Chapitre 29

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Ça doit bien faire deux heures que je roule dans les allées de San Jacinto. J'ai fouillé partout. Dans les cafés encore ouverts, les boîtes de nuits, les bars, les stations essences et les petites rues où il aurait pu se poser, mais rien. Pourtant je suis sûre qu'il est là, quelque part. Je tombe de fatigue, mais je refuse d'abandonner les recherches. Je lui ai fait tellement de mal, et je veux rattraper ma faute, mes fautes. J'aurais dû lui parler de Scott, même si je pensais ne jamais le revoir, et j'aurais dû davantage résister aux avances de Connor. Mon esprit est trop tourmenté pour se rappeler de toutes les fois où j'ai fait souffrir Troy, mais je sais qu'il en existe d'autres. Je me suis arrêtée au moins une dizaine de fois pour demander aux rares passants s'ils n'avaient pas vu passer une jaguar noire. Mais la plupart d'entre eux étaient ravagés par l'alcool, et d'autres me répondaient seulement d'un signe de tête négatif. Je suis complètement désemparée. Il m'est impossible de l'appeler sur son portable, je n'en ai même pas, et même dans le cas contraire, il ne répondrait pas à mes appels. Si ça se trouve il est déjà rentré et attend mon retour. Ou alors il doit être dans une rue, sombre et étroite, seul et vulnérable. Ma petite voix intérieure ne me répond plus, signe que je dois me débrouiller sans elle. Où est-ce qu'il pourrait être ? J'ai pourtant fait le tour de la ville, sans parvenir à le retrouver. Il y a forcément un endroit que j'ai dû louper. Mais lequel ? En plus de cela je meurs de soif. Mais je suis trop préoccupée pour m'arrêter acheter une boisson, même si ça me ferait du bien. Je m'arrête d'un coup. Les pneus ont crissé et des traces de freinage sont à présent visibles le long de la route. Une fontaine. Troy m'avait parlé un jour d'une fontaine en centre-ville où il aimait parfois se poser lorsqu'il voulait être seul. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Il est forcément là-bas. Je tourne la poignée de droite à fond, puis accélère brusquement. La moto se lève, jusqu'à se mettre sur la roue arrière. Je commence à paniquer tout en regardant le sol. J'essaie de me pencher en avant pour retrouver l'équilibre. La roue avant descend doucement, jusqu'à entrer en contact avec la route. Je pousse un soupir de soulagement. Même si Jared m'a appris pas mal de choses sur les motos, il ne m'a pas expliqué comment faire une roue arrière, et surtout comment retrouver ma position initiale. Je m'arrête à un feu rouge, puis en tournant la tête vers le trottoir, j'aperçois une vieille femme, marchant seule dans la rue avec son chien. Je lève la visière du casque, puis appelle la passante à plein poumons.

« - Madame ! Excusez-moi, Madame ! »

Celle-ci continue son chemin sans même m'adresser un regard. Pourquoi fallait-il que je tombe sur une petite vieille sourde ? Je descends de la moto, la laissant en plein milieu de la route. Tant pis, de toute façon il n'y a personne, et le jour se lève à peine. Je cours vers la femme, puis enlève mon casque pour ne pas l'effrayer.

« - Bonjour, lui dis-je d'une voix douce. Savez-vous s'il y a une fontaine pas loin d'ici ?

Elle me regarda avec un sourire tendre, et répondit d'une voix rauque.

- Oui, il y en a une à deux minutes d'ici. Il te suffit de suivre cette route et tu tomberas forcément dessus. »

Elle pointe du doigt la direction à suivre. Je remis mon casque, puis la remercia d'un signe de tête avant de courir vers la moto, qui est toujours là, à m'attendre. Je mets les gaz en direction de la fontaine. Comme la vieille dame l'avait dit, il ne m'a fallu que deux minutes pour l'apercevoir un peu plus loin sur ma gauche. Mon regard se pose sur une voiture noire, garée le long du trottoir, l'une des jaguars. Je gare la moto juste à côté, puis marche vers la fontaine. Je pousse un soupir de soulagement en voyant Troy assis sur le rebord, la tête baissée. Je m'apprête à le rejoindre, mais quelque chose m'en empêche. Que vais-je lui dire ? Va-t-il me repousser sans que je puisse lui parler ? Une chose est sûre, je ne peux pas le laisser là. C'est avec lui que je veux être, et je ferais tout ce qui est possible pour le récupérer. Je m'approche doucement, et m'arrête à environ un mètre de lui. Il ne réagit pas, et reste immobile. Je m'accroupis à sa hauteur, puis approche ma main pour la placer sur son bras. Mais celui-ci me repousse d'un coup d'épaule, laissant ma main tomber dans le vide. Je penche la tête sur le côté pour voir son regard. Il est vide, fixe, comme si j'étais transparente. Je remarque une goutte posée sur ses cils. Une larme. Il a pleuré. Cela me brise le cœur et attise ma culpabilité.

A contrarioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant