Avenge the Fallen

La première pierre coula

Toujours dans son costume couleur vin, Margot aida Jae-Sun à arranger sa tenue. Elle ignorait d'où lui venait cette habilité pour nouer des cravates, mais elle se révélait excellente en la matière. Au plus grand bonheur du coréen qui portait de tels vêtements uniquement pour des mariages. Il assistait à un enterrement pour la première fois et il n'était pas sûr de ce qu'il était censé ressentir. Même pour sa remise de diplôme, il était apparu en jean et haut sobre, ce qui n'avait guère étonné ses enseignants. 

— Euh...Margot ? 

Elle releva ses yeux et rencontra les siens, emplis de doute.

— Oui ?

— Si j'ai bien compris, le roi Yeomna n'existe pas. C'est la religion chrétienne qui avait raison ?

Margot pouffa à sa question, saisissant parfaitement ses doutes. Après plusieurs heures en sa compagnie et après avoir accepté l'existence des Anges de la Mort, le voilà en train de s'interroger sur la religion.

— Je ne crois pas qu'une religion ait raison ou tort. Le roi Yeomna est techniquement réel, puisqu'il existe bel et bien un être souverain du monde souterrain. Il ne porte peut-être pas ce nom là, mais ça ne signifie pas que les croyances coréennes sont fausses. Il y a une part de vérité dans toutes les religions et une part d'inexact qu'il ne faut pas forcément remettre en cause. Je pense qu'il est important de se détacher des mythes et des convictions pour mieux comprendre. 

— Tu ne te considères pas chrétienne ? insista Jae-Sun, perplexe.

— Je n'étais pas chrétienne dans ma vie d'humaine, je ne vois pas pourquoi je serais chrétienne maintenant. Et puis...je n'ai pas l'impression que le Seigneur, ou peu importe qui il est, souhaite que nous gaspillions du temps précieux à en apprendre davantage sur lui. 

— Qu'est-ce qui est vraiment important, dans ce cas ?

— Son dessein. Notre but. Je ne suis pas une faucheuse pour lui, je ne le sers pas. Ce sont les humains que je sers.

Elle marqua une pause et sourit.

— Je parie que Valentino ne serait pas d'accord ! Mais c'est ce que j'éprouve.

Jae-Sun hocha lentement de la tête, comme s'il avait besoin d'un certain temps pour analyser ce qu'elle lui avait dit. Margot termina de resserrer sa cravate et elle pivota vers le miroir accroché au mur du couloir. Elle se regarda et se trouva convenablement apprêtée, sauf qu'elle aurait plutôt opté pour du noir. Puis, la jeune femme soupira lourdement.

— Je suis bête..., ils ne me verront pas.

Il se tourna vers elle à ces mots, desquels il devina sa profonde tristesse. Jae-Sun se glissa derrière elle tout en se battant avec les tissus trop étroits de son costume et il tenta de changer de sujet avant qu'elle ne recommence à déprimer.

— Heureusement que la famille de Laura est européenne et qu'elle a insisté pour des funérailles à l'occidentale. 

Margot ne comprit pas tout à fait sa remarque, car sa mémoire lui manquait toujours. Jae-Sun aperçut son air interrogatif et lui expliqua :

— Les rites funéraires en Corée du Sud durent trois jours. Le premier jour, les proches et connaissances présentent leur respect au défunt et à la famille. Généralement, nous signons un livre de condoléance et nous offrons un peu d'argent au maître de cérémonie. Ensuite, la coutume est de boire du soju ou du makgeolli dans la seconde salle. Le deuxième jour, c'est la mise en bière et nous consacrons un repas au défunt. C'est ce jour-là qui compte pour la date d'anniversaire de décès. Et le troisième jour, c'est l'inhumation.