Laïla

3.3K 184 52
                                    

Le déclic de la serrure me fit prendre conscience de mon inconscience même. J'allais droit au butoir.
Les cheveux enfin lâchés, elle avait cet air enjoué jusqu'au moment où ses yeux rencontrèrent les miens. Une main sur la poignée, adossée à l'encadrement de la porte, elle garda un moment de suspens. Elle ne prit pas la peine de dire quoi que se soit et soupira dédaigneusement.

- Casse-toi Tess.

Elle fit volte-face en faisant siffler la porte par sa poigne violente. Je glissai mon pied dans l'embrasure juste à temps pour ne pas qu'elle se referme sur ma dernière chance.
Laïla ne se retourna pas. Elle disparut derrière le bar, en direction de la cuisine. J'entendis des assiettes s'entrechoquer dans des gestes qui se voulaient trop brusques. Une odeur salée flottait dans l'appartement. Il n'était pas plus de midi et je me permettais de sonner à sa porte pour la supplier de m'aimer. Vu comme ça, la situation était d'autant plus absurde.
La télé diffusait un film policier ; type de film qu'elle préférait. Elle avait sans doute dû le voir une dizaine de fois mais on ne se lasse jamais des bonnes choses, surtout quand elles savent être appréciées à leur juste valeur.

- Je ne t'ai pas autorisé à entrer Johnson.

Je recentrai ma tête vers elle. Elle s'affairait à nettoyer son couvert avec un brin de violence dans ses mouvements. Elle donna un coup sec sur le dessus du robinet qui cessa d'écouler l'eau contenue dans les canalisations parisiennes. Secouant ses mains pleines de mousse, elle referma un placard d'un mouvement de genou.

- Laïla... je sais que j'ai été une sacré bouffonne avec toi.

Elle attrapa un torchon du bout des doigts, séchant ses mains ornées de bagues.

- Non, tu crois ? marmonna-t-elle entre ses dents.

Elle jeta le torchon sur le plan de travail et passa devant moi en me bousculant.
Je poursuivis :

- Je sais aussi que tu m'en veux d'être partie tout à l'heure et je te jure que je ne voulais pas te blesser au téléphone.

Elle rangea sa chaise sous la table avant de replacer le pot de fleur au milieu de celle-ci.

- Mais encore, m'incita-t-elle.

- J'ai quitté Sarah tout à l'heure.

Elle trébucha sur la table basse avec un petit cri surpri. Elle poussa d'abord quelques habituels jurons avant de prendre la télécommande et de faire taire les coups de feu résonnant dans l'écran connecté.

- Dis plutôt qu'elle l'a découvert et qu'elle t'as largué Tess.

Évidemment. Mais j'avais quand même un minimum de fierté. Du moins, ce qu'il en restait après tout ça. Je m'adossai au pan de mur qui accueillait une paire de tableaux. Où cette fille trouvait-elle autant d'argent ?

- Aucune réponse Johnson ? T'as perdu ta langue ? C'est rare.

Je la foudroyai du regard. Elle commençait à me lancer des piques et ça n'était que le premier d'une flopée si je ne réussissais pas à me défendre. Ce petit jeu entre nous, malgré nos différends, il ne s'éteignait jamais.

- Bon c'est bon t'as finis de bouger dans tous les sens là ? Qu'on aie enfin une discussion sensée ? m'impatientai-je.

Elle rangea encore quelques bricoles de ça et là pour me provoquer puis s'assieds sur le plan de travail, adoptant une posture dominante comme pour me dire que je n'avais pas raison ici, que j'étais chez elle et qu'elle avait le pouvoir. Je la toisai dans le même état d'esprit qu'elle.

- Je t'écoutes, sourit-elle avec hypocrisie.

Elle croisa les jambes puis ses bras, fermant tout accès à la communication. Elle avait raison et quoi que je puisse dire, elle trouvera un moyen de le retourner contre moi. Comme à chaque fois.

- J'ai été si stupide de faire ça. Je sais que j'ai joué autant avec toi qu'avec Sarah et... je ne sais pas. J'ai pas d'excuses.

Un sourire vicieux étira le coin de ses lèvres. Elle releva son sourcil de manière méprisante. Elle se faisait un réel plaisir de me voir avoir tord et en plus de l'avouer. Elle allait terriblement en jouer.

- Et donc ?

- Et donc je suis tout sauf une bonne personne, marmonnai-je.

