastien.

Les deux jeunes hommes s'installent à côté des filles. le kit du parfait spiritisme est étalé sur le touret.

-Prêts? demande la plus âgée des trois.

Des hochements de tête positifs apparaissent. Soudain, un souffle glacial envahi la pièce, plusieurs bougies s'éteignent. L'odeur d'humidité est chassée par celle de la pourriture. Quelque chose tombe dans l'une des pièces voisines. Un volet claque violemment à plusieurs reprises. Puis, des hurlements lointains apparaissent. Le groupe de jeunes est paniqué.

-Putain c'est quoi tout ça? demande Sébastien.

-Je vais voir, fait Paul pour impressionner les filles.

Le jeune homme se lève est va rapidement dans le couloir. Ses amis l'observe sans rien dire. Paul éclaire l'ensemble des pièces en parcourant la demeure. Arrivé dans le hall d'entrée, il se tourne et illumine le couloir. Rien de suspect ou d'anormal. Le jeune homme sort de la battisse et scrute les alentours. Il entend comme des gémissements. Paul tend l'oreille pour découvrir l'origine des sons. Il regarde avec angoisse le bâtiment où se trouve le puits. Quelqu'un semble être caché dedans. Il dirige le faisceau vers le sol et ramasse une grosse branche. Il s'approche doucement du cabanon.

-Montrez-vous! Je suis armé les mecs!

Le jeune homme entre dans le bâtiment à vive allure. Les ronces ont envahi le sol. Des vieilles tuiles de pays sont entassées dans un coin. De grosses toiles d'araignées couvrent les quatre coins du cabanon. Des morceaux de fer et de bois en tout genre couvrent ce qui semblait être un carrelage. Au milieu de la pièce, un trou circulaire se dessine. Les gémissements recommencent. Paul se précipite au dessus du puits. Il plonge sa main dans le trou, la lumière descend profondément dans les ténèbres. Une épaisse branche de bois est en travers de l'édifice. On distingue légèrement le fond : l'eau a fait place à une multitude de déchets. Mais il n'y a personne. Paul se redresse et avance en direction de la sortie. Un cri guttural résonne dans le cabanon, suivit d'un long gémissement. Le jeune homme se tourne et s'apprête à éclairer de nouveau le puits. Une main puissante s'abat sur son épaule. Il s'écarte rapidement et découvre avec terreur son assaillant : un homme de corpulence moyenne , vêtu d'un uniforme militaire, le regarde avec insistance. Le soldat a la moitié du visage en charpie. Une large plaie sanglante laisse apparaître ses tripes. Paul panique, il recule et tombe dans le puits. Il réussi par miracle à s'accrocher à la grosse branche, située trois mètres plus bas. Dans la maison, le petit groupe d'amis n'a pas bougé. Ils attendent le retour de leur copain. Des pas dans le couloir. Quelqu'un approche.

-Paul? demande Sébastien. Pas de réponse. Le jeune homme regarde les filles.

-Je suis sûre que c'est Paul.

Il veut se venger de la blague que je lui est faite en venant. Sébastien se lève et marche vers le couloir. Le monstrueux soldat apparaît dans l'encadrement de la porte. Le jeune homme reste figé sur place. Les trois jeunes femmes hurlent avant de se lever et de courir vers la fenêtre. Elles poussent les battants en bois et sautent rapidement à l'extérieur. Sébastien les rejoint, son visage est devenu pâle comme la neige. Le groupe de jeunes poursuit sa course en direction des bois, laissant derrière eux cette terrible demeure. Ce n'est que le lendemain matin que le jeune Paul fut retrouvé. Il était toujours accroché à la branche. Son ami Sébastien avait prévenu les secours après avoir appris qu'il n'était pas rentré chez lui la veille. Paul fut conduit à l'hôpital, traumatisé par cette effroyable vision. Personne, bien entendu, ne crut le groupe de jeunes. Cette battisse conserve son mystère...

LA PEUR DANS LE SANGOù les histoires vivent. Découvrez maintenant