A contrario

Chapitre 10

« - Tu ne dis rien ?

Je sors de mes pensées. Je ne sais pas depuis combien de temps mes yeux sont dans le vide comme ça. Qu'est-ce que je peux lui dire ?

- Tu penses que je suis un monstre c'est ça ? poursuivit-il.

- Non pas du tout je...

- ...pas la peine de te justifier. Je comprends ta réaction. Tout le monde pense la même chose. Crois-moi, s'il existait une autre solution, je ne l'aurais pas tué. Mais ce n'était pas la première fois qu'il essayait de nous dénoncer. Le pire, c'est qu'il n'en avait pas réellement marre de cette situation. Au contraire, il voulait se faire encore plus de pognon, et aussi je savais qu'il trafiquait de la drogue. J'ai essayé de le ramener dans le droit chemin, mais il n'en faisait qu'à sa tête. »

Il soupire et retourne à sa position initiale, c'est-à-dire la tête baissée et les bras croisés. Il murmure quelque chose qui est à peine audible.

« - Tu dois me détester maintenant.

- Pourquoi le devrais-je, tu m'as sauvé la vie.

- Non, je le croyais moi aussi, mais c'est faux. Je n'ai fait que t'enlever ta famille, ta vie, ton avenir. Je t'ai tout pris en pensant bien faire.

- Si tu ne m'avais pas aidée, je serais morte. Et il me reste encore une chance d'avoir un avenir, alors que si je n'étais plus de ce monde, l'avenir aurait été lointain, et même inexistant.

- En quoi rester ici peut-être considéré comme un avenir ? Tu t'attends à quoi ?

- À le créer avec toi, lâchais-je sans hésitation.

- C'est vrai ? me demanda-t-il avec un grand sourire après avoir levé la tête.

- Évidemment que c'est vrai. »

Je m'approche de lui doucement. Nous ne sommes plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je plonge mon regard dans ses yeux bleus verts. Son visage s'approche du mien, et il effleure mes lèvres avec tendresse. J'enroule mes bras autour de son cou pour me rapprocher encore plus de lui. Je sens contre moi son corps chaud, solide, ferme. Il pose sa main sur mon bras, et la fait remonter tout doucement jusqu'à mon épaule. Son passage embrase ma peau et des frissons me parcourent le corps. D'un coup, il m'enlace et me serre fort contre lui. Son souffle s'accélère tout comme le mien et mes jambes commencent à trembler. À cet instant, j'ai l'impression d'être dans un autre monde. Un monde où il n'y a plus de soucis, sans peur et où il n'y a que Troy qui compte. Il me prend par la taille pour me placer avec douceur sur le plan de travail. Mes jambes s'ouvrent pour laisser une place à son corps. Il m'embrasse dans le cou et je le laisse faire. Je plonge mes mains dans ses cheveux doux. J'ai l'impression d'être en feu. Je n'avais jamais ressenti ça avant. Je peux entendre son souffle puissant et saccadé dans mon oreille. Je ferme les yeux, m'abandonnant complètement à lui. C'est comme si on était seuls au monde, et que le temps s'était arrêté. Troy sort son visage de mon cou pour me regarder un instant. Je pose mes mains sur chaque côté de son visage pour l'attirer contre mes lèvres, ce qui le fait sourire. Ses mains sont posées sur mes cuisses. Je voudrais que ce moment dure une éternité. Je ne pense plus à rien. J'ai oublié mes parents, mon lycée, mes amies, ma maison, Linds, Connor... Tout a disparu de mon esprit. Je sais qu'ils reviendront, mais pour l'instant je n'arrive plus à penser correctement. Je suis dans une autre dimension, un monde complètement parallèle dans lequel je me sens en sécurité pour la première fois depuis un moment. Tout à coup, une voix se fait entendre dans tout le chalet, celle de Kalvin.

« - Bon vous faites quoi dans la cuisine ?

Le visage de Troy reste à proximité du mien, et sourit en secouant la tête d'un air dégouté.