Ses bras se décroisèrent pour se poser de part et d'autre de son corps, en position de détente. Elle obtenait ce qu'elle voulait petit à petit et je me sentais mal dans le rôle de l'accusé.

- Mais encore ? m'encouragea-t-elle.

Elle commençait à me sortir par les yeux mais si je m'énervais, je pouvais tout reprendre à zéro alors autant passer dix minutes de ma vie en inconfort total que toute ma vie à ronger mes regrets.

- Et alors c'est avec toi que je veux construire quelque chose Laïla. Tu me complètes.

Un silence lourd s'installa dans la cuisine. Laïla relâcha sa bouffée d'air qu'elle avait retenu durant cette intervention. Ses yeux glissèrent le long de mon corps, me déshabillant de tous mes interdits.
Si je devais prendre les choses en main alors autant le faire jusqu'au bout. Mes pieds me guidèrent vers le meuble intact, accueillant le bassin de Laïla. Je ne la regardais pas. J'avançai jusqu'au moment où mon ventre frôla ses genoux. Ses jambes faisaient bouger légèrement mon tee-shirt, faisant passer un peu d'air. Mes mains vinrent se poser de part et d'autre de ses jambes. Je sentais mon cœur accélérer, faisant résonner le sang dans mes oreilles.

- Tess... tu fais quoi là ? demanda-t-elle d'une voix chevrotante.

À travers les paroles et le ton qu'elle avait employé, je devinais que la situation la déstabilisait. Que même en hauteur, elle se sentait impuissante face à ce que j'avançais.
Sans la regarder, je fis glisser mes mains sur le bois, me rapprochant de ses jambes. Puis, lentement, je lui effleurai la cuisse du bout des doigts. J'entendis sa respiration se bloquer, suspendant le moment en silence. Mes doigts descendirent jusqu'à ses genoux puis je décidai de poser mes paumes sur ceux-ci. Je sentais Laïla se dresser sur le plan de travail.

- Tess...

Et, inconsciemment, elle écarta les jambes, laissant mon buste y prendre place. Mes mains retournèrent sur le côté extérieur de ses cuisse en remontant plus haut, doucement. Je voulais la voir, guetter chacune de ses réactions, la comprendre et entreprendre. Je tentai alors un regard vers elle puis fus heurtée par ses yeux qui me fixaient déjà avec envie. Son regard était d'une puissance telle que je ne pus être capable de m'en détacher. Mes mains montaient plus haut, encore, jusqu'à s'arrêter sur ses fesses, collant mon ventre au plan de travail et par conséquent, au sien. Ses yeux brillaient de manière envieuse. Elle relâcha enfin sa respiration et souffla :

- Arrête...

J'allais entrer dans son jeu pour pouvoir voir à quel point elle en avait envie.
Je m'écartai alors brusquement de son corps, laissant l'air s'engouffrer dans mes vêtements ancienement chauds d'elle.
Laïla eu un hoquet de surprise et se paralysa net, éberluée par mon arrêt radical. Elle ouvrit la bouche pour protester puis la referma après être descendue du meuble. Son corps me rendait folle. Ses courbes, ses mains, ses clavicules qui ressortaient de manière incandescente, le teint hâlé de sa peau qui suscitait la chaleur, ses yeux noisette qui s'accordaient avec sa chevelure, ses épaules arrondies et sveltes, son cou qui n'appelait que moi, ses lèvres...
J'avais envie d'elle.
Laïla s'approcha de moi et me regarda d'abord durement, vexée par mes agissements. La dureté de son regard laissa place à de la douceur quand mes doigts effleurent ses hanches par-dessus le fin tissu noir. La profondeur de ses yeux me noyèrent et le désir qu'elle y mit provoqua l'ascension de mes hormones.

- En fait non... ne t'arrêtes pas... chuchota-t-elle.

Prise d'un violent désir, j'empoignai ses hanches et l'attirai vers moi, lui arrachant un soupir. J'approchai mon visage du sien, le corps déjà chaud et déposai un baiser sur sa joue, sur sa mâchoire, dans son cou...
Les mains de Laïla ne savaient où se poser, passant du creu de mon dos à mes fesses puis remontant sur ma nuque. Je finis par perdre patience et soulevai son bassin pour la porter sur mes hanches. La blonde parut surprise par cette initiative et me forca à la regarder quelques instants, haletante.

- Première porte à gauche dans le couloir.

Sa poitrine se soulevait à un rythme irrégulier. Je marchai les jambes tremblantes jusqu'à sa chambre.

Un(lim)itedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant