"Laisse-moi du temps"

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Ce furent les douces caresses de Laïla qui m'exorbitèrent de mon sommeil. Ses doigts effleuraient la peau tiède de mon épaule, mon omoplate, ma nuque en laissant une trainée de frissons derrière eux.
Dos à elle, je pouvais sentir son regard suivre les courbes de ma silhouette nue. Je ne savais pas si je devais sourire ou bien être inquiète mais ce qui était sûr, c'était qu'elle m'avait fait ressentir des choses qui m'étaient inconnues jusqu'à hier soir. Les souvenirs de nos deux corps chauds glissant l'un contre l'autre, des ses mains qui avaient brûlé ma peau, de son souffle saccadé, de ses lèvres qui m'avaient rendues folle toute la nuit, de sa peau si douce et de ses gestes si sensuels. Si je ne la connaissais pas, j'aurais pu penser qu'elle était amoureuse. Je venais à en penser que le phénomène "sexfriends" n'était pas une légende. Et pourtant, je lui avait avoué mes faiblesses. Je lui avait dit que je l'aimais.
Je décidai de me retourner face à elle, affrontant enfin son regard.

- Hey, dit-elle d'une voix suave.

Une vague de chaleur envahit mon corps.
Non, pas dès le matin, pitié, elle m'a juste salué...

- Hey.

Laïla esquissa ce qui sembla être un sourire. Ses yeux se baladèrent furtivement sur mon corps qui frissonna. Ses joues rosirent et une lueur éclaira mes pupilles. Si je devais vivre chaque instants comme si c'était les derniers, alors autant les vivres comme bon me semblait. Sans me soucier de ce que ça engendrerait. Ma mère me disait toujours que: "Si nos choix étaient faits en fonction des autres, alors ça n'était pas notre vie, mais la leur". Je pris le menton de Laïla entre mes doigts pour approcher mon visage du sien. Nos lèvres se retrouvèrent pour un doux échange matinal. Elle glissa sa main sur ma hanche en souriant contre ma bouche ce qui eu un effet contagieux. Ses doigts appuyaient mon bassin qui avanca vers elle comme attiré par son corps.

- T'es vraiment un bon coup tu sais, avoua-t-elle entre deux baisers.

Je m'éloignai en ouvrant la bouche, faussement outrée par sa remarque. Ses yeux brillaient d'un éclat taquin. Je lui envoyai un oreiller à la figure.

- Non mais j'hallucine ! dis-je en riant.

La jolie blonde éclata d'un rire éraillé en se couvrant la tête de ses mains.

- Vous aussi vous êtes un bon coup Mlle.Smith.

Nous restâmes là à nous regarder. Elle avait les cheveux rassemblés au sommet de son crâne avec mon élastique qu'elle m'avait ôté la veille. Je ne pus m'empêcher de sourire face à cette situation si clichée. Je soupirai puis sortis de ma rêverie en enfilant un tee-shirt blanc trop grand et des chaussettes.

- Ça te vas bien les cheveux comme ça, lui dis-je sans me retourner.

Aucune réponse. À sa place je n'aurais pas su répondre non plus c'est pourquoi je décidai de lui lâcher un bref sourire avant de me diriger vers la porte.

- Tess ?

Une main sur la poignée et l'autre en suspens, je me tournai vers elle en attente.

- On fait comment...

Mes doigts se crispent sur l'objet de fer et mon visage perdit ses couleurs.

- Laisse moi du temps pour en parler à Sarah. S'il te plaît.

Elle soupira sans doute agacée par le fait de se cacher une fois de plus. Néanmoins elle hocha la tête, encore une fois obligée de se soumettre à ma décision.
Je voyais une autre facette de Laïla. Celle qui était douce, gentille, attentionnée, patiente, sensuelle. Même si la Laïla agressive m'attirait plus qu'elle ne me repoussait, je me retrouvais déstabilisée face à ces deux facettes si différentes.
Je refermai la porte derrière moi avant de descendre lentement les escaliers encore fatiguée. Nous avions dû dormir trois heures si ce n'était moins. À chaque fois que la température baissait, elle trouvait un moyen de rallumer les braises et de nous faire repartir dans cette boucle érotique.

- Coucou mon cœur, bien dormi ? J'ai dû dormir avec May, ta chambre était fermée. J"espère que ça ne te déranges pas ?

