Avenge the Fallen

Nécropole de l'oubli

Margot et Jae-Sun rentrèrent têtes baissées à l'appartement, les esprits ailleurs. Sa meilleure amie avait appris quelque chose qui lui aurait dérobé la vie, voilà ce qu'elle se répétait en boucle. Quel secret avait-elle porté pour qu'il la conduise à sa mort ? Ils étaient persuadés que, s'ils répondaient à cette question, ils obtiendraient automatiquement toute la réponse finale. Trouver le mobile pour trouver l'assassin. 

La jeune faucheuse avait beau réfléchir et retourner le problème dans tous les sens, elle ne voyait pas comment le meurtrier aurait pu la tuer autrement que par la pendaison. Mais, Laura se serait débattue ou elle aurait crié. D'après les voisins, tout s'était déroulé dans le calme total ce jour-là. N'avait-elle pas essayé de s'enfuir ? Il était possible, sous cet angle-là, qu'elle se soit laissé faire car elle connaissait très bien le coupable et qu'elle n'ait pas essayé de se battre contre lui. Il existait une autre hypothèse, mais Margot ne l'aimait pas du tout. Et si sa meilleure amie s'était écroulée sous le poids du secret ? Et si la révélation qu'elle était sur le point de lui faire l'avait poussé à se donner la mort ? 

Margot soupira lourdement et attira brièvement le regard de Jae-Sun avant qu'il ne le reporte sur la mer qu'ils longeaient. Ils n'avançaient pas vraiment et se posaient toujours les mêmes questions. Depuis le début de leur enquête, ils ne détenaient qu'une certitude : les Rosea connaissaient parfaitement le meurtrier, et il était d'ailleurs possible qu'il soit un Rosea. Seulement, c'était à peu près tout dont ils étaient sûrs. Jeunes et sans aucun appui professionnel, ils doutaient de leur capacité à déterminer l'identité du coupable. Incertitudes et ignorances les menaient droit dans un mur. Les minutes défilaient et la vie du coréen s'envolait.

En arrivant enfin chez lui, Jae-Sun déverrouilla la porte et se stoppa en plein milieu de son couloir, scrutant l'individu tranquillement installé dans son canapé à siroter une bouteille de soju qu'il avait acheté. Assez mécontent, il croisa les bras et soupira bruyamment pour faire comprendre son irritation, mais l'intrus s'en ficha superbement. Margot traîna des pieds derrière lui et s'immobilisa à son tour, en le remarquant. Son premier réflexe fut de rouler des yeux, se souvenant de leur précédente conversation. Qui d'autre à part Valentino pouvait l'agacer en un coup d'œil ? Le faucheur la sondait arrogamment, ses petites jambes croisées et son menton relevé. Le coréen ne se gêna pas pour lui lancer une pique tout en s'asseyant sans grâce à ses côtés, non sans gigoter brusquement pour déranger la quiétude du jeunot :

— T'as l'âge de boire, toi ?

— Je suis un Ange de la Mort de haut rang, prière de ne pas vous adresser à moi de la sorte...humain.

Valentino avait prononcé le dernier mot avec dédain et Jae-Sun pouffa tout en gardant un sourire impeccable.

— Tu restes un gamin quoi qu'il en soit !

— Margot Rosea, dis à ton...associé qu'il m'importune et que nous avons tous les deux mieux à faire que d'écouter ses railleries !

 — Je ne suis pas son associé ! s'insurgea le coréen.

— Et vous êtes quoi, dans ce cas ? rétorqua le faucheur sans que Margot puisse en placer une. Aux yeux de notre loi, vous vous êtes associés dans le but de nous donner des heures supplémentaires ! Fauteurs de troubles, chuchota-t-il.

Leurs yeux rétrécirent et ils se fixèrent en chiens de faïence. Margot jugea qu'elle n'avait en fait nul besoin d'intervenir, son ami gérait totalement la situation. Il n'hésita pas à titiller une nouvelle fois le faucheur sur un ton similaire en murmurant.

— Vous, les Anges de la Mort, vous n'êtes pas censés vous occuper des morts au lieu de picoler sur le canapé d'un honnête citoyen coréen ? Je vais finir par croire que vous m'aimez bien ! Ou que c'est Margot qui vous a tapé dans l'œil !