Ellipse

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- Écoute ma puce, on sait très bien toi comme moi que tu ne peux pas faire grand chose. Allez, écartes-toi.

May se tenait devant sa mère, les bras en croix. Ses joues scintillaient dans l'obscurité, sous le faible halo des néons écarlates.
Nous étions le 20 décembre 2012. Il était 19h30.

***

"- Non ma chérie, regarde, il faut que tu visualise l'objet et uniquement l'objet. Visualise le et oublie tout ce qui est autours de lui."

Ma mère était agenouillée à côté de moi, une main sur mon épaule. À quelques mètres non loin, elle avait disposé une tasse sur un meuble. Je réessayais une énième fois, éludant tout ce qui n'était pas la tasse. Je fermais les yeux pour me concentrer. L'objet se modela en 3D dans ma tête et je rassemblais un élan de force pour garder cette image en-tête quand je réouvris les yeux. Baissant le menton, je serrais les poings et forçai sur mon regard
"Allez, allez...envoles-toi...s'il te plaît..."
Je sentais la force de l'objet, bien qu'elle soit mince, exercer sur mes muscles fragiles.

"- Bravo ma puce ! Bravo !"

Ma mère se redressa sur ses jambes pour applaudir avec joie. J'avais réussi à faire léviter le récipient 20 cm au-dessus du socle et pour un premier entraînement, c'était vraiment satisfaisant.
May m'entoura de ses petits bras en piaillant:

"- Bravo Tess !"

Je souris dévoilant le trou béant que formait l'absence de mes deux dents du haut. Il fallait dire que je n'étais pas précoce, à 8 ans je commençais tout juste à perdre mes dents. Surement dû à un problème mais ça n'avait aucune importance.
Je rendis l'étreinte à ma sœur et allai m'asseoir sur les genoux de mon père qui assistait à la scène, non loin. Ce fût au tour de May de se placer aux côtés de ma mère, excitée. En quelques minutes, elle parvint à déplacer des chaises, des tables, des lits et autres meubles conséquents présents dans cette salle. Depuis toujours, May avait été plus forte que moi au niveau mental. Elle excellait.

Mon père me déposa à terre avant d'enfiler une veste.
Nous avions une salle exprès à côté de chez nous pour nous y entraîner. Une salle insonorisée, aux murs doublés et sans fenêtres avec toutes sortes d'objets à l'intérieur. Nos parents nous y emmenaient 2 fois par semaine au minimum.

"- Je reste encore 10 minutes ici avec May et j'arrive chéri.
- D'accord, je vais mettre la table et préparer le repas pendant ce temps."

Je refusai d'accompagner mon père et m'assieds sur la chaise qu'il avait laissé libre pour regarder ma sœur progresser. Mes jambes se balançaient sous l'espace vide de mon promontoire.
May poussa un glapissement heureux quand elle réussit à pousser ma mère que quelques centimètres rien que par la pensée. Je souris en applaudissant.
Une main ferme se posa sur mon épaule. Je relevai le menton, le sourire toujours aux lèvres, pensant que mon père était revenu mais je découvris avec étonnement un homme, dans la trentaine, grand et dégageant une forte odeur d'eau de Cologne.

"-Tu viens avec moi ma jolie ?"

Sa voix grave vibrait dans ma cage thoracique comme les basses dans un concert. Il avait un regard bleu glaçant, rappelant tout, sauf la douceur de l'océan et avait une carrure de videur de boîte.

"- Excusez-moi, qui êtes-vous ?"

Ma mère tenait la main de May dans la sienne, marchant prudemment vers nous. Ma sœur fit un geste amical de la main à l'homme, innocente. Il lui rendit son geste avec un air dangereux en s'agenouillant.

Un(lim)itedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant