Chapitre 7

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Après avoir pris ma douche, je retourne sur mon lit. Linds me regarde tristement, puis me remet ma menotte.

« - Je suis désolée Jane, j'aimerais que ça se passe autrement.

- Ce n'est pas ta faute. »

Après avoir terminé sa tâche, elle me fait un signe de la main pour me saluer, puis quitte la pièce. Je me retrouve donc seule, dans cette chambre vide et silencieuse. Mon regard se tourne vers l'extérieur. Un oiseau s'est posé sur la balustrade en inox. D'après mes connaissances, il s'agit d'un chardonneret jaune. Sa face est rouge écarlate et entourée de gris et de noir. Quant à ses ailes, elles sont noires, jaunes et blanches. On dirait qu'il me fixe. Qu'est-ce que j'aimerais être aussi libre que lui. Pouvoir voler dans le ciel, comme le monde doit sembler petit de là-haut. Aller où je veux sans que personne ne me donne d'ordres ou me dise quoi faire. On a peut-être une vie courte, mais au-moins on la vit pleinement. Il vaut mieux ne pas exister longtemps et profiter à fond de l'instant présent, plutôt que de vivre vieux et de s'ennuyer. J'ai besoin de vivre dans l'action, je déteste ne rien faire. Pour moi, ce n'est rien d'autre qu'une perte de temps. C'est pour ça qu'au lycée je faisais beaucoup d'activités. Lorsque je n'avais pas entraînement, j'allais courir, ou alors je m'exerçais dans mon jardin à refaire les enchaînements. Ma mère me disait souvent que ce n'était pas bon de trop en faire. Pour mes activités elle me disait de modérer mes efforts, mais concernant les études si j'avais eu l'idée de travailler tout le temps, elle ne m'aurait rien reprochée. Au début, ma mère ne voulait pas que j'aie une activité extrascolaire. Elle pensait que c'était une source de distraction, et que je n'allais pas me concentrer sur mes études. Et pourtant, elle avait tord. Intégrer l'équipe des pom pom girls m'a permis d'avoir confiance en moi. Ça m'a aidé à comprendre qui j'étais et de découvrir de quoi j'étais capable. Avec beaucoup d'entraînement, je suis devenue la capitaine. Je me souviens que lors des sélections, j'avais une rivale coriace. Elle s'appelait Mélissa. Déjà elle était sortie avec Scott au collège, et à ce moment-là on était seulement amis, mais on commençait à se rapprocher. Je me souviens qu'il était dans les gradins et qu'il m'encourageait. Mélissa m'en voulait déjà d'être amie avec son ex, parce qu'elle savait qu'on allait finir par se mettre ensemble. Elle ne s'est jamais remise de leur rupture. Il faut dire qu'elle n'a connu ni sa violence excessive ni sa jalousie maladive. Je me souviens de la façon dont elle me regardait. Un regard noir, rempli de haine et de jalousie. Au début, je voulais essayer de sympathiser avec elle, pour qu'on puisse devenir amies, après tout, on était dans la même équipe. Mais on se disputait la même place, alors une amitié est devenue impossible entre nous. Nous sommes alors devenues des rivales. Chacune avait sa technique pour essayer d'impressionner le coach. Mélissa utilisait plus l'originalité, alors que moi j'optais plutôt pour la simplicité, mais parfaitement métrisée. C'est ce qui m'a permis de la battre. On dit souvent qu'il faut jouer sur l'originalité, c'est ce qui plait le plus aux sélectionneurs, mais je ne crois pas en tout ça. Je pense que la simplicité est un moyen de mieux maîtriser ses mouvements. L'originalité présente trop de risques, et il était hors de question que j'en prenne le jour des sélections. Une seule erreur pouvait m'être fatale. Lorsque je suis passée devant le jury, j'ai pratiqué mes enchaînements avec une telle maîtrise, que les jurys se sont levés pour me féliciter. Même si Mélissa était passée avant moi, son travail ne lui pas permis de me dépasser. Au début tout allait bien, et puis lors d'un enchaînement de pirouettes arrière, avant qu'elle n'atterrisse, j'ai remarqué que sa jambe était trop souple. C'est ce qui a fait qu'elle a perdu l'équilibre et qu'elle est tombée. Même si elle a réussi à se rattraper, les jurys l'ont sanctionnée. C'est donc moi qui suis devenue la capitaine des pom pom girls. Les autres filles du groupe étaient satisfaites. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser à Mélissa. Elle avait autant de chances que moi de devenir capitaine. Elle avait énormément de talent. Après la décision du jury, elle a demandé à changer de lycée. Elle est partie à San Francisco, et je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. En attendant, cette épreuve m'a permis de me faire connaître dans tout le lycée. Lorsque les élèves discutaient entre eux et qu'ils demandaient aux autres s'ils savaient qui j'étais, ils leur répondaient « Jane McGee ? Bien sûr qu'on la connait, c'est la capitaine de l'équipe des pom pom girls ». J'étais fière de ce titre, et je me sentais admirée, parfois même enviée. Les autres élèves venaient me parler et j'avais l'impression d'être importante. J'ai besoin d'avoir ce sentiment, que les autres sachent que j'existe. Je n'étais pas populaire, mais presque. Les seules filles à être populaire sont souvent des pestes. C'était le cas d'Ashley, de Tracy et de Lydia. On voit trois filles belles comme des mannequins, mais aussi crétines que des moules. Je les détestais. D'ailleurs pas mal de filles avaient la même opinion que moi, alors que les garçons les vénéraient. Une fois, Jess a failli se battre avec Tracy. Elles se connaissaient depuis la maternelle, mais elles n'ont jamais pu se supporter. C'était pour une histoire ridicule. On était en seconde, à la cafétéria, et Jess passait avec son plateau. D'un coup, Tracy est passée à côté d'elle et l'a fait tomber en le faisant exprès. Bien entendu personne n'a rigolé à part Ashley et Lydia. Mais après avoir vu que les filles riaient, les autres ont suivi leur exemple et se sont forcés à rire comme des idiots. Jess a ramassé sa mousse au chocolat qui était presque intacte. Au moment même où elle a posé sa main sur le verre, j'ai compris ce qu'elle avait l'intention de faire. Elle le remonta doucement, sourit à Tracy d'un air hypocrite, puis jeta sa mousse sur le visage de sa rivale. Cette fois toute la salle ria fortement, sauf Ashley et Lydia qui se levèrent pour aider Tracy. Elle pleura toute la journée, se plaignant de ne pas avoir de maquillage dans son sac pour s'en remettre, bref un caprice. Elle ne parla plus jamais à Jess, et s'interdit même de la regarder.

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