Un(lim)ited

"T'es toute seule ?"

Les tympans encore en transe, je dévalai les marches pour me joindre à ma sœur et ma petite amie. Petite amie qui ne se doutait de rien. Sa naïveté la perdra et moi, c'est elle que je perdrai.

- J'ai bien cru qu'elle t'avais tué, c'était calme, rit ma sœur.

Tu trouves ?
Les rebords paraissent sûrement calmes mais moi j'étais en train de me noyer dans des flots troubles. La seule chose à laquelle je pouvais vraiment me raccrocher c'était à May. Je relevai les yeux vers ma sœur qui me sourit doucement. J'entourai sa nuque de mes bras et posai ma tête dans le creu de son cou en soupirant.

May: Tu l'aimes n'est-ce-pas ?

Tess: Sarah ?

May: Si tu savais de qui je parlais, tu ne m'aurais pas demandé.

Tess: Non, je la déteste.

May: Tu la déteste parce qu'elle te fais ressentir ces choses-là.

Je lui pressai les omoplates avec nervosité puis m'écartai d'elle sans même la regarder. Si je croisais son regard c'était fini. Elle découvrirait tout parce qu'elle me connaît.

- On joue à Mario Kart ? intervint Laïla

La grande blonde ramassa son bonnet à mes pieds en nous motivant pour une partie. Sarah parut enjouée quant à May, et bien elle ne me lâchait plus du regard, persuadée qu'elle avait raison.
Et le pire c'est qu'elle avait raison. Depuis le début.
Je pris la main de Sarah et nous allâmes nous asseoir sur le canapé pendant que May allumait la Wii. Laïla eu la merveilleuse idée de s'asseoir à mes côtés sans m'adresser un mot. Super. Au moins, elle la ferme. Ma sœur envoya trois manettes que j'interceptai en sursautant.
Franchement, quoi de mieux que la route arc-en-ciel pour briser des liens tissés sur le long terme. May avait lancé cinq fois sa télécommande en jurant comme une gamine et Laïla avait tout simplement été... Laïla. Elle n'avait pas dit un mot même quand la douzième place lui collait à la peau du début à la fin. Sarah s'était allongée sur mes jambes, perturbant ma concentration sur mon kart. Au bout de la neuvième course perdue contre ma petite amie, je lançai à mon tour la manette sur le tapis en gémissant.

- J'arrête de jouer, ça m'énerve.

Sarah éclata de rire, sa bonne humeur retrouvée et me pinça la taille malicieusement.

- Mauvaise perdante.

- Ça te pose un problème ? dis-je en lui embrassant les lèvres chastement.

Elle me sourit. Un vrai sourire qui faisait vibrer le cœur.

- Pff, tu triches c'est pas possible, pesta May contre la brune.

- Nan mais il est hyper simple ce circuit.

- Gngngngn, la coupai-je.

Elle me tapa la cuisse en riant.

- Si on faisait une fête ce soir ? proposa May.

La conversation avait soudainement prit un autre tournant, laissant la musique du jeu en fond.

- Je veux dire, on invite une trentaine de personnes. Histoire de penser à autre chose.

- Bonne idée, acheva Laïla.

Depuis quand avait-elle son mot à dire quand il s'agissait de ma maison ? Certes, j'étais coincée avec elle pour les prochaines 24h mais cela ne voulait pas dire qu'elle avait des droits sur cette demeure ni sur personne d'ailleurs. Elle n'était personne.

***

Ne me demandez pas comment j'ai fini là, accoudée au bar, un verre d'alcool à la main. May était vraiment très persuasive. Elle aurait dû travailler dans le business, je suis sûre qu'elle serait allée loin.
Sarah dansait au milieu du salon entourée d'une vingtaine de personnes dont Mike qui ne m'avait adressé qu'une bref sourire depuis la dernière fois. Et encore, c'est comme si je n'existais pas. Il ne voyait que ma soeur, ma copine et Elya. Même Laïla était devenue l'une de ses cibles potentielle en ayant assisté à la scène l'autre soir. En parlant de Laïla je ne l'avais pas vue depuis un bout de temps et j'en venais à la soupçonner d'avoir profité du monde pour rentrer chez-elle. Après tout, pourquoi resterait-elle ici si elle avait un appartement ?

- Vous dansez belle demoiselle ? demanda poliment ma sœur.

J'avalai difficilement une gorgée de cette alcool qui traça un sillon brûlant dans mon estomac.

- Carrément pas.

May me donna un léger coup de coude qui se fut plus fort qu'à sa demande. Elle avait bu, je le sentais. Ses joues étaient rosies et elle abordait ce sourire béat sur ses lèvres, la rendant plus niaise qu'elle ne l'était déjà. Qu'est-ce-que je ferais sans elle ? Je souris comme une idiote et lui tendis un verre d'eau, qu'elle fixa sans rien dire ne comprenant pas mon intention.

- J'ai pas...

- Ferme-la et bois sinon je te la fais avaler de force.

Bon j'y étais peut-être allée un peu fort mais quand May était dans cet état, il fallait être brute et franche. Elle me ressemblait plus quand elle était ivre que sobre.
May prit finalement le verre en soupirant. Dès que ses lèvres entrèrent en contact avec l'eau, elle vida avidement le verre avant de me remercier puis de repartir sur la piste en se trémoussant, l'air de rien.
Sans que j'y puisse quelque chose, un fin sourire anima mes lèvres, me redonnant un semblant de bien-être.

- Salut. T'es toute seule ?

Je pivotai la tête, faisant face à un homme qui s'était aussi accoudé au bar à mes côtés. Je ne l'avais jamais vu et je doutais fort qu'il s'agisse de l'un des invités prévus. Il sentait la drogue mais son physique ne collait pas du tout avec cette effluve. Il avait un style BCBG et un léger accent latino qui rendait ce mélange encore plus exotique.

- T'es qui ? grognai-je.

- Tu n'as pas besoin de savoir qui je suis. Tu veux pas qu'on aille un peu dehors ? On étouffe ici.

-  Non, je suis bien là. Vas-y tout seul.

Je pouvais le sentir se tendre à mes côtés faisant monter la pression d'un cran. Mes phalanges blanchirent autour de mon verre. J'en venais à me demander s'il n'allait pas bientôt se briser entre mes doigts. Il s'approcha de moi avant de poser une main dans le creu de mon dos. Il sourit contre mon oreille d'une manière écœurante.

- Allez viens, n'aie pas peur.

Il écarta une mèche de cheveux qui balançait contre ma joue de ses longs doigts et en profita pour laisser glisser sa main sur ma peau. Un frisson de dégoût me traversa le corps mais celui-ci resta paralysé quand je lui ordonnai de partir. J'étais tétanisée à l'idée qu'il puisse faire certaines choses à mon encontre.

- Salut. Excuse-moi mais elle est avec moi. Donc si tu pouvais dégager tes grosses mains de sa figure avant que je t'éclates la tronche ça serait sympa.