Prologue

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Victoria sortit en trombe de sa maison, la colère agrippant ses tripes. Elle marchait vite et une moue irritée se dessinait déjà sur ses fines lèvres, son visage se tordait en une grimace disgracieuse ; à bien l'observer, peut-être aurions-nous vu des perles discrètes au bord de ses yeux tempétueux. L'orage grondait. Une pluie torrentielle ne tarderait pas à s'abattre sur Busan. 

— Allez en Enfer ! tonna-t-elle en pivotant rageusement vers la porte d'entrée qui était restée ouverte. N'essayez même pas de m'en empêcher, je me tire de cette baraque !  

Elle joignit immédiatement les mots aux actes. Victoria grimpa dans sa voiture qu'elle déverrouilla d'un geste brusque et elle alluma le moteur. Le frein à main, le levier de vitesse, la pédale, et la voilà en route. Quelle direction ? Aucune idée. Mais elle désirait un air frais.

Sauf que son cœur palpita...

Une palpitation anormale...

La dernière...

Ses paupières s'abattirent d'un coup, les ténèbres hurlèrent et puis plus rien.


***

La gouvernante passait l'aspirateur, ses mouvements précis trahissaient son habitude. La maison ne paraissait pas si grande de l'extérieur, mais elle se rendait compte de son immensité avec un balais en main. Pourtant, elle ne se plaignait jamais d'exécuter les tâches ingrates de la famille Rosea. Pour une étrangère comme elle, cela relevait d'un miracle de trouver des employeurs qui parlaient anglais dans ce pays et avec qui elle pouvait s'exprimer librement. 

Ne comprenant pas un mot de coréen, elle se sentait à l'aise dans cette demeure aux allures de colosse. Elle se sentait très bien même. Chez elle. Logée. Chouchoutée. Elle ne quitterait sous aucun prétexte son travail. Bien qu'elle acceptait parfois des corvées qui n'étaient pas à elle en temps normal. Par exemple, elle se transformait régulièrement en chauffeur pour les enfants, ou en secrétaire pour les parents et elle s'occupait des repas aussi. Une femme à tout faire. Si elle ne se séparerait pas d'eux, ils ne se sépareraient pas d'elle non plus. 

— Récupérez les costumes de mon mari au pressing, je vous prie ! chantonna la voix douce de  Candice Rosea. Ah et si vous pouviez prendre Margot au passage. Elle vient d'appeler, elle termine plus tôt à cause d'une journée banalisée à son école, ou un truc dans le genre. 

— Bien, Madame ! répondit la gouvernante, avec son léger accent qu'elle peinait à atténuer. Autre chose, Madame ?

— Non, reposez-vous !

— Mais je devrai encore préparer le souper, puisque le cuisinier est en congé, Madame.

— Oui, c'est vrai ! Vous êtes un ange, ma chère ! L'ange de cette maison ! Vous savez quoi ? Demain, je vous donne votre matinée ; dormez tard pour une fois ! 

— Oh, Madame, je ne dors plus beaucoup depuis... Enfin, vous comprenez, je suppose.

Le sourire ultra-blanc de Candice Rosea se figea. Ses lèvres étirées demeurèrent en suspens et ses yeux s'écarquillèrent un peu, d'une façon qu'elle essaya de contrôler, en vain. Il semblait qu'elle ne respirait plus, car sa poitrine s'était également immobilisée et n'avait plus l'air de se soulever. Elle compléta sans mal la phrase de sa gouvernante. Depuis la disparition soudaine de Vicky. 

— De toute manière, personne ne dormait dans cette maison avant ! Entre votre aspirateur et vos machines à laver, les leçons de piano de Margot et les leçons de violon de Victoria, une véritable cacophonie matinale... Et cela n'a pas vraiment changé ! De quoi mettre de bonne humeur dès le matin ! ironisa-t-elle avec un ricanement forcé. N'est-ce pas ?

Avenge the FallenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant