Un(lim)ited

May

J'avais besoin d'un peu de calme. Je ne savais pas si j'étais triste ou en colère ou même soulagée. J'avais juste envie de m'enrouler dans une couette pour me protéger de tous ces problèmes. Problèmes qui s'étaient accumulés et qui me retombaient dessus comme prévu.
Le carrelage encrait sa fraîcheur dans la plante endolorie de mes pieds. En descendant les marches, j'ôtai mon tee-shirt taché avant de le rouler en boule. La maison était étrangement silencieuse, les cris avaient cessé, les pas s'étaient tus. Mike m'attendait dans le salon, assis face à May sur cette table qui avait accueilli tant de monde.

- Hey, dit-il simplement.

Je sentais leurs yeux sur moi. Un soupir dévala mes lèvres. Je n'avais même pas besoin de parler. Faisant planer le tee-shirt jusqu'au lavabo, je contournai la table pour me poster à son extrémité. Mes deux mains vinrent à plat sur le bois poli, de part et d'autre de mes hanches. Je sentis un regard lorgner ma poitrine dissimulée par une brassière.

- Mike, c'est mon visage que tu dois regarder, ordonnai-je.

Il bredouilla de faibles excuses sans vraiment les penser puis reporta son attention sur May qui pianotait sur son portable. Je fis glisser un haut qui se trouvait sur la chaise jusqu'à mes mains pour pouvoir couvrir ma peau qui commençait à retrouver une température raisonnable.

- Bon. May, entamai-je.

Aucune réaction de la part de ma jumelle qui continua ses affaires sur son cellulaire. Je coulai un regard ennuyé vers Mike qui haussa les épaules, ne voulant même pas intervenir dans cette affaire.

- May répétai-je.

Toujours rien. Elle sourit bêtement devant son écran. Une chaise racla sur le sol et je sentis buter quelque chose contre l'arrière de ma jambe. Quelques secondes plus tard, un reniflement disgracieux accompagné d'un revers de poignet de ma sœur.

- Assieds-toi, m'ordonna-t-elle.

Je ne me fis pas prier. Ajustant l'éloignement de la chaise, je priais pour ne pas avoir à redire à May de poser son téléphone une troisième fois. Heureusement, elle le fit d'elle-même et passa une main sur sa nuque, gênée.

- Je ne vais pas prendre la peine de te demander comment ça c'est passé avec Sarah, maugréa-t-elle avec sarcasme.

Je savais qu'il fallait que je la ferme. Elle n'avait pas fini même si la pause entre ses phrases laissait penser l'inverse. Avançant son buste vers la table, elle croisa ses mains sans me porter un regard.

- Mais bon ça, c'est tes affaires même si ça me fait de la peine pour elle.

Mike se leva et partit dans la cuisine prétendant une fausse soif. Il avait bien compris que sa place n'était pas ici en cet instant précis. Les épaules de May se crispèrent à son départ. Le rassurait-elle ?

- Je ne suis pas là pour te faire une morale de trois heures sur le point de vue de Sarah parce que je ressens ce que tu ressens.

Elle commença à suivre les raies du bois du bout des doigts minutieusement, déclenchant une détente immédiate sur moi.

- J'aime pas quand on est en froid toi et moi Tess.

Ses doigts s'arrêtèrent brusquement sur un embranchement de rainures. Je sentais son regard sur moi.

- T'es ma sœur et même si des fois j'ai d'horribles envies de t'étrangler, je taime de tout mon coeur, poursuivit-elle.

Les yeux brouillés, je tentais un regard timide vers elle. Un mince sourire avait étiré ses lèvres et une moue compatissante apparut sur son visage aux traits tirés par la fatigue. Elle fit glisser sa main sur la mienne dans un geste fluide. Ses mains dégageaient une chaleur particulière, une chaleur qui remontait le long des bras, dévalait les côtes et embrumait le ventre de milliers de petits frissons.
Elle passa son pouce sur ma joue, me faisant rendre compte de toute cette pression qui dévalait mon visage.