Un(lim)ited

Mike

J'entrai sans la moindre hésitation, trop occupée à digérer les faits passés encore frais dans ma tête. L'odeur familiale de sa demeure m'avait toujours apaisé. Quand j'étais petite, j'adorais venir ici mais depuis un certain nombre d'années, je n'y mettais plus les pieds.
Je fis quelques pas dans l'immense salon, préoccupée.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? lâcha-t-il.

Son ton n'était pas méchant, ni même méprisant. Il était juste inquiet. Il ne s'attendait sans doute pas à me voir arriver ici alors que notre relation n'était pas au top de sa forme.

- Je crois que j'ai merdé Mike.

Il me connaissait depuis un bon bout de temps déjà et savait que je ne me remettais pas souvent en question. J'étais odieuse et bornée. Il s'assied sur le sofa crème occupant l'angle du salon en m'invitant à m'installer auprès de lui. Après tout ce qui c'était passé entre nous, les disputes, les coups, les blessures, les injures... il était toujours là pour moi et je serai toujours là pour lui. La fierté n'était qu'une barrière mise puérilement pour éviter d'ouvrir les yeux sur quelque chose de concret.

- C'est à cause de Sarah n'est-ce pas ?

Les yeux dans le vague, j'opinai.

- Pas seulement, j'ai été lâche en fuyant devant quelque chose que j'aurais dû assumer depuis longtemps déjà.

Voyant mes sourcils se froncer, il posa timidement sa main sur la mienne. Je lui lançai un regard pour le remercier silencieusement.

- Je suis tombée amoureuse de Laïla il n'y a pas longtemps mais je n'ose pas quitter Sarah. Je sais c'est stupide mais j'ai peur de la perdre.

- Oh... tu la perdras forcement Tess. Tu l'as perdu au moment où tu as rencontré Laïla.

- Qu'est-ce que tu racontes, dis-je en riant nerveusement.

- Tu me crois vraiment naïf à ce point ? Ça crève les yeux que tu aimes cette fille Tess même si bon, je ne comprends pas ce que tu lui trouves.

Il haussa les épaules en souriant et cela eu pour effet de me détendre. Ses faussettes marquées au couteau mettaient en valeur le teint hâlé de ses joues. Je lui serrai la main en quête de réconfort.

- Je suis désolée pour tout ce que j'ai pu te dire de mauvais Tess, je ne voulais pas te blesser.

- Ah oui ? Et tu voulais faire quoi ? Me faire rire ?

Ses doigts se crispèrent sur ma peau. Je lui donnai une tape sur l'épaule en riant franchement.

- Je rigole abruti. C'est pas grave. Désolée si je t'ai blessé, au sens propre.

Mike hocha la tête en jouant avec l'ourlet de son sweat. Sweat qu'il avait sûrement dû piquer à quelqu'un car ça n'était pas son odeur qui en émanait. Il me semblait connaître cette effluve mais mon esprit passa rapidement à autre chose, laissant cette interrogation en suspens.

- Aide-moi Mike.

- Tu t'es mise dans une sacrée situation quand même...

- Mmh, opinai-je.

La table basse était chargée de choses aussi inutiles les unes que les autres. On pouvait y trouver des verres vides ou pleins. Mike était un grand amateur de fêtes en petit comité et depuis quelques temps, ils les enchaînait, causant une gueule de bois les matins. Des restes de plats froids voire même oxydés, se couvrant d'une croûte dure et foncée. Une bague en argent qui n'était pas la sienne mais que j'avais aussi déjà vue quelque part. Je fonçai les sourcils.

- Je vais parler avec Sarah, décidai-je.

- C'est la meilleure chose à faire, acquiesça-t-il.

Il décolla son dos du sofa, appuyant ses coudes sur ses jambes dégageant une nonchalance propre à lui-même. Il se racla la gorge et bu une gorgée dans l'un des nombreux verres joncheant la table.

- Tu es sûre que c'est elle que tu veux ? me damanda-t-il.

- Je n'avais jamais ressenti ça avant...

- Ça s'entend.

- Le problème c'est que je l'ai envoyée balader tout à l'heure.

Mon ami tourna la tête vers moi, attentif.

- Qu'est-ce que t'as encore fait ?

- Je lui ai peut-être dis que je ne voulais plus jamais rien avoir à faire avec elle...

Il leva une main vers son visage et se pinça l'arrête du nez, exaspéré.

- T'es vraiment un boulet.

- Je sais. J'ai peut-être aussi envoyer balader ma sœur.

- Ta soeur ? Tess t'es vraiment obligée de faire du mal aux gens comme ça ?

J'allais contre-attaquer en me justifiant mais le problème c'est que je n'avais rien à justifier. Je n'avais pas de bonne raison ni de situation qui pourrait désamériser la chose. Je me pris la tête entre les mains et gémis.

- Je sais ! Mais je ne sais pas ce qui cloche chez moi ! J'ai l'impression de tout gâcher à chaque fois que je commence quelque chose. J'ai besoin d'elle. Elle est entrée dans ma vie au moment où j'avais baissé ma garde et je... je... je ne pensais pas ressentir ces choses-là un jour ! Le problème c'est qu'elle me tient et je ne pense pas avoir envie de m'en défaire. Je suis vraiment débile c'est pas possible.

Mike passa ses bras autour de mes épaules pour m'amener vers lui dans un geste protecteur.

- Ça va aller Tess.

- Je ne veux pas m'attacher aux gens Mike... ça finit toujours mal. Je les perds toujours. Je finis toujours par souffrir d'une manière ou d'une autre. J'ai déjà trop perdu...

- Écoutes... T'as vécu un truc que personne ne devrait avoir à vivre mais t'as quand même réussi à t'en remettre. Je t'admires beaucoup tu sais. Tu as juste gardé des séquelles et c'est normal.

- J'en peux plus Mike. Je gâche vraiment tout.

- T'es humaine. Si tu ne foirais rien, tu serais ennuyante.

Il me berça contre lui pendant dix bonnes minutes en silence. Un silence qui me faisait du bien, comme j'en avais pas eu depuis longtemps.
Il m'avait manqué.
Il coupa ce vide pour annoncer :

- Maintenant, toi et moi on va y aller. Tu vas parler à Sarah et on va trouver un moyen pour que malgré ce que tu lui as dit, tu puisse récupérer Laïla. D'accord ?

Je m'écartai de lui et hochai péniblement la tête. Je savais que j'allais devoir y passer un jour de toute façon. Alors autant le faire du mieux possible.

- Merci Mike.

- Je t'aime beaucoup Tess. Ne te sous-estime pas.

Je lui embrassai la joue avant de me remettre debout.

- Je t'aime aussi même si t'es maladroit.

Ils sourit de plus belle et m'entraîna vers la porte après avoir enfilé une veste. Son bras autour de mes épaules. Tout était redevenu comme avant. Mais le calme avant la tempête n'était jamais bien long...