Un(lim)ited

"Ne me touche pas"

Mes yeux s'agrandirent de surprise et je chancelai, me retenant au bureau soudainement prise de vertiges.

- Toi ? Mais pourquoi ?

Je ne l'aurais jamais soupçonnée.

- Tu allais la tuer, répondit Sarah.

J'ouvris la bouche plusieurs fois avant de la refermer, ne sachant quoi dire face à ce geste qui me tenait comme une trahison. Elle s'approcha d'un pas. Je reculai, me tenant à la table. La tuer ? Je ne pense pas, elle avait l'air féroce et son visage avait enduré à mes coups plus que je ne le pensais.

- Tu exagères un peu les choses là non ? la contredis-je en riant nerveusement.

- Non, tu allais vraiment la tuer, affirma Mike.

J'avais du mal à croire que Mike prenne place aux côtés de ma petite amie pour se liguer contre moi. Mes yeux cherchèrent du soutien auprès de ma soeur qui, en tant que bonne jumelle, m'aidait toujours. Cette fois-ci, elle baissa le regard en gardant le silence. Ma respiration était encore irrégulière et une quinte de toux m'obligea à me plier en deux pour cracher le sang mêlé à ma salive. Je me remettais en question face à leurs reproches.
Le dos toujours courbé, les mains sur les genoux, je reniflai en attente d'un changement d'avis de mes amis mais rien. Je répétai :

- J'allais pas la...

- Si Tess, si, coupa Sarah.

Je me redressai puisbm'avançai vers Sarah qui recula jusqu'à buter le mur derrière elle. Quand je fus assez proche d'elle, je portai un doigt contre le haut de sa poitrine comme pour porter plus de propos à mes paroles :

- Ne compte pas sur moi pour te remercier.

Ses pupilles alternaient entre mon oeil droit et mon oeil gauche rapidement. Elle posa ses mains contre le mur. Je pus distinguer dans ses yeux une émotion que j'aurais préféré ne jamais voir : de la peur. Elle renferma tout de même cette crainte en m'attaquant :

- C'est bien ça ton problème Tess ! Tu veux que tout le monde soit d'accord avec toi. Que tout le monde te suives sans discuter parce que tu es persuadée que ta façon de penser est la bonne ! Tu t'es déjà remises en question ? Je t'aimes énormément Tess et ne doutes pas de mes sentiments envers toi mais tu es tellement bornée que j'ai du mal à te suivre. Tu veux toujours avoir raison. Je ne veux pas être avec quelqu'un qui me force à penser comme elle tout le temps.

J'avais laissé retomber mes mains le long de mon corps. Elle m'avait tenu tête en me débitant mes quatre vérités sans hésiter une seule fois.

- Comment ça tes "sentiments" ? releva Mike.

Oh. Alors là, nous allions avoir un autre problème.

- Vous pouvez nous laisser s'il vous plaît ? demandai-je à mes amis.

- Vous êtes ensemble ? demanda Elya avec un demi sourire.

Mike enchaîna :

- Tess ? C'est une plaisanterie j'espère.

- Vous m'avez entendue ? Sortez, répétai-je.

Mes yeux ne lâchaient pas ceux de Sarah qui me défiait toujours.

- Tu as juste à nous dire oui ou non c'est pas compliqué ! s'enquit Mike

-Mike, tu choisis toujours les mauvais moments. Plus tard, dit ma soeur en le tirant par le poignet.

Elya ne facilitait pas la tâche. Sa curiosité l'emportait :

- Non c'est vrai j'aimerais savoir moi aussi.

- Dis moi que c'est faux Tess, sembla implorer Mike.

- Sortez ! ordonnai-je une ultime fois.

Je décrochai mes yeux de Sarah quelques secondes pour fusiller Mike du regard. Il me rendit mon hostilité et ne manqua pas de me faire savoir qu'une discussion se préparait entre lui et moi. May dut pratiquement les pousser hors de la salle pour que nous ayons enfin un semblant de calme. Je me passai les mains sur le visage, exaspérée. Sarah souffla :

- Désolée.

- Non c'est moi.

- Je t'ai pas trop fait mal ? demanda-t-elle finalement.

Elle tendit une main vers ma joue que j'empressai de retirer en me reculant.

- Ne me touche pas.

Sarah soupira d'agacement puis recula à son tour. Elle commença à faire les cent pas au milieu de la pièce. J'avais déclenché une bombe à retardement et maintenant elle m'explosait à la figure.

- Tu vois c'est ça ton problème ! Tu t'énerves pour rien, tu agis sans réfléchir aux conséquences en te pensant invincible mais gros scoop Tess, tu ne l'es pas ! Et même encore mieux, tu vas t'en prendre plein la gueule vu comment t'as amoché Laïla ! Tu devrais me remercier de vous avoir séparé au lieu de faire ta gamine.

Je ne l'avais jamais vue aussi exaspérée. Elle tournait en rond en s'arrêtant de part et d'autre pour me faire comprendre ce qu'elle me reprochait. Chacun de ses mots me heurtait comme une pierre lancée à pleine vitesse. Elle ne s'arrêta pas là pour autant :

- Tu penses que tes pouvoirs te donnent une certaine notoriété et quelque part tu as raison mais n'en profites pas ! Tu as une manière spéciale de montrer aux autres ton opinion et c'est toujours en faisant de la casse, comme la d...

Je lui attrapai les poignets pour la forcer à me regarder.

- Écoute-moi. Tu dis toutes ses choses mais tu n'en sait rien Sarah. Je te montre une partie de moi que je veux que tu voies parce que c'est peut-être la meilleure, même si elle n'est pas si belle. Arrête de me porter un jugement alors que tu ne me connais que depuis six mois à tout casser.

Une larme sillona sur sa joue. Une seule qu'elle s'empressa d'essuyer. Je poursuivis :

- Est-ce que tu sais seulement le quart de ce qu'on a enduré avec May pour être à peu près normales ? Est-ce que tu sais le nombre de personnes à qui on a dû ôter la vie ? Est-ce que tu sais que j'ai vu ma mère mourir sous mes yeux ? Est-ce que tu sais que je n'ai jamais vécu une seule journée sans utiliser mes capacités ? Tu le sais tout ça ? Non. Alors ne me porte pas de jugement hâtif. Je sais que je ne suis pas parfaite mais il va falloir t'en contenter Sarah.

Je relâchai mon emprise de ses poignets et ne lui laissai pas le temps de répliquer. Je sortis à mon tour de la classe passant devant May, Mike et Elya qui étaient assis sur les marches. Dès qu'il me vit, Mike se dressa sur ses pieds et commença à dévaler les marches à la suite en me hélant :

- Tess ! Reviens-là, j'en n'ai pas fini avec toi !

Je me retournai, les larmes aux yeux et lui lançai avec méchanceté :

- Toi, tu la ferme.

Puis je dévalai les escaliers, me forçant à ravaler l'eau qui dévalait mes joues. Je sortis de l'enceinte du lycée sans demander mon reste et rentrai chez moi, dégoutée de cette journée.
Il n'était pas 11h.