Sarah posa ses mains sur ma taille en embrassant mes lèvres amoureusement. Avant de descendre, j'avais pris soin de dissimuler les marques faites par Laïla au fond de teint. Une technique ancestrale qui fait ses preuves encore aujourd'hui, car elle n'y vit que du feu. Devrais-je lui dire maintenant histoire d'en être débarrassée ? J'étais confuse.

- Euh... Non, pas du tout. Ne t'en fais pas. J'ai fermé pour ne pas que des gens arrachés entrent. Désolée.

- Oh, ne t'excuses pas mon cœur, sourit Sarah.

Elle m'embrassa à nouveau. Ses lèvres avaient le goût de la vanille.
Je ne m'excuse pas pour la porte Sarah. Je te demande pardon pour tout le reste. Pour ce que je te fais vivre alors que tu n'en mérite pas un dixième. Personne ne mérite ça. Encore moins toi.
May était afferée à nettoyer le sol couvert de traces tenaces. La maison sentait le café. Elle avait tout nettoyé pendant que je me donnait du bon temps avec Laïla. Ma sœur était vraiment un ange. Nos regards se croisèrent et le sien se fit froid et dur. J'allais avoir de sérieux problèmes.
May lâcha la serpillière sans ménagement pour attraper mon bras et me tirer à l'extérieur. Elle ferma mentalement la baie vitrée pour nous donner de l'intimité et pointa un doigt sur ma poitrine, colérique.

- Non mais sérieux Tess, à quoi tu joues en ce moment ? Tu te fous de ma gueule ? Comment est-ce que tu peux être égoïste à ce point ? Premièrement, tu m'as laissé me démerder seule pendant la fête ! Heureusement qu'Elya était là pour m'aider à ranger il y a trois heures ! J'ai pas dormi putain ! Deuxièmement, parlons de ton triangle amoureux. Mais merde Tess ! Pourquoi ? Sarah ne te suffis donc pas ? Tu as besoin de t'envoyer Laïla en plus ? Mais qu'est-ce qu'il va se passer quand Sarah va découvrir tout ça par elle-même ? Parce que je suppose que tu n'avais pas prévu de lui dire hein ? Comment mais bordel, comment oses-tu lui faire ça ?

Les larmes me piquaient les yeux. C'était comme une claque. Je pense que si quelqu'un d'autre avait osé me dire ça, je n'y aurai guère prete attention mais là... C'était May.
Elle avait accentué ses paroles en me tapant la poitrine avec son doigt, sa tête près de la mienne. Elle me faisait peur. Ses yeux océans exprimaient une violente tempête. J'étais perdue. Je passai mes mains dans mes cheveux, angoissée. Et maintenant ? Qu'allais-je faire ? La tension s'accumulait dans ma cage thoracique, oppressant mes poumons contre mes côtes. Je fronçai les sourcils et serrai les poings sur mes mèches claires. La table de jardin se retrouva projetée cinq mètres plus loin, se heurtant contre le crépi de la maison.
May me laissa piquer ma crise puéril avant de reprendre calmement mais froidement :

- Alors maintenant, tu vas entrer dans cette maison et me faire le plaisir de tout raconter à Sarah avant que je ne le fasse moi-même.

Ma sœur. Elle ne pouvait pas me faire ça. Je la croyais de mon côté. Je donnai un coup de pied dans une des quatre chaises de jardin. Je fusillai May du regard avant de lui donner un coup d'épaule pour passer devant elle.
Je refermai la baie vitrée à clé derrière moi, faisant perdre un temps considérable à ma sœur qui jura à mon encontre. Laïla était attablée, une tartine a la main, une tasse dans l'autre. Son regard brûlant suivait chacun de mes déplacements consciencieusement. Je m'avançai d'un pas décidé vers Sarah et posai fermement mes deux mains sur ses épaules avant de prendre une grande inspiration.

- Sarah, écoute...

Elle me regardait avec des yeux dénués d'impureté. Un sourire habituel anima ses lèvres. Elle inclinant sa tête sur le côté en prenant une moue interrogative. Son téléphone vibra. Elle y coula un regard puis reporta son attention sur moi. Son visage s'illumina soudain comme si elle venait de se rappeler de quelque chose.

- Je vais te présenter à ma mère Tess.

La dernière chose que j'entendis avant de déconnecter c'était Laïla qui s'étouffait avec son café.

Un(lim)itedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant