Avenge the Fallen

Le doigt du destin

Yoon avait gardé la tête baissée tout le reste du repas et Jae-Sun n'avait plus prononcé un mot. Margot l'avait prévenu de la dangerosité de sa situation : le médecin avait trahi sa profession en acceptant des pots-de-vin à l'époque et le fait que l'étudiant soit au courant désormais était susceptible de le faire changer de visage. S'il souhaitait se protéger et s'accrocher à son poste, ainsi que ne pas attiser la colère des Rosea, il s'en prendrait peut-être à lui pour le faire taire. Le jeune homme termina rapidement ses cuillères de riz et il se leva aussitôt, tendant son plateau à un membre du personnel.

— Méfie-toi de lui, je ne crois pas qu'il sera passif et qu'il te laissera partir sans avoir son mot à dire !

— Il a l'air gentil, soupira Jae-Sun. Mon cousin a fréquenté ce type corrompu durant tant d'années.

— Les apparences sont trompeuses, Oppa. C'est souvent les personnes qui renvoient le plus de sincérité qui finissent par nous décevoir.

Elle faisait évidemment référence à ses parents – ou plutôt à ses parents adoptifs.

— Attends !

Jae-Sun se figea à l'entente de cette voix. Il était au milieu du parking de l'hôpital, entre deux voitures qui pouvait le dissimuler aux yeux de passants. Par réflexe, il s'extirpa de là et se planta sur la route en pivotant. Yoon arriva en courant jusqu'à lui, essoufflé. Il devrait se concentrer sur son cardio ! Le coréen serra la mâchoire et attendit qu'il s'exprime en premier.

— Comment vas-tu utiliser cette information ? demanda-t-il avec une mine abattue. J'aimerais, si tu le permets, avertir ma femme d'abord avant qu'un scandale n'explose.

— Vous ne m'empêcherez pas de vous dénoncer à la police ?

Bien qu'il ne soit pas éligible à la condamnation grâce à la prescription pénale, il n'était pas certain que le médecin lui autorise à se rendre au commissariat le plus proche pour dévoiler son secret. Il avait une réputation à maintenir.

— Je... Je me sens coupable, avoua Yoon. J'ignore concrètement ce qu'il s'est passé, s'il s'agissait d'accidents ou de meurtres, mais je sais une chose. Les morts n'ont reçu aucune justice. C'est absolument affreux et... Si mon scandale peut aider les enquêteurs, alors...je suis prêt. Simplement...je veux le confesser à ma femme moi-même. Elle mérite au moins ça.

Les sourcils froncés, le coréen hésitait grandement à lui accorder le bénéfice du doute. Néanmoins, il fut convaincu par deux éléments : premièrement, son regard était tellement rempli de regrets qu'il ne pouvait pas mentir à ce sujet ; deuxièmement, ils se trouvaient en plein milieu de la route et il ne lui ferait pas de mal ici. Il demanda silencieusement à Margot ce qu'elle en pensait et elle haussa les épaules, signe que le sort de cet homme n'était pas son problème. D'un côté, Yoon n'était qu'un bon médecin qui avait effectué son dur labeur pendant des décennies, mais qui avait commis la faute – celle qui ne pouvait pas être pardonné par sa profession.

— Puisque vous êtes si enclin à vous montrer honnête et juste, vous devriez être en mesure de m'apporter une réponse de plus. J'ai en ma possession une fiole en verre qui contient un produit liquide et très odorant. Retournez à la morgue et analysez-la. Normalement, vos résultats vont indiquer un poison, mais j'ai besoin d'en être sûr. Rendez-moi ce service et par la suite, vous déciderez seul si vous avez le cran de signaler vos actes à la police ou non.

Yoon tiqua à sa façon de s'adresser à lui et il commença à croire que ce jeune homme n'était définitivement pas venu pour une demande de stage ; il se rendit compte par la même occasion que son histoire clairement inventée était ridicule. Quel étudiant en musique serait attiré par les morgues ? Le médecin soupira, mais accepta et il regagna sa morgue. Il s'arrêta une seconde parce que Jae-Sun ne le suivait pas. Celui-ci lui fit signe qu'il l'attendrait là. Hors de question qu'il s'enferme dans son bureau sans avoir la certitude de sa volonté d'intégrité.