Avenge the Fallen

Le courroux céleste

Cette fameuse scène du réveil, où les deux protagonistes émergent tranquillement de leur sommeil profond dans les bras l'un de l'autre, qu'ils se fixent tendrement avec des sourires gênés à cause d'une telle proximité ; cette scène se déroula presque ainsi entre eux à quelques détails près. Jae-Sun se réveilla en premier. La veille n'ayant pas fermé les rideaux, il sentit la lumière pénétrer dans la pièce en répandant sa chaleur. Il tournait le dos à la fenêtre et faisait face à une Margot coincée entre lui et le mur de sa chambre. A ses mouvements, elle ne tarda pas à s'extirper des bras de Morphée et s'aperçut qu'une de ses mains reposait sur la hanche du jeune homme, tandis que son nez était enfoui dans son cou. Elle se promit de dormir sur le canapé dans les jours à venir, ayant du mal à gérer cette situation de bon matin. Subtilement, elle prit soin de ne pas croiser ses yeux et fit mine de naturellement s'étirer afin de s'éloigner de lui. Cependant, ses doigts tapèrent contre le béton et elle poussa un petit gémissement, ce qui tira un gloussement du coréen. 

— Ce n'est pas drôle, marmonna-t-elle en français. 

Le jeune homme retint un sourire amusé par cette réaction très peu discrète qu'il jugeait totalement adorable. Sa stratégie de repli aurait pu fonctionner sans le mur. Margot essayait tant bien que mal de ne pas s'attacher ou se rapproche de lui, puisqu'il était voué à mourir et à ne plus la revoir s'il entrait au Paradis. Sans compter qu'ils avaient un passé commun, certes timide, mais dont elle ne se souvenait pas et cela l'agaçait. Elle l'avait embrassé à une soirée et il lui avait rendu la surprise deux jours auparavant ; la faucheuse savait au fond d'elle que ce n'était pas son genre de dormir dans le même lit qu'un garçon ou de leur voler un baiser lors d'une fête, ce qui la troublait davantage. Elle espérait que Jae-Sun ne se fasse pas de fausses idées. D'ailleurs, il ne manqua pas cette occasion pour la taquiner :

— Les faucheurs tombent-ils malades ? Parce que tes joues sont vraiment très rouges. Tu ne nous ferais pas de la fièvre, par hasard ?

— Non, tout va bien, merci ! répondit-elle, sèchement, et il pouffa en l'entendant parler français. Malade d'embarras, oui.

Cette réflexion atteignit les oreilles du pianiste qui ne cessa d'arborer sa mine narquoise ; il aurait dû faire l'option français au lycée ! Margot découvrit un nouveau trait de caractère du jeune homme : espiègle. Il était joueur, dans le bon sens du terme, et aimait apparemment détendre l'atmosphère autant qu'il le pouvait. Elle ne comprenait pas pourquoi Jae-Sun avait si peu d'amis. Il était pourtant loyal, compatissant, amical et altruiste. Du moins, elle le ressentait en restant avec lui. Elle avait en fait oublié qu'il était gentil avec les personnes qui l'intéressaient seulement et ne s'adressaient jamais à tous les autres qui ne lui inspiraient pas confiance. La plupart du temps, il choisissait d'écouter ses préjugés plutôt que de gaspiller son énergie à tenter une nouvelle relation avec des gens qui risqueraient de lui déplaire fortement. C'était une habitude tenace qu'il essayait de changer.

— Nous avons du travail aujourd'hui ! s'exclama-t-il, soudainement. Je vais me laver et ensuite il faudra que nous discutions sérieusement sur ce que nous devrons faire.

Toutefois, lorsqu'il pivota dans sa direction, Margot était recroquevillée contre le mur et attendait sûrement qu'il s'en aille pour se lever à son tour. De plus en plus amusé par son comportement, Jae-Sun eut l'idée de faire grandir les tâches rougies sur ses joues. Il saisit délicatement sa main et la fit rouler jusqu'à lui. D'abord, les paupières closes et crispée, la faucheuse mit une poignée de secondes pour rouvrir les yeux et elle tomba nez à nez avec lui...mais pas que. 

Dès qu'ils se retrouvèrent face à face, ses yeux s'écarquillèrent et elle réprima un hoquet de stupéfaction. L'étudiant ne put ni suivre son geste, ni la questionner, car elle bougea trop rapidement. Margot se redressa d'un coup sur le matelas et lança son bras à vive allure derrière lui, comme un réflexe qu'elle ne parvint à contrôler. Son poing rencontra une surface dure et molle à la fois, un bruit sourd retentit par la suite dans la chambre. Elle se couvrit instantanément la bouche, elle-même choquée par sa force. Jae-Sun fronça les sourcils et chercha à déterminer ce qu'elle venait de heurter si violemment.