Au cœur de l'âme

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Margot était assise les pieds dans le vide, encerclée par la lumière bleue de l'embarcadère. Elle avait un très belle vu de la terre.

— Il faut vraiment que tu nous parles, Margot, lui répéta Ray pour la seconde fois en quelques minutes.

Elle s'était apprêtée à redescendre sur Busan, mais le faucheur l'avait arrêté et lui avait demandé un instant pour discuter entre collègues de travail. Elle avait pouffé amèrement à cette appellation, mais elle avait tout de même obtempéré.

— Je ne comprends pas que tu ne te confies pas de ton propre chef. Je te signale que nous sommes tous passés par des phases de nostalgie et nous pouvons te réconforter, te conseiller et te montrer la voie à suivre. Pourquoi tu refuses de te rapprocher de nous ? Tu n'as d'yeux que pour ton humain.

— Tu étais un humain aussi, alors ne sois pas dédaigneux envers Jae-Sun.

Il devina à sa voix morne qu'il devait être plus prudent avec ses mots.

— Ton Jae-Sun a l'air d'un chic type ! Je vous observe de temps en temps et il est très compréhensible, il te soutient beaucoup. Mais..., Margot..., ce n'est pas ton futur. Il mourra bientôt. Dans quelques jours. Nous, les Anges de la Mort, nous serons toujours là pour toi.

— Ça ne vous est jamais venu à l'idée que je n'en avais pas envie ?

— Ne sois pas dure avec nous, rétorqua Ray.

— Je ne le suis pas. J'établis seulement un fait. Ma place n'est pas ici, elle n'est pas parmi vous. Pas tout de suite. J'ai besoin de Jae-Sun. J'ai besoin de lui à mes côtés. Contrairement à vous, il n'essaie pas de me faire changer d'avis, il ne me pousse pas à effectuer des tâches qui ne me plaisent pas et il court après un objectif similaire au mien. Il est prêt à mourir et il se sert de cela pour réaliser quelque chose avant son départ. Pourquoi me confier à vous ? Vous tenteriez de me convaincre que la voie du Seigneur est la seule et unique, que nous devons la prendre avec joie et nous y complaire. Je ne veux pas que vous me rabâchiez ceci à longueur de journée. Mieux vaut pour nous tous que je reste avec Jae-Sun durant les jours qu'il lui reste. Ce serait d'ailleurs bien lâche de lui annoncer sa future mort et de l'abandonner à son sort par la suite. De cette façon, vous économisez votre salive et moi, je garde mes pensées focalisées sur notre enquête.

Il serait complètement vain de continuer cette conversation et Ray n'insista pas. D'un côté, il saisissait parfaitement son point de vue. Il n'était pas idiot. Margot se servait de son coréen pour trouver son meurtrier, tandis que Jae-Sun se servait d'elle pour combler un manque d'aventure et un manque affectif lors de ses dernières heures sur terre ; à deux, ils parvenaient à se remonter le moral et à aller de l'avant. Il espérait que la jeune blonde réussisse à se raisonner avant le départ de son ami et qu'elle ne commette pas de bêtise à ce moment-là. Serait-elle capable d'interférer avec son décès ? Il prierait pour qu'elle ne dépasse pas la limite. D'un autre côté, il désirait l'aider et l'accompagner dans ce processus d'adaptation, il se sentait frustré qu'elle refuse sa main tendue.

 — Je peux te déposer chez Jae-Sun, si tu le souhaites ! se proposa-t-il.

Margot lui jeta un regard étrange, se demandant probablement pourquoi il la déposerait où que ce soit puisqu'elle savait déjà comment voyager par l'embarcadère. Elle haussa les épaules et se releva.

— Je ne rentre pas directement, indiqua-t-elle et elle bascula dans la lumière bleue.

La faucheuse arriva dans un lieu qu'elle reconnut grâce à son intuition ; des images apparurent dans son esprit, mais elles s'effacèrent aussitôt. Ses souvenirs étaient repoussés par son blocage interne et au lieu de s'en irriter et de ternir d'autant plus sa journée, elle contempla l'eau claire de la plage de Haeundae qui s'étendait à perte de vue. Quelques personnes étaient agenouillées dans le sable fin et se racontaient des anecdotes pour faire passer le temps, d'autres avaient amené leurs enfants jouer ou encore en profiter pour se photographier en couple. Une petite vingtaine de coréens étaient dispersés dans ce décor chaleureux et Margot commença à les imiter. 

Avenge the FallenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant