Les instruments dénonciateurs

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Margot n'avait quasiment pas la patience d'attendre le retour à l'appartement et elle ne cessait de tripoter l'ouverture de l'enveloppe. Celle-ci était épaisse et elle savait au fond d'elle que les informations cachées à l'intérieur seraient précieuses, déterminantes et assurément troublantes. Jae-Sun, toujours quelque peu essoufflé, avait du mal à la suivre tant elle avançait vite ; son subconscient la dirigeait à travers la ville et elle prenait inconsciemment tous les raccourcis. Néanmoins, il sentait qu'elle n'était pas tout à fait prête. Il voyait son regard vitreux, ses épaules voûtées et il pouvait aisément deviner que son cerveau surchauffait à force de lister toutes les hypothèses.

Dans cette enveloppe, tout se jouait, tout était remis en question, tout son avenir en tant que Margot Rosea était en suspens. Elle contenait soit ce qui la délivrerait du poids immense que ses épaules supportaient, soit ce qui l'achèverait et ferait d'elle une âme en peine pour l'éternité. Quoi que soit la finalité de son enquête, elle devait le savoir coûte que coûte. Alors, malgré ses doutes et ses craintes, elle le balaya d'un revers de main et se dépêcha de rejoindre l'appartement, montant quatre à quatre les escaliers. Dès qu'elle entra, la faucheuse fonça sur le canapé sans prendre le temps de passer par la porte et Jae-Sun accourut jusqu'à elle pendant qu'elle sortait déjà les feuilles noircies d'encre. 

— Tu es prête ? souffla le coréen, la respiration effrénée. 

Elle opina du chef, mais ses mouvements se stoppèrent et elle sembla penser un instant. Finalement, elle lui tendit les feuilles et il les saisit prudemment. Perplexe, Jae-Sun lui demanda de façon muette pourquoi elle ne les tenait pas elle-même ; elle ne répondit pas, mais il comprit qu'elle lui intimait de lire avec elle ces mots qui pourraient bouleverser son existante. Le coréen éprouva une certaine gratitude et était ému qu'elle lui offre une telle confiance. C'est avec des sentiments partagés et forts qu'elle le regarda sortir les documents et les disposer sur la table basse. Ils avaient désormais devant eux plusieurs paquets de feuilles agrafées – trois tas et une photographie pour être exact – et une montre à gousset.

Sur cette photographie, Margot ne reconnut pas la plupart des individus, mais elle essaya de les identifier par déduction. Dans un décor égyptien, une pyramide en fond et du sable omniprésent, cinq personnes prenaient la pause dans ce qui paraissait être un souvenir de vacances. Une fillette s'amusait à enfoncer ses pieds dans le sol chaud, elle lui était complètement inconnue. Jae-Sun, à contrario, était sûr de son identité. Un nez en trompette, des tâches de rousseur et un sourire de castor. Bien qu'elle se soit largement embellie au fil des années et surtout durant sa puberté, Victoria Rosea avait gardé quelques-unes de ces caractéristiques physiques. 

Le coréen lui expliqua donc qui elle était. La jeune femme sourit face à l'air candide de la petite. Elle ne présageait rien et vivait avec innocence, insouciance et était tout bonnement adorable dans cette photographie. En fait, c'était la première image que Margot voyait de sa cousine et ses yeux pétillèrent face à cette bouille. Jae-Sun ne fit pas de commentaire et la laissa profiter de ce moment. La faucheuse distingua également ses parents à droite, leurs mains entremêlées. Deux autres personnes s'étreignaient dans le coin gauche et la femme avait le regard rivé sur la fillette. Ils en déduisirent qu'il s'agissait de Sheila et Samuel. Ce souvenir avait dû être immortalisé peu avant leur décès. Voilà pourquoi Mireille l'avait soigneusement rangée dans l'enveloppe.

— Quelle heureuse famille, marmonne Margot. Comment avons-nous pu tout gâcher ainsi ?

Elle lâcha à contrecœur la photographie qu'elle aurait fixé toute une vie si elle l'avait pu. Ils se concentrèrent sur la première liasse de feuilles agrafées. A priori, ils avaient affaire à un document officiel rédigé sous la vigilance d'un notaire. Les orbes des deux s'écarquillèrent en réalisant ce qu'ils avaient dans les mains.

Avenge the FallenